The Governance of Global Competition : Competence Allocation in International Competition Policy

Olivier Budzinski

Cette rubrique Livres recense et commente les ouvrages et autres publications en droit de la concurrence, droit & économie de la concurrence et en droit de la régulation. Une telle recension ne peut par nature être exhaustive et se limite donc à présenter quelques publications récentes dans ces matières. Auteurs et éditeurs peuvent envoyer les ouvrages à l’intention du responsable de cette rubrique : catherine.prieto@univ-paris1.fr.

La globalisation de l’économie a conduit à modifier les stratégies des entreprises dont les comportements anticoncurrentiels dépassent aujourd’hui largement le cadre national et même régional. Conscients des nouveaux enjeux que rencontrent les droits de la concurrence, des spécialistes réfléchissent sur l’élaboration d’un nouveau système, à l’échelle mondiale, qui permettrait de répondre aux défis de la mondialisation. Beaucoup, dans cette perspective, mettent en avant les insuffisances des systèmes nationaux et suggèrent l’établissement d’une nouvelle forme de gouvernance plus centralisée, combinant à la fois une autorité internationale de concurrence et l’adoption de règles matérielles communes. Oliver Budzinski, professeur associé d’économie à la Philipps-University de Marburg, propose une alternative originale à ces propositions dans cet ouvrage issu de sa thèse d’habilitation.

L’auteur estime en effet qu’une gouvernance supranationale en matière de concurrence ne peut émerger que des systèmes nationaux. Il défend donc l’idée d’un système de gouvernance intermédiaire, entre une décentralisation radicale du droit de la concurrence et une centralisation intégrale. Ce système aménagerait une autorité supranationale chargée de répartir les affaires entre les juridictions nationales, de superviser l’application des règles de concurrence et de traiter les éventuelles réclamations relatives à la désignation de la juridiction compétente. En revanche, les droits nationaux ne feraient l’objet d’aucune harmonisation, l’organe supranational veillant seulement à l’application non discriminatoire des règles nationales.

Cette approche ne constitue toutefois pas le point de départ de sa réflexion mais son aboutissement, car cet ouvrage est d’abord le fruit d’un travail rigoureux d’économiste. Oliver Budzinski cherche en effet avant tout à élaborer un cadre théorique, fondé sur l’analyse économique, permettant d’appréhender les différentes formes de gouvernance susceptibles d’être proposées en la matière. Ce cadre lui permet de dégager une théorie relative à une répartition efficiente des compétences dans un système institutionnel à plusieurs niveaux. À partir de ce paradigme l’auteur présente le système international qui représente, à ses yeux, la forme de gouvernance adéquate du point de vue économique, juridique et politique.

Dans cette perspective, la thèse s’articule autour de six chapitres. Après un chapitre introductif qui, de manière judicieuse, résume la démonstration, l’économiste s’intéresse dans son second chapitre au phénomène de la globalisation de la concurrence. S’appuyant à la fois sur des données chiffrées et des exemples concrets il montre comment les cartels, les abus de pouvoir de marché, les comportements déloyaux ou prédateurs ainsi que les concentrations jouent un rôle croissant dans la concurrence mondiale. Il en découle une problématique majeure à laquelle ni les politiques nationales ni la politique transnationale actuelles ne permettent de répondre. Le troisième chapitre est ainsi consacré aux insuffisances des systèmes actuels. C’est d’abord sur les politiques nationales que le propos s’arrête. Celles-ci ne fournissent plus aujourd’hui une protection suffisante contre les pratiques anticoncurrentielles qui se sont internationalisées. Elles génèrent des tensions entre les ordres juridiques et engendrent certains vides juridiques que les entreprises exploitent. Par ailleurs, il est démontré que les États peuvent profiter des restrictions de concurrence sur les marchés d’autres États. Il en résulte que les régimes nationaux, loin de protéger la concurrence globale, sont susceptibles de la fausser. Seule une politique internationalisée de concurrence peut donc permettre de pérenniser les avantages générés par la libéralisation du commerce. Toutefois, le transfert des compétences nationales vers un système mondial centralisé ne constitue pas une alternative suffisante pour résoudre les problèmes suscités par la globalisation. Le modèle actuel se heurte aux souverainetés nationales et se révèle inadapté à un système où coexistent des marchés locaux, régionaux et internationaux. L’auteur envisage alors les perspectives offertes par une mise en concurrence des politiques de concurrence qui conduirait à sélectionner les règles les plus efficaces. Toutefois, cette solution n’apparaît pas suffisante pour résoudre les problèmes engendrés par la décentralisation. Il en appelle donc à la mise en œuvre d’une analyse différenciée, promouvant des arrangements institutionnels alternatifs et combinant les avantages de la décentralisation et de la centralisation.

