Les accords de transfert de technologie : Règlement n° 772/2004 du 27 avril 2004 concernant l’application de l’article 81 § 3 du traité à des catégories d’accords de transfert de technologie

Sylvaine Peruzzetto, Pierre Kamina, Jacques Azema

Accueillant les actes d’une journée d’étude qui s’est tenue à Paris le 21 septembre 2004, cet ouvrage collectif représente le dernier témoignage en date de l’attachement que porte la FNDE aux règles communautaires de la concurrence applicables aux accords de transfert de technologie. Une manière confortable de rendre compte des débats qui ont eu lieu au cours de cette journée pourrait consister dans l’évocation sommaire du contenu des interventions successives. Néanmoins, en prenant appui sur l’inquiétude manifestée en ouverture par le Professeur Jacques Azéma quant aux répercussions de la « nouvelle approche » ainsi que sur les oppositions relevées puis dépassées par le Professeur Didier Ferrier dans son travail de synthèse, il apparaît plus judicieux de mettre en lumière deux idées-forces qui ressortent des travaux menés au cours de cette journée. En effet, si à l’instar de ses prédécesseurs, le règlement d’exemption par catégorie étudié fait une place nouvelle à l’analyse économique, le recours à l’approche juridique conserve un intérêt évident en présence de certaines questions.

L’intervention du Professeur Jacques Raynard, consacrée « aux aspects civilistes des accords de transfert de technologie », démontre que l’approche juridique demeure incontournable pour étudier la qualification et le régime des droits de propriété intellectuelle ainsi que des contrats y afférents. Cet auteur rappelle préliminairement que le règlement analysé « n’a pas vocation à constituer un droit matériel communautaire des règlementations des contrats de licence ». Toutefois, la lecture de son exposé, complétée par la synthèse réalisée par Didier Ferrier, laisse découvrir que le traitement indifférencié des droits de propriété intellectuelle auquel procède le règlement exerce une certaine « attraction », à défaut d’exercer une influence, sur le régime discuté de certains de ces droits et des contrats dont ils sont l’objet. La détermination du champ d’application du règlement soumis à l’examen procède également d’une démarche juridique et repose notamment sur un travail de définition auquel s’est attelé le Professeur Yves Reboul. Il ressort ainsi de sa présentation qu’un accord relève du règlement à l’étude en raison de son objet, du nombre et de la qualité des cocontractants. En outre, lors de l’une de ses nombreuses interventions, Madame Boix-Alonso, administratrice à la DG concurrence de la Commission européenne, a indiqué que la vérification de l’absence de restriction caractérisée doit constituer une démarche préalable au calcul des parts de marché des parties à l’accord. Or, ce travail de vérification, pour ne pas dire de qualification, appartient au premier chef à la sphère juridique. Au cours de son intervention consacrée à cette catégorie de restrictions, le Professeur Sylvaine Poillot-Peruzzeto constate ainsi que le règlement étudié laisse subsister trois types de clauses : les restrictions caractérisées dont la présence s’oppose en principe à l’exemption de la totalité de l’accord ; les clauses qui, à condition de ne pas dépasser les seuils en parts de marché, sont autorisées en qualité de clause échappant à la qualification de restrictions caractérisée et enfin les clauses non mentionnées. Les questions soulevées par Pascal Kamina, maître de conférences à l’Université de Poitiers, dans le cadre de son étude des restrictions dites « exclues » - les restrictions qui ne peuvent bénéficier de l’exemption par catégorie mais qui ne font pas obstacle à l’exemption du reste de l’accord - ne démentent pas l’importance de l’approche juridique.

Cependant, ce constat ne doit pas dissimuler la place croissante occupée par l’analyse économique dans l’appréciation de ces mêmes accords. Durant sa présentation de la genèse du règlement, Lorena Boix-Alonso a rappelé que les accords non couverts par le règlement ne sont pas forcément interdits soit qu’ils peuvent prétendre à une exemption individuelle, soit tout simplement qu’ils n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 81 §1 CE. Cette seconde branche de l’alternative est d’importance. En effet, comme le rappelle le Professeur Laurence Idot à l’occasion de son exposé consacré à l’exemption liée aux seuils de parts de marché, avant de s’interroger sur l’application du règlement 772/2004, il convient, du moins en théorie, d’apprécier préalablement si l’accord entre dans le champ de l’article 81 § 1 CE. Or, le spécialiste de droit de la concurrence sait à quel point la réponse à cette question préalable fait appel à l’analyse économique et notamment à des critères chiffrés. Néanmoins, cette question est le plus souvent traitée dans un second temps. En pratique, la Commission incite en effet à vérifier avant toute chose si l’accord en cause entre dans la sphère de sécurité définie par les seuils en parts de marché, et ce alors même que celui-ci pourrait ne pas entrer dans le champ de l’article 81 § 1 CE. Dominique Ferré, participant à la table ronde finale en qualité de praticien, semble ne pas contester cette manière de procéder lorsqu’il explique que le juriste va commencer par se placer dans l’hypothèse du caractère restrictif de l’accord. S’attardant sur les conditions de l’exemption puis sur la portée de ladite exemption, le Professeur Idot reconnaît que la nouvelle méthodologie, axée sur le pouvoir de marché et se traduisant par le recours à des seuils, permet une adaptation à la réalité économique. Il résulte de ses explications que l’approche économique n’en laisse pas moins subsister des incertitudes liées à la délimitation préalable des marchés et à l’évolution des parts de marché dans le temps. Ces incertitudes nécessitent par conséquent un examen régulier des pratiques et conduisent à renouveler le rôle des juristes au sein de l’entreprise, question qui n’a pas manqué d’être évoquée par les participants à la table ronde finale.

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Auteur

  • General Court of the European Union (Luxembourg)

Citation

Jérôme Gstalter, Les accords de transfert de technologie : Règlement n° 772/2004 du 27 avril 2004 concernant l’application de l’article 81 § 3 du traité à des catégories d’accords de transfert de technologie, décembre 2005, Concurrences N° 4-2005, Art. N° 553, p. 158.

Éditeur Lexis Nexis

Date 20 juin 2005

Nombre de pages 231

ISBN 978-2-7110-0623-6

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