The Art of Regulation. Competition in Europe – Wealth and Wariness, Christian KOENIG, Bernhard VON WENDLAND et Nora Bettina BRAUN

Christian Koenig, Bernhard von Wendland, Nora Bettina Braun

Cette rubrique recense et commente les ouvrages et autres publications en droit de la concurrence, droit & économie de la concurrence et en droit de la régulation. Une telle recension ne peut par nature être exhaustive et se limite donc à présenter quelques publications récentes dans ces matières. Auteurs et éditeurs peuvent envoyer les ouvrages à l’intention du responsable de cette rubrique : stephane.rodrigues-domingues@univ-paris1.fr

Cet ouvrage est issu d’une collaboration entre Christian Koenig (professeur au Center for European Integration Studies, Université de Bonn) et Bernhard von Wendland (Direction générale de la concurrence, Commission européenne). Les auteurs se proposent d’étudier “l’Art de la régulation”, en tant que fonction mise en œuvre par les institutions européennes. Dans une approche mêlant théorie et pratique, l’ouvrage s’adresse à la fois aux chercheurs, aux étudiants et aux praticiens. La démarche est transversale et pluridisciplinaire. Sont ainsi abordés successivement les fondements de la régulation, les conditions de son efficacité, ainsi que les instruments à la disposition du régulateur, dans leurs aspects tant juridiques qu’économiques, historiques et sociologiques.

Dans un chapitre introductif, les auteurs adoptent une définition fonctionnelle de la régulation, celle-ci devant être guidée par un objectif d’équité, au sens économique du terme, et de bien-être général. La régulation désigne ainsi toute intervention des pouvoirs publics dans l’allocation des ressources et visant à orienter le comportement des opérateurs de marché dans un sens conforme à l’intérêt général. Dans cette perspective, la régulation ne s’oppose pas au droit de la concurrence. Bien au contraire, aux côtés d’une forme verticale – ou sectorielle – de régulation visant à corriger les dysfonctionnements de marché, C. Koenig et B. von Wendland considèrent le droit de la concurrence comme une forme horizontale de régulation, en ce qu’il offre à l’administration les moyens d’une action exogène sur le comportement des opérateurs et donc sur l’allocation des ressources.

Le chapitre 2 est ensuite consacré à une brève étude historique de la régulation des marchés en Europe. Y sont ainsi décrites, depuis l’époque médiévale jusqu’à nos jours, les différentes formes d’intervention publique sur le marché, oscillant entre principe de laisser-faire et dirigisme économique. Le chapitre retrace ainsi l’évolution de la régulation, partant des premières luttes contre les accaparements du Moyen Âge, en passant par les théories mercantilistes et marxistes, pour aboutir aux principes de l’ordo-libéralisme, dont se trouvent aujourd’hui largement imprégnées les institutions européennes.

Dans le troisième chapitre, sont exposés les différents “instruments” de régulation. Le droit de la concurrence offre ainsi différents moyens d’action horizontaux (c.-à-d. applicables à tous les secteurs) et permettant de lutter contre les distorsions de concurrence induites par le comportement des entreprises mais aussi des États. À cet égard, si les aides d’État peuvent être appréhendées sous l’angle du contrôle du régulateur européen, elles doivent également être considérées comme constituant en elles-mêmes, un instrument de régulation privilégié. Lorsque le marché ne peut seul parvenir à une allocation efficace des ressources, des outils de régulation sectorielle sont également à la disposition du régulateur et lui permettent notamment d’intervenir sur le nombre d’opérateurs ou sur la fixation des prix.

Le chapitre 4 aborde les fondements des interventions régulatrices mises en œuvre par les États, en particulier lorsqu’elles prennent la forme d’aides financières apportées aux entreprises. Si ces interventions peuvent être justifiées d’un point de vue strictement national, les auteurs mettent en exergue la tension pouvant exister entre ces mesures étatiques et les objectifs supranationaux propres à l’Union européenne (UE). Les institutions européennes ont ainsi la charge de définir les principes d’un intérêt commun, devant être partagé par l’ensemble des États membres et à la lumière duquel seront contrôlées les interventions étatiques.

