Gintarė Surblytė-Namavičienė, chercheuse au département Innovation and Competition de l’institut Max Planck, présente dans cet ouvrage les principaux enjeux de régulation soulevés par le développement de l’économie numérique. L’auteur s’attache à répondre à la question de savoir si cette économie fondée sur le traitement de données marque une rupture vis-à-vis de l’économie classique qui justifierait de repenser en profondeur la régulation actuelle. Si cette question a déjà fait l’objet de nombreuses discussions, cet ouvrage présente l’avantage d’offrir sous une forme claire, précise et synthétique les éléments essentiels de la réflexion.
À la suite d’une présentation des enjeux dans un chapitre introductif, la question des changements impliqués par le développement de l’intelligence artificielle (IA) est introduite dans le chapitre 2. La notion d’IA est discutée au regard de deux critères que sont l’autonomie et la conscience. Les conséquences juridiques attachées à la présence ou à l’absence de ces critères sont évoquées, notamment celles relatives à la responsabilité. L’auteur revient par ailleurs sur les théories économiques d’Adam Smith et démontre en quoi les concepts classiques permettent d’appréhender ces innovations majeures. Elle conclut enfin à l’absence de changement drastique introduit par le développement de l’IA, tout en insistant sur l’enjeu majeur de l’accès aux données et la place prépondérante qu’occupent les données à caractère personnel dans l’économie numérique.
Le chapitre 3 est consacré à la question de la protection par le secret des affaires des données – personnelles ou non personnelles – et, le cas échéant, de l’articulation entre une telle protection et la réglementation relative à la protection des données à caractère personnel. L’auteur discute par ailleurs de la nature de la propriété accordée au détenteur du secret des affaires et des possibilités d’accès par un tiers à l’information protégée.
Le chapitre 4 s’intéresse à la régulation de l’économie numérique par le droit de la concurrence et à la question, en vogue, de la révision des règles actuelles. L’auteur rappelle que de nombreuses préoccupations concurrentielles peuvent être appréhendées par les règles du droit de la concurrence (la collusion par algorithme par l’article 101 du TFUE ; le refus d’accès aux données par l’article 102 du même texte, notamment). Elle semble estimer qu’une application audacieuse des règles en vigueur suffit à appréhender les enjeux nouveaux. Sont par ailleurs évoquées la question de la sanction des positions dominantes en tant que telles, à l’instar du droit antitrust américain, et celle d’une régulation ex ante via, notamment, les démantèlements.
Enfin, le chapitre 5 offre une vision plus large des outils de régulation de l’économie numérique. La question de la régulation des conditions générales d’utilisation des services numériques, par le biais du droit de la consommation, de la concurrence ou de la protection des données à caractère personnel, est développée. Une discussion est par ailleurs consacrée à la place de la co- et autorégulation, leurs avantages et inconvénients respectifs, notamment en ce qui concerne l’accès aux données et la protection de ces dernières.
Ainsi, les innovations économiques et technologiques apportées par le développement de l’économie numérique ne semblent pas soulever de questions juridiques nouvelles qui nécessiteraient un changement profond de la régulation, selon l’auteur. Néanmoins, certains ajustements de l’analyse économique seraient opportuns pour prendre en considération la spécificité de ces marchés. Un accent est mis sur la nécessité d’une régulation agile et flexible face aux évolutions rapides des innovations technologiques.