Livré avec son CD-Rom et complété par plusieurs annexes reproduisant les textes officiels pertinents, cet ouvrage est agrémenté d’un sous-titre qui tient lieu d’exposé des motifs : "Gérer une enquête de concurrence dans l’entreprise à l’heure du renforcement de la lutte contre les cartels".
Comme le suggère cet intitulé, l’auteur se propose d’offrir aux entreprises un guide pratique devant permettre à celles-ci de se préparer aux nouveaux régimes tant communautaire que français applicables aux inspections de concurrence. La dimension pratique de l’ouvrage se manifeste en premier lieu dans le plan retenu qui invite l’entreprise à se demander avant toute autre chose à quel type d’inspection elle se trouve confrontée : communautaire ou nationale, lourde (sur décision) ou simple, sans oublier les inspections probablement amenées à se développer, à savoir celles opérées sur délégation de la Commission ou d’une autre autorité nationale. Dans la même veine, chaque titre, qui correspond donc à une inspection particulière, présente successivement l’origine de l’inspection, son déroulement, les sanctions qui y sont associées ainsi que les voies de recours offertes aux entreprises. Si l’objectif pratique recherché est sans nul doute atteint, la présentation employée et l’accent mis sur les conseils stratégiques débouchent logiquement sur certaines redites.
Tourné vers les entreprises et la protection de leurs intérêts, ce guide, qui transpire l’expérience vécue, se fait le promoteur d’une collaboration avec les enquêteurs. Il n’en constitue pas moins un appel à ce que les entreprises, par une préparation adaptée, puissent le cas échéant faire valoir leurs droits dans le cadre d’enquêtes au cours desquelles l’absence d’opposition exprimée vaut la plupart du temps autorisation implicite. Dans cette optique, N. Jalabert-Doury ne manque pas d’insister sur les problèmes juridiques que sont susceptibles d’engendrer les réformes récentes du droit applicable aux inspections communautaires et françaises. Par exemple, la modernisation des règles communautaires contribue à renouveler la question de la conformité des inspections avec la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme. Cette problématique surgit notamment lors de l’examen de la question de l’étendue des pouvoirs des enquêteurs en matières d’accès aux "autres locaux", de privilège avocat/client, d’apposition de scellés, de déclarations orales...
L’auteur ne néglige pas non plus les différences observables entre le droit communautaire et le droit français en matière d’inspections ainsi que les difficultés liées à leur articulation. Sous certains aspects, ces différences se traduisent par un régime plus développé en droit interne qui peut jouer tant au détriment qu’au profit des entreprises. Ce caractère développé se manifeste à travers un objet des visites potentiellement plus large car correspondant au Livre IV du Code de commerce, une exigence de motivation approfondie des inspections et un contrôle accru du juge dans son rôle de délivrance d’une ordonnance, ordonnance qui se révèle plus détaillée que celle rendue aux fins de réalisation d’une inspection (sur décision) communautaire.
Véritables perquisitions, les inspections françaises dites "lourdes" se caractérisent également par l’octroi de pouvoirs au juge pendant le déroulement de l’inspection, un droit de visite en l’absence de l’occupant des lieux, une possibilité de fouille ainsi qu’une faculté de saisir des originaux. En revanche, sous d’autres aspects, c’est le droit communautaire qui apparaît plus développé et potentiellement plus strict. Cette sévérité est notamment discernable s’agissant des pouvoirs laissés aux agents communautaires en matière de déclarations orales (sur cette question, V. N. Jalabert-Doury, Les déclarations en droit de la concurrence, La preuve d’infraction peut-elle se satisfaire de « certitudes probables » ?, Concurrences, n° 2-2005, p. 41). Dans ces conditions, et en l’absence de garde-fou, se dessine le risque de voir les enquêteurs emprunter à chacun des régimes les dispositions les plus contraignantes pour les entreprises aux fins d’accroître leurs pouvoirs. Ce panorama déjà lacunaire susciterait une critique redoublée s’il n’était fait mention des questions nouvelles soulevées par l’accès aux fichiers et autres réseaux informatiques au cours des inspections.
Dans ces conditions, le lecteur aura compris qu’au-delà de sa dimension éminemment pratique, cet ouvrage, par les problèmes mis en lumière, permet d’entrevoir la source des contentieux à venir, même si les voies de recours offertes aux entreprises sont jugées insatisfaisantes à plusieurs égards.