Le chapitre 5 poursuit le raisonnement et démontre que le contrôle des aides d’État n’est plus seulement un outil de conciliation des intérêts nationaux et communautaires. Il est également devenu un véritable instrument de politique industrielle à la disposition de la Commission européenne. Via son pouvoir décisionnel, complété par l’adoption de textes de soft law, la Commission tendrait en effet à orienter l’adoption des aides dans une direction conforme à l’objectif général de compétitivité, tel que défini dans la stratégie de Lisbonne.

Le sixième chapitre est l’occasion d’étudier plus avant la dimension sectorielle de la régulation des marchés. De nombreux secteurs (télécoms, énergie, transport ferroviaire), caractérisés par une industrie de réseau et anciennement structurés sur l’existence de monopoles étatiques, ont ainsi fait l’objet d’une libéralisation. Les mécanismes de régulation consisteront alors principalement à garantir l’accès du réseau au profit des nouveaux entrants. À cet égard, le secteur financier doit être distingué des autres secteurs. En effet, les principes de régulation qui le gouvernent ne cherchent pas à garantir l’accès à un réseau détenu par un opérateur historique mais à prévenir les risques de crise systémique.

Dans le septième chapitre, C. Koenig et B. von Wendland s’intéressent aux difficultés (voire à l’impossibilité) de concilier les régimes de contrôle d’aides d’État respectivement prévus par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et le droit de l’UE. Selon les auteurs, cette incompatibilité résulte de l’absence de véritable intérêt commun partagé par l’ensemble des membres de l’OMC, si ce n’est le respect du libre-échange en tant que tel ; et cela contrairement à l’UE, qui ne poursuit ce principe de libre-échange qu’en tant que moyen de parvenir à une fin plus générale – le bien-être dans l’Union – permettant de justifier une aide d’État a priori incompatible avec le marché intérieur, mais contribuant à la réalisation d’un objectif supérieur.

Le huitième chapitre aborde enfin la question de la légitimité des institutions européennes dans leur entreprise de régulation des marchés. De ce point de vue, la dimension législative de la régulation ne soulève pas de difficulté particulière dans la mesure où l’adoption des directives et règlements repose sur une procédure parlementaire, leur conférant, par définition, une légitimité démocratique. La régulation par la voie décisionnelle et l’adoption de textes de soft law peuvent apparaître plus problématiques, mais le contrôle juridictionnel des actes de la Commission est jugé satisfaisant. Pour autant, les auteurs envisagent la possibilité de créer une autorité de régulation européenne plus indépendante du pouvoir politique, sur le modèle de certaines autorités de régulation nationales.

En définitive, cet ouvrage présente un grand intérêt didactique. Il aborde les principaux aspects de la régulation d’une manière à la fois précise et synthétique. Sa dimension pédagogique se confirme par la reproduction d’extraits de jurisprudence et des textes fondamentaux, et par les nombreuses références bibliographiques à l’adresse des lecteurs souhaitant approfondir certains thèmes. La valeur de l’ouvrage réside enfin dans la capacité de ses auteurs à décrire fidèlement les mécanismes de régulation, à en cerner les enjeux, mais également à faire œuvre de proposition devant les difficultés persistantes.

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Auteur

Citation

Antonin Pitras, The Art of Regulation. Competition in Europe – Wealth and Wariness, Christian KOENIG, Bernhard VON WENDLAND et Nora Bettina BRAUN , novembre 2017, Concurrences N° 4-2017, Art. N° 85072, pp. 225-226

Éditeur Edward Elgar Publishing

Date 24 février 2017

Nombre de pages 243

ISBN 978-1785367588

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