BIBLIOGRAPHIE : Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2007, 656 p.

Le contrôle des pratiques anticoncurrentielles et des concentrations entre entreprises dans une économie mondialisée. Contribution à l’étude de l’application internationale du droit économique Contribution à l’étude de l’application internationale du droit économique

À quelles adaptations le droit de la concurrence doit-il se résoudre pour faire face à l’internationalisation croissante des pratiques anticoncurrentielles et des opérations de concentration ? L’ouvrage d’Habib Kazzi, produit d’une thèse de doctorat soutenue le 27 octobre 2006 à l’Université Paris X sous la direction du professeur J.-M. Thouvenin, constitue un travail de synthèse non négligeable sur ce thème. Le sujet est d’une brûlante actualité, comme en témoigne le colloque tenu à l’Université de Bourgogne en juin 2007 et dont les actes viennent d’être récemment publiés (V. Mondialisation et droit de la concurrence - Les réactions normatives des États face à la mondialisation des pratiques anticoncurrentielles et des opérations de concentration, Litec, 2008, v. infra).

La mondialisation des échanges et la multiplication des affaires de dimension internationale constituent un défi pour les politiques de concurrence. En dissociant le territoire où elles sont décidées de l’espace géographique où elles produisent leurs effets, elles révèlent l’inadéquation des instruments internes de contrôle, compliquent les stratégies commerciales des entreprises et appellent à un renforcement de la coopération et de la convergence des droits nationaux de la concurrence. Prenant acte de ces difficultés, le travail de M. Kazzi a donc un double objet, autour duquel s’articule le plan. Il vise, en premier lieu, à dresser un bilan en étudiant, de manière détaillée, le mouvement de fond qui caractérise le contexte international actuel en mettant en lumière les bouleversements induits par la mondialisation de l’économie sur les contrôles de la concurrence. En second lieu, il vise à examiner les solutions possibles, en étudiant notamment le processus de coopération et de convergence des législations antitrust à l’échelle internationale.

La première partie, très riche, met en lumière la cacophonie d’un système fondé sur la multiplication des systèmes nationaux ou régionaux de concurrence et souligne son inadaptation au phénomène de mondialisation des pratiques anticoncurrentielles. L’auteur constate, en premier lieu, un phénomène de multiplication des législations sur la concurrence, encouragé par les différents mécanismes institutionnels en matière de coopération et d’assistance technique mis en place par les pays développés et les organisations internationales compétentes. L’environnement juridique international favorise la prolifération du nombre d’autorités nationales de contrôle et de programmes d’assistance technique, qui propagent une véritable “culture de la concurrence”, en particulier dans les pays en voie de développement (PED). Ce mouvement va de pair avec un renforcement de la légitimité, de l’autonomie et de la transparence des autorités de contrôle. Ce constat dressé, ce sont surtout les développements de la seconde sous partie qui retiennent l’attention. Cette prolifération des autorités de concurrence, qui conduit à des divergences d’approche notables, tranche avec le caractère international des opérations envisagées. L’auteur analyse la diversité des approches tant en matière de contrôle des comportements (sous le double angle de la découverte et du traitement des pratiques anticoncurrentielles), qu’en matière de contrôle des structures, caractérisées par le manque de coordination entre les autorités de contrôle, auxquelles viennent s’ajouter les divergences dans les objectifs et le traitement juridique des engagements. On lira avec grand profit cette analyse de droit comparé, en particulier les développements consacrés au contrôle des concentrations (p. 231 et s.).

L’inadaptation du système est également confirmée par les effets néfastes engendrés par la mise en œuvre unilatérale du droit de la concurrence. On relèvera sur ce point les développements très fouillés relatifs au développement de l’extension extraterritoriale du droit de la concurrence (p. 255 et s.) ou le recours aux lois de police (p. 325 et s.), qui contribuent au renforcement du cloisonnement des systèmes de contrôle nationaux.

Dans la seconde partie, l’auteur examine les réponses apportées et constate les difficultés de promotion d’un véritable ordre concurrentiel international, tant d’un point de vue politique que technique. La réponse des États à l’internationalisation des pratiques restrictives de concurrence montre clairement que la priorité est donnée à la coordination des droits nationaux et à l’instauration d’un climat de confiance entre les autorités de contrôle. Ce processus s’articule en deux mouvements. Il consiste, tout d’abord, en un renforcement de la coopération entre les autorités nationales de concurrence, le plus souvent par la voie des accords bilatéraux, dans le but de limiter l’application concurrente des législations antitrust. L’auteur insiste sur le caractère plus avancé du traitement des conflits de compétence mis en place par le règlement 1/2003 (p. 398). Cette coordination demeure toutefois limitée, étant fondée sur la base du volontariat.

Le renforcement de la coopération s’accompagne, en second lieu, d’un phénomène de convergence des régimes antitrust. L’auteur étudie les avantages potentiels d’un accord-cadre multilatéral sur la concurrence au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour l’application effective d’une politique de concurrence, tout en soulignant les obstacles juridiques et politiques auxquels cette application est confrontée. Faute d’accord, on se contente d’un rapprochement unilatéral fondé sur un modèle commun du droit de la concurrence au sein duquel l’approche économique du droit de la concurrence, caractéristique du droit antitrust américain, s’impose progressivement, aussi bien dans la démarche analytique que dans les objectifs et le champ d’application de la politique de concurrence qui tendent à converger. Enfin, on assiste au développement d’instruments juridiques de coopération au niveau international. Dans ce contexte, l’instauration de l’International Competition Network (ICN) demeure l’innovation majeure.

Si les développements de cette seconde partie s’avèrent assez fouillés, ils nous paraissent moins convaincants. On regrettera qu’ils se bornent, le plus souvent, à recenser les solutions existantes, au détriment d’une approche réellement critique et novatrice. Au-delà de l’examen, certes assez exhaustif, de la riposte des États aux défis et obstacles soulevés par l’internationalisation des pratiques anticoncurrentielles, on reste parfois un peu sur sa faim. Tel est le cas pour les développements consacrés à l’ICN ou encore les mécanismes de traitement des conflits de compétence en dehors du cadre communautaire. Cette critique ne remet toutefois pas en cause l’intérêt de la recherche qui devra être prise en considération compte tenu de la richesse et de l’acuité de la plupart de ses développements.