Le “troisième paquet énergie”, présenté par la Commission européenne en septembre 2007 (v. Concurrences, n° 4-2007, chronique Régulations, p. 135-137), constitue une nouvelle étape de la libéralisation du marché intérieur de l’énergie. Cette nouvelle vague de textes communautaires s’inscrit dans un processus qui mérite d’être rappelé brièvement. Dépourvue de compétences propres en matière énergétique, la Commission européenne a, dans un premier temps, étendu son pouvoir d’initiative sur la base de ses compétences en matière de marché intérieur et de concurrence. Les premières directives ont été adoptées en 1996 pour l’électricité (96/92/CE) et en 1998 pour le gaz (98/30/CE). Un approfondissement de la libéralisation a ensuite été enregistré avec les directives 2003/54/CE et 2003/55/CE de juin 2003. Ces deux premiers “paquets” ont organisé l’ouverture du marché de l’énergie en prévoyant le libre choix du fournisseur pour les consommateurs, la liberté d’établissement pour les producteurs et le droit d’accès dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires pour tous les utilisateurs des réseaux de transport et de distribution. Dans son “troisième paquet énergie”, faisant suite à des directives adoptées en 1996-1998 puis en 2003, la Commission européenne propose de franchir une nouvelle étape dans la libéralisation du marché intérieur de l’énergie. En s’appuyant sur les compétences partagées dont elle dispose dans le secteur de l’environnement, la Commission a présenté, en janvier 2008, un “paquet énergie-climat”, dans lequel la Commission européenne se contente de préconiser de nouvelles dispositions permettant, selon elle, de favoriser une telle évolution (v. Concurrences, n° 2-2008, chronique Régulations, p. 172-173). Visant à atteindre les objectifs ambitieux que l’Europe s’est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre - 20 % d’ici à 2020 - le paquet propose des mesures, notamment en ce qui concerne la révision du système communautaire d’échange de quotas de CO2, les biocarburants et la répartition de l’effort entre les États membres pour développer les renouvelables. Ce “paquet énergie” regroupe ainsi quatre propositions de règlement et une proposition de directive : la proposition de règlement concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport du gaz naturel (E 3642) ; la proposition de directive concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (E 3643) ; la proposition de règlement instituant une Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (E 3644) ; la proposition de règlement sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité (E 3645) ; et la proposition de règlement sur les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel (E 3646).
En fait, dans ce “troisième paquet énergie”, il s’agit surtout de mettre en œuvre deux types de mesures, qui font l’objet des deux parties du rapport parlementaire. Dans la première partie, le rapport juge opportun le renforcement de la régulation des réseaux de transport d’énergie et de la coordination des gestionnaires de ces réseaux. Il souhaite notamment l’amélioration de la coopération régionale et la préservation des compétences régaliennes des pays de l’Union européenne. Les premières mesures visent à un renforcement de la régulation et de la coordination apparaissent nécessaires et opportunes. Les discussions suscitées par la présentation du “troisième paquet énergie” se sont surtout focalisées sur le problème de la séparation patrimoniale. Pourtant, les propositions de la Commission européenne comportent un autre volet, moins politique et peut-être plus technique, visant à mieux encadrer le marché de l’énergie et à rendre son fonctionnement plus transparent et plus efficace. Dans la seconde partie, le rapport estime disproportionnée la proposition de la Commission visant à imposer comme modèle unique la “séparation patrimoniale” des entreprises intégrées, avec pour objectif de séparer les gestionnaires de réseau de transport (GRT) des activités de production ou de distribution. Il apporte son soutien à la proposition alternative élaborée par huit États membres (dont la France), tendant à renforcer l’indépendance des GRT et à favoriser les investissements. Selon le rapporteur, en se focalisant sur la seule question de la propriété, la Commission laisse de côté les préoccupations essentielles des consommateurs européens que sont la sécurité d’approvisionnement et le prix de l’énergie.
Favoriser la sécurité d’approvisionnement et le développement durable, assurer la compétitivité des prix et un niveau élevé de service, tels sont les objectifs du marché intérieur de l’électricité et du gaz. Pour la Commission, c’est en offrant une réelle liberté de choix à tous les consommateurs de l’Union, particuliers et entreprises, en créant de nouvelles perspectives d’activité et en intensifiant les échanges transfrontaliers, que des progrès seront réalisés. Or, il n’est pas possible selon elle, de garantir actuellement à toutes les entreprises de la Communauté le droit de vendre de l’électricité et du gaz dans n’importe quel État membre dans des conditions identiques et sans subir de discriminations ni de désavantages. Deux mesures essentielles sont identifiées pour résoudre ce problème : mettre en place un niveau de surveillance réglementaire comparable dans chaque État membre, et organiser un accès non discriminatoire au réseau. Pour satisfaire ce dernier objectif, la Commission a une solution : la séparation patrimoniale. Le rapporteur critique clairement cette option. En imposant comme modèle unique la séparation patrimoniale des entreprises intégrées, ces mesures “constituent manifestement une réforme disproportionnée qui, en se focalisant sur la seule question de la propriété, laisse de côté les préoccupations essentielles des consommateurs européens que sont la sécurité d’approvisionnement et le prix de l’énergie”.
Ce rapport parlementaire instructif propose une ainsi une analyse critique de certains aspects de la libéralisation du marché intérieur de l’énergie. La Commission européenne n’est pas la seule visée. L’exécutif français - qui a la responsabilité d’assurer la présidence française de l’UE au second semestre 2008 - est implicitement “alerté” par la délégation pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale. Dossier lié à la lutte contre le changement climatique, la politique énergétique européenne est l’une des autres priorités de la présidence française de l’UE. Le Conseil des ministres de l’énergie du 6 juin 2008 est parvenu à un compromis entre la position de la Commission européenne et celle de la minorité de blocage, en laissant le libre choix aux États d’opter ou non pour l’“unbundling” intégral. Toutefois, le Parlement européen, qui a examiné le paquet le 18 juin 2008, s’en est tenu à la proposition initiale de la Commission. Parallèlement au processus de décision européen, la réunion de la Convention Climat et du Protocole de Kyoto qui se tiendra à Poznan (Pologne) en décembre 2008 sera une étape importante en vue d’aboutir à un accord à la conférence de Copenhague en 2009. La crédibilité de l’Union européenne sur la scène internationale dépendra beaucoup de sa capacité à trouver un accord sur le paquet énergie-climat. La mise en œuvre d’une politique énergétique commune est l’une des ambitions de l’Union européenne du XXIème siècle.