Le chapitre 4 fournit le cadre théorique de l’analyse de ces différents arrangements institutionnels. Il se décline en deux sections. La première présente une théorie de la répartition des compétences dans un système institutionnel à plusieurs niveaux. Elle se nourrit des théories modernes de la gouvernance, de la théorie générale des systèmes institutionnels à plusieurs niveaux et de l’économie du fédéralisme. Ces modèles permettent de dégager des critères qui, reformulés à l’aune du domaine à l’étude, fournissent des instruments pertinents pour développer une approche économique de la répartition des compétences et évaluer les performances des systèmes étudiés. Quatre de ces systèmes sont envisagés dans la seconde section : les États-Unis, la Communauté européenne, l’Organisation mondiale du commerce et l’International Competition Network. Ils sont tous appréciés selon la même grille analytique et l’auteur parvient à une conclusion commune : les problèmes d’allocation des compétences sont aujourd’hui un enjeu majeur pour ces systèmes.

C’est pourquoi le cinquième chapitre, qui constitue sans aucun doute le cœur de la thèse, procède à une énumération et à une analyse comparative des différentes règles commandant la répartition et la délimitation des compétences. L’étude ici ne se veut pas exhaustive : neuf règles ont été sélectionnées à partir de l’observation des régimes existants mais également de l’étude de la doctrine. Parmi elles figurent la théorie des effets, la règle de non discrimination, ou encore la théorie des marchés pertinents. Une fois ces règles décrites, elles sont passées au crible de l’analyse économique proposée. La dernière section de ce chapitre est alors consacrée à une comparaison de ces règles en termes d’efficacité. Les performances de la règle de la “mandatory lead jurisdiction” associées à la règle de la non discrimination apparaissent ainsi plus importantes que la règle “X-plus rule” ou encore que celle des marchés pertinents. Cette approche permet alors à l’auteur de proposer dans son dernier chapitre un nouveau modèle international combinant les règles d’allocation jugées les plus efficaces dans le chapitre précédent. Selon ce modèle, les compétences substantielles demeureraient décentralisées mais seraient complétées par un système centralisé en matière de répartition des compétences et de supervision.

Oliver Budzinski rappelle, en guise de conclusion, les traits saillants de son analyse et de ses propositions et invite la doctrine à compléter le nouveau paradigme envisagé. Que l’on partage ou non les thèses de l’auteur, on ne peut contester la grande qualité de l’ouvrage qui allie la rigueur de la recherche scientifique - on relèvera en particulier l’abondante bibliographie et la présence de tableaux et graphiques éclairants - à une grande clarté, ce qui permet au lecteur même non averti de suivre constamment le propos. Cet ouvrage alimentera donc sans aucun doute une réflexion déjà riche en la matière.

Auteur

  • Ilmenau University of Technology

Citation

Oliver Budzinski, The Governance of Global Competition : Competence Allocation in International Competition Policy, septembre 2008, Concurrences N° 3-2008, Art. N° 74514

Éditeur Edward Elgar Pub

Date 1er avril 2008

Nombre de pages 320

ISBN 978-1847206305

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