Competition Law, Climate Change & Environmental Sustainability, Simon HOLMES, Dirk MIDDELSCHULTE et Martijn SNOEP

Simon Holmes, Dirk Middelschulte, Martijn Snoep

Cette rubrique Livres recense et commente les ouvrages et autres publications en droit de la concurrence, droit & économie de la concurrence et en droit de la régulation. Une telle recension ne peut par nature être exhaustive et se limite donc à présenter quelques publications récentes dans ces matières. Auteurs et éditeurs peuvent envoyer les ouvrages à l’intention du responsable de cette rubrique : catherine.prieto@univ-paris1.fr.

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Le présent ouvrage traite de l’un des problèmes les plus actuels et les plus importants des prochaines décennies pour la population mondiale : le changement climatique. Il n’est donc pas surprenant qu’une cinquantaine d’auteurs de continents et de pays différents se soient conjointement dévoués à ce sujet. Les auteurs démontrent brillamment les liens qui existent entre les bouleversements climatiques et le droit de la concurrence, clarifiant la manière dont ce dernier peut contribuer à résoudre les problèmes en découlant et à faire progresser le développement durable.

Structuré en quatre parties, cet ouvrage couvre un panel de sujets et de points de vue étendus. Les auteurs examinent les principales questions juridiques, les perspectives de l’industrie, les points de vue des représentants des autorités de concurrence et finalement offrent des perspectives alternatives. Les questions juridiques de la première partie s’organisent autour des principaux sujets du droit de la concurrence (ententes, abus de position dominante, contrôle des concentrations, aides d’État et marchés publics), en mettant l’accent sur le premier. La deuxième partie est consacrée aux spécificités que rencontrent les secteurs de l’automobile et des transports, de la banque et de la finance, des biens de consommation, de l’énergie, de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et des produits industriels. Dans la troisième partie, les auteurs présentent les diverses perspectives adoptées par les autorités de concurrence néerlandaise, australienne, européenne, française, grecque, sud-africaine et anglaise et expliquent comment elles traitent les défis posés par le changement climatique. Enfin, la quatrième partie offre des perspectives alternatives à celles présentées jusque-là.

Cet ouvrage apparaît à un moment charnière de remise en question de la doctrine traditionnelle des facteurs de politique “non économique” dans le droit de la concurrence. Il s’inscrit dans la continuité de l’appel lancé par M. Guterres à tous les secteurs de la société et de l’économie pour prendre des mesures afin de lutter contre le changement climatique, ainsi que du Green Deal de la Commission, plaidant pour des politiques profondément transformatrices.

Plusieurs auteurs affirment qu’un changement radical n’est pas nécessaire par rapport à l’interprétation de l’article 101 TFUE, car les avantages environnementaux peuvent être inclus dans le bien-être du consommateur. En revanche, il semble peu probable que l’article 102 TFUE puisse être étendu pour affirmer un abus de développement durable en tant que tel. Dans le cadre des aides d’État, les auteurs discutent du rôle de l’analyse économique et financière pour soutenir une transition rentable vers la neutralité carbone. Ils notent d’ailleurs que la crise Covid-19 a tout récemment démontré la nécessité d’agir rapidement et d’établir des priorités, ce qui a pour conséquence que la procédure et l’examen de la Commission devraient être réorientés pour placer les considérations environnementales avant les nombreux autres objectifs politiques que le régime des aides d’État doit actuellement servir. Le contrôle des concentrations est un outil moins flexible pour promouvoir le progrès environnemental que l’antitrust et les aides d’État, mais les acteurs pourraient être encouragés à proposer des concentrations motivées par des objectifs de développement durable ou il pourrait y avoir plus de durabilité dans le test SIEC. Le secteur bancaire et financier joue un rôle important dans l’affectation de capitaux à des technologies plus durables. Pour y parvenir, les entreprises doivent travailler ensemble, mais doivent aussi pouvoir compter sur la volonté des États membres d’adopter des politiques et de faire les investissements financiers nécessaires pour concrétiser cette vision plus verte.

Aussi urgente que soit la question, les auteurs soulignent toutefois les potentiels dangers d’une adaptation de la politique de concurrence aux facteurs environnementaux. Ils mentionnent notamment le “cartel greenwashing” ou le risque de voir les gouvernements utiliser l’autorégulation des entreprises comme excuse pour ne pas établir eux-mêmes une réglementation appropriée.

Les acteurs de l’industrie sont d’accord sur le fait que les entreprises souhaitent s’engager, mais que l’environnement juridique reste très flou. Ils espèrent recevoir des conseils et du soutien de la part des autorités de concurrence afin de s’assurer de bien respecter le droit de la concurrence. En outre, ils craignent les impacts internationaux. Comme les discussions actuelles sur le développement durable ont principalement lieu au sein de l’Union européenne, ils entrevoient un certain risque que les projets autorisés dans l’UE soient interdits ailleurs.

Les représentants des autorités nationales de concurrence partagent le même constat d’urgence que les praticiens. La question la plus discutée dans la troisième partie est celle de savoir si, lorsque la loi n’exige pas la prise en compte des effets sur le développement durable, elle permet à l’autorité de le faire néanmoins. Enfin, en quatrième partie, des points de vue alternatifs sont exprimés, par exemple pour démontrer qu’un évitement des mesures vertes pourrait constituer un abus de position dominante, ou bien pour expliquer que les entreprises devraient conseiller leurs clients non pas dans la direction la plus sûre mais dans la bonne direction.

L’analyse de la problématique et l’éventail des solutions proposées sont particulièrement exhaustifs, car tous les domaines du droit de la concurrence sont couverts. Les impacts dans les plus grands secteurs industriels sont illustrés et les perspectives de multiples représentants nationaux des autorités de concurrence sont présentées. Cet ouvrage représente un incontournable pour tout juriste, économiste, politologue ou, plus largement, toute personne intéressée par le développement durable.