L’ouvrage collectif Competition Law and Economics. Developments, Policies and Enforcement Trends in the US and Korea, rédigé sous la direction des professeurs Choi, Lim et Lee, nous offre une nouvelle illustration de la qualité scientifique du Korea Development Institute (KDI). L’analyse, dont le point de départ logique est la Corée du Sud, intègre de nombreuses illustrations américaines et canadiennes. L’intérêt scientifique de cet ouvrage dépasse ces seules zones géographiques. Si l’histoire économique de la Corée du Sud a été particulièrement mouvementée ces dernières décennies avec sa rapide rencontre avec la mondialisation, qui se matérialise encore aujourd’hui avec ses puissants groupes industriels, les politiques publiques coréennes propices tant aux investissements pour affronter la concurrence internationale qu’à la concentration économique ont laissé de nombreuses traces dans les structures de marchés en dépit des politiques de concurrence entreprises ces dernières années. En effet, le glissement d’une politique économique favorable aux monopoles et à la cartellisation de l’économie dans le but de répondre aux craintes liées à la mondialisation vers une nouvelle politique de promotion de la concurrence mise en œuvre par la Fair Trade Commission offre un sujet d’étude permettant de coordonner habilement la théorie économique et les études empiriques. Sans surprise, cet ouvrage réussit pleinement à atteindre ses ambitions pourtant élevées. Le support scientifique particulièrement riche et varié offre de nombreuses illustrations pratiques et des analyses comparées particulièrement stimulantes pour les chercheurs et les praticiens de la régulation.
La deuxième partie offre ainsi une comparaison solide des méthodes d’appréciation des différentes autorités de la concurrence. La multiplication de leur nombre ces dernières années entraîne naturellement des difficultés dans la mise en œuvre des règles de la concurrence. Paradoxalement, l’accroissement rapide de la compétition internationale et l’émergence de marchés économiques globalisés peuvent freiner l’émergence de pratiques décisionnelles hétérogènes au sein des régulateurs. L’étude qui est portée par le professeur Choi s’interroge en effet sur les conséquences économiques occasionnées par la multiplicité des cadres de mise en œuvre du droit de la concurrence notamment pour les entreprises en situation de position dominante. La compétition internationale affecte en parallèle la structure des marchés nationaux. Les risques d’incohérences entre les autorités conduisent inexorablement, selon les auteurs, à l’émergence d’un forum shopping de la part des multinationales. De telles difficultés sont d’ailleurs accrues lorsque les régulateurs nationaux intègrent des politiques secondaires au sein de leurs critères d’analyse. L’étude, sans se limiter aux seuls constats, propose également des pistes d’évolutions axées principalement autour du Réseau international de la concurrence. Elle offre également, sur la base d’analyses comparées des différentes pratiques décisionnelles, des outils permettant de renforcer l’efficacité des études de marché, élément central pour le développement et la réussite globale de la politique de la concurrence. L’ouvrage nous rappelle que la minutie des études de marché apparaît comme un préalable essentiel pour assurer l’efficacité de la régulation et envisager des pistes de réformes de celle-ci.
Dans la troisième partie de l’ouvrage relative aux abus de position dominante, Yong Hyeon Yang revient sur les interdictions per se et la règle de raison. Il propose avec conviction la mise en place d’une “règle de raison structurée” principalement dans le cadre du contentieux portant sur les accords de ventes liées. L’objectif étant, pour l’auteur, de ne plus recourir aux interdictions per se et d’embrasser une analyse approfondie et rigoureuse qui porte sur l’ensemble des effets des pratiques en cause. Celle-ci suppose de se fonder sur l’intégralité des données disponibles et les caractéristiques des marchés des produits concernés par les accords.
Moins originale, mais tout aussi pertinente, la quatrième partie de l’ouvrage revient sur les modifications des lignes directrices américaines de 2010 portant sur les concentrations horizontales. Les ambitions et objectifs de la réforme sont présentés et précisés, les auteurs insistent également sur la nécessité pour les autorités de concurrence de recourir plus largement aux études rétrospectives pour perfectionner leurs pratiques en la matière.
Enfin, dans la cinquième partie, sur les restrictions verticales, les différents auteurs insistent sur une qualification méthodologiquement fondée sur la théorie économique. Ils étudient ensuite avec soin les différents types de restrictions verticales en proposant des modèles théoriques facilement transposables à la pratique décisionnelle. Le dernier chapitre permet d’offrir un nouvel éclairage, toujours précieux, sur la problématique complexe des contrats d’achats de la grande distribution, dont les risques sur la concurrence, liés aux spécificités de tels contrats, sont encore insuffisamment étudiés et modélisés.
La richesse des contributions permet à cet ouvrage de préciser une nouvelle fois l’importance d’accroître les échanges entre le droit de la concurrence, les sciences économiques et les différentes autorités de la concurrence. La diversité des analyses offertes et des propositions devraient satisfaire l’ensemble des praticiens et des chercheurs en droit de la concurrence et en droit de la régulation.