DISTINGUER LES PRATIQUES PRO-CONCURRENTIELLES DES PRATIQUES D’ÉVICTION ANTICONCURRENTIELLES : QUEL TEST UTILISER ?
Thibaud Vergé (Professeur au Centre de recherche en économie et statistique (CREST) et à l’ENSAE)
Contrairement à certaines pratiques d’ententes horizontales sur les prix, les pratiques de prix bas sont normalement profitables au consommateur. Le problème ne se pose que lorsque les prix sont trop bas et ne permettent pas à des concurrents efficaces de se développer ou de se maintenir sur le marché. Les gains à court terme pour les consommateurs seraient alors perdus à long terme, du fait de l’augmentation des prix consécutive à la sortie des concurrents. Il faut donc s’interroger sur les tests qui permettent de distinguer les pratiques de prix bas pro concurrentielles des pratiques d’éviction anticoncurrentielles.
Test du sacrifice de profit
Ce test permet d’identifier les pratiques consistant pour une entreprise dominante à adopter un comportement prédateur en supportant des pertes évitables ou en renonçant à des bénéfices à court terme. Afin d’apprécier ces pertes, la Commission européenne prend pour base de calcul le coût évitable moyen (CEM) qui ne comprend que les coûts fixes supportés pendant la période examinée. Mais l’application de ce test reste complexe car la notion de sacrifice ne se limite pas à la pratique de prix inférieurs au CEM. Qu’en est-il, par exemple, en cas de recettes nettes inférieures à celles obtenues si un autre comportement raisonnable avait été adopté ? En outre, le rôle des autorités de concurrence n’est pas de rechercher la stratégie optimale d’une entreprise mais plutôt de savoir si elle a délibérément choisi une pratique non profitable. Le test du sacrifice de profit semble ainsi peu décisif sans preuve directe de la volonté de l’entreprise dominante de mettre en oeuvre une stratégie prédatrice reposant sur un tel sacrifice. Il lui est donc préféré par les autorités de concurrence le test du concurrent aussi efficace.