Rapport annuel pour l’année 2007

French Competition Authority

Le Conseil de la concurrence a fait paraître au cours du mois de juillet son rapport annuel pour l’année 2007.

Le Conseil se félicite, à l’instar des années précédentes, de la baisse de volume de son stock d’affaires en cours. Le nombre de saisines est resté stable en 2007 et le nombre d’affaires traitées s’est accru. Le développement de son activité consultative lui permet d’assurer, mieux qu’avant, une pédagogie de la concurrence. Le Conseil de la concurrence rappelle également sa forte implication dans le Réseau européen de la concurrence, par le biais de nombreuses réunions et participations à des groupes de travail.

L’ensemble des décisions rendues en 2007 est détaillé dans le rapport. En matière d’ententes horizontales, le Conseil de la concurrence se réjouit d’avoir démantelé plusieurs cartels de grande importance. Nous retiendrons essentiellement la décision 07-D-15 du 9 mai 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans les marchés publics relatifs aux lycées d’Ile de France et la décision 07-D-48 du 18 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du déménagement national et international. Pour caractériser l’adhésion d’un concurrent à une entente à partir de sa participation à une réunion, le Conseil distingue deux sortes de réunions. S’il s’agit d’une réunion tenue dans le cadre statutaire d’une organisation professionnelle, la participation à une seule réunion ne suffit pas à démontrer l’adhésion de l’entreprise puisqu’elle n’est pas en mesure de connaître à l’avance l’objet anticoncurrentiel de la réunion. Mais s’il s’agit d’une réunion informelle, de nature occulte ou secrète, la participation, même passive, d’une entreprise à une seule réunion, suffit à démontrer son adhésion à l’entente.

Quant aux ententes verticales, le Conseil rappelle son standard de preuve en matière de prix imposés. Dans la décision n° 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des jouets, il est précisé qu’à défaut de contrat contenant un accord direct ou indirect sur les prix (comme c’était le cas dans l’affaire n° 07-D-04 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par le réseau de franchise Jeff de Bruges), un faisceau d’indices regroupant la diffusion par le fournisseur de prix conseillés, un mécanisme de surveillance des prix par ce fournisseur et l’application effective de ces prix par le distributeur, suffit à démontrer l’existence de prix imposés.

En matière d’abus de domination ensuite, mentionnons que la notion de position dominante collective est précisée puisque sont définies plus clairement les notions de “liens structurels” et de “transparence du marché” (décision 07-D-08 du 12 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’approvisionnement et de la distribution du ciment en Corse). Plus loin, le rapport revient sur la décision 07-D-09 relative à des pratiques mises en œuvre par le laboratoire Glaxosmithkline, dans laquelle le Conseil a sanctionné le laboratoire pharmaceutique pour des pratiques de prédation. Sont retranscrites les différentes stratégies de prédation, la mise en œuvre du test de coût et les justifications envisageables.

L’étude de la jurisprudence pour l’année 2007 montre un durcissement dans la politique de sanctions du Conseil. De lourdes injonctions ont été prononcées dans le cadre du contentieux conservatoire, particulièrement pour la régulation de marchés émergents ou nouvellement ouverts à la concurrence. L’année 2007 restera marquée par un accroissement du montant des amendes qui est expliqué - entre autres - par l’application des nouveaux plafonds de sanctions prévues par la loi NRE du 15 mai 2001 et par une meilleure prise en compte de la gravité des pratiques. L’accent est porté sur le développement des procédures alternatives : la procédure de non-contestation des griefs et le programme de clémence ont été utilisés dans de nombreuses décisions. Quant à la pratique des engagements, qualifiée par Bruno Lasserre de “franc succès”, son développement continue à démontrer sa pleine efficacité.

Deux études thématiques sont proposées dans le rapport.

La première concerne les mesures conservatoires. Le Conseil de la concurrence rappelle l’importance de la célérité de son intervention dans l’efficacité du droit de la concurrence. L’urgence due au caractère irrémédiable de certaines atteintes portées au marché justifie l’existence du contentieux conservatoire. Il n’est donc pas étonnant que l’urgence constitue le critère principal de son intervention. Le Conseil interviendra dès lors que la pratique comporte un risque particulier d’éviction d’un acteur économique. Les marchés émergents ou en voie de libéralisation sont particulièrement protégés dans ce cadre. Le Conseil se félicite de l’assouplissement réalisé par l’arrêt du 8 avril 2005 rendu par la Cour de cassation qui lui permet de prononcer des mesures conservatoires plus fréquemment. Un constat prima facie d’infraction n’est plus exigé, il lui suffit de vérifier que la pratique en cause est “susceptible” de constituer une pratique anticoncurrentielle. Le Conseil rappelle cependant que l’urgence constitue la limite de son intervention : l’atteinte portée à la concurrence doit être à la fois grave et immédiate. L’articulation du contentieux conservatoire avec la procédure d’engagements offre des bénéfices réciproques aux deux procédures. Le Conseil critique néanmoins le fait qu’il ne puisse pas se saisir d’office dans le cadre du contentieux conservatoire.

La seconde étude porte sur l’exclusivité et les contrats de long terme. Ces deux aspects sont reliés car, d’une part, l’effet de l’exclusivité s’accroît avec la durée durant laquelle elle est prévue et, d’autre part, la durée provoque une exclusivité de fait. L’étude commence par réfuter les thèses de l’École de Chicago démontrant que l’exclusivité et le long terme ne peuvent être acceptés par les deux parties au contrat que s’ils génèrent des gains d’efficience. Il est démontré que ces mécanismes contractuels peuvent être utilisés à des fins anticoncurrentielles. Pour autant, qu’ils soient analysés au regard du droit des ententes ou du droit des abus de domination, ils ne sont pas interdits per se, ni en droit interne, ni en droit communautaire. Leur caractère anticoncurrentiel dépend de la structure du marché et du contenu contractuel. Même si le caractère anticoncurrentiel de la pratique dépend des circonstances in concreto, le Conseil nous fournit d’intéressantes lignes directrices sur ce point. Il énumère les facteurs d’appréciation de l’exclusivité et du long terme : le champ et la portée de l’exclusivité, la part de la demande liée, l’enchevêtrement temporel des contrats, les conditions de résiliation et de non-renouvellement, la dispersion géographique et l’atomicité de la demande. L’étude s’intéresse ensuite aux justifications que ces pratiques sont susceptibles de recevoir. Si le Conseil cite les fondements des articles L. 420-4 du Code de commerce et 81, § 3 du Traité, on remarquera qu’il ne fait pas état de l’absence de fondement textuel pour les justifications des abus de position dominante en droit communautaire. Parmi les justifications avancées, mentionnons la nécessité pour les entreprises d’assurer la rentabilité de leurs investissements. Il est vrai que, dans un certain nombre de cas, l’exclusivité est un facteur d’incitation à l’investissement. Les gains d’efficacité engendrés par l’exclusivité peuvent également exempter la pratique car ils profitent aux parties concernées et aux consommateurs. Enfin, des raisons d’ordre technique liées à l’organisation du processus productif peuvent légitimer l’exclusivité. La charge de la preuve de ces justifications pèse sur l’entreprise mise en cause qui doit démontrer, en sus, qu’elle ne pouvait atteindre le gain allégué par une méthode moins restrictive de concurrence.

Résolument tourné vers l’avenir, le Conseil de la concurrence ne manque pas d’informer les lecteurs de son rapport qu’elle est prête à aborder sa mutation en “Autorité de la concurrence”.