Dictionnaire de droit de la concurrence

Muriel Chagny, Emmanuel Combe (dir.)

Cette rubrique Livres recense et commente les ouvrages et autres publications en droit de la concurrence, droit & économie de la concurrence et en droit de la régulation. Une telle recension ne peut par nature être exhaustive et se limite donc à présenter quelques publications récentes dans ces matières. Auteurs et éditeurs peuvent envoyer les ouvrages à l’attention du responsable de cette rubrique : catherine.prieto@univ-paris1.fr.

Si je suis particulièrement heureux de contribuer à ce dictionnaire du droit de la concurrence, c’est qu’il ne s’agit pas simplement, selon moi, d’une initiative bienvenue, mais d’une entreprise nécessaire. Pourquoi une telle nécessité ? Car cette première édition coïncide avec une phase de renouvellement des textes européens de droit de la concurrence, entreprise afin d’adapter l’action des autorités compétentes à un environnement économique qui connaît d’importantes transformations sous l’effet conjugué des transitions numérique et climatique. Or, ces transformations profondes sont accompagnées de changements majeurs dans le lexique du droit de la concurrence dont ce dictionnaire va permettre de rendre compte.

Avant toute chose, précisons que l’accélération des échanges et la complexification des relations entre les acteurs économiques liées à la numérisation de l’économie n’ont pas, tant s’en faut, rendu les termes d’“ententes” et d’“abus” de position dominante” ou d’“opération de concentration” obsolètes. Au contraire, ces évolutions ont révélé à quel point il est aujourd’hui essentiel de rappeler le contenu et de délimiter les contours de ces notions qui ont toute leur place dans ce dictionnaire tant elles ont fait la preuve de leur pertinence pour saisir des comportements anticoncurrentiels parfois nouveaux.

Pour autant, pourquoi le nier, l’élargissement de notre vocabulaire s’avère également une nécessité pour appréhender certaines situations inédites auxquelles entreprises et consommateurs font face au quotidien notamment du fait de l’émergence d’acteurs tels que les géants de l’économie numérique. À cet égard, la rapidité avec laquelle des mots tels que “gardien numérique”, “plateforme” ou encore “donnée” ont pu se trouver intégrés dans notre arsenal juridique, notamment par le biais de la législation sur les marchés numériques (ou DMA), mais aussi dans les règlements sur les restrictions horizontales et verticales, démontre, une fois encore, la grande plasticité du droit de la concurrence, ainsi que sa capacité à s’adapter pour répondre au mieux aux préoccupations des acteurs du marché.

Dans le même temps, en incluant la notion de “durabilité” dans l’analyse des aides d’État et des accords entre entreprises, les autorités de concurrence ont clairement affiché leur volonté de contribuer activement à la réalisation du pacte vert pour l’Europe, qui vise notamment à transformer les défis liés au changement climatique en opportunités économiques. Si certaines des modalités concrètes de l’appréciation du caractère “durable” de ces aides et de ces accords restent à préciser, cette évolution n’est pas que sémantique mais témoigne d’une réelle prise de conscience de la nécessité d’inscrire l’analyse concurrentielle dans le temps long en y incluant la préservation de ressources qui ne sont pas illimitées.

Très récemment, ce sont les mots “Covid” et “pandémie” qui se sont imposés dans notre vocabulaire. Ces phénomènes ont mis à l’épreuve l’aptitude des autorités de concurrence à veiller au strict respect des règles de concurrence tout en les adaptant rapidement pour soutenir les entreprises dans un contexte de crise sans précédent. C’est en particulier dans le domaine des aides d’État que cette réactivité s’est illustrée à travers l’adoption en un temps record d’un encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à assurer la continuité de l’économie et à permettre aux aides de parvenir au plus vite aux entreprises confrontées aux répercussions économiques de la crise sanitaire.

Notre vocabulaire procédural s’est lui aussi enrichi à la faveur des évolutions de la politique de concurrence. L’une de ces évolutions procède du passage d’une logique du tout répressif, fondée essentiellement sur la “sanction”, à une approche visant à offrir aux entreprises la possibilité de jouer un rôle plus actif, et moins purement défensif, dans la procédure de concurrence, en optant pour des voies procédurales alternatives telles que la “coopération”, la “transaction” ou les propositions d’“engagement”.

Bien sûr, il ne s’agit nullement de revenir dans cette préface sur la définition des mots qui figurent dans ce dictionnaire. Cela se peut d’autant moins que cet ouvrage ne vise pas à en donner une définition académique, mais repose sur une logique “collaborative” selon laquelle chaque auteur, en apportant sa contribution subjective et son expertise sur l’entrée qui lui a été confiée, participe ainsi à la richesse de l’ouvrage dans son ensemble et à une réflexion plus large sur les fondements du droit de la concurrence.

De même, il ne s’agit pas de fournir une liste exhaustive des différentes entrées contenues de ce dictionnaire. Cette préface peut d’autant moins y prétendre qu’en adjoignant à l’édition papier une version en ligne, les initiateurs du projet ont fait le choix judicieux d’un ouvrage qui peut être mis à jour au gré des évolutions de la matière. Ce dictionnaire laisse ainsi une place à tous les mots qui ne font pas encore partie de notre lexique mais devront nécessairement venir l’enrichir pour garantir que le droit de la concurrence reste en prise avec les besoins des entreprises en s’adaptant à un environnement économique en constante mutation.

Version PDF

Auteur

  • European Commission - DG COMP (Brussels)

Citation

Olivier Guersent, Dictionnaire de droit de la concurrence, février 2023, Concurrences N° 1-2023, Art. N° 111215, pp. 237-238

Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

ISBN 979-10-94201-47-3

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