L’exclusivité entre exclusion et efficience
Patrick Hubert
La question du rôle de l’analyse économique dans la jurisprudence est posée. Elle semble vouloir privilégier des règles claires et plus formalistes, permettant d’identifier des pratiques anticoncurrentielles sans avoir recours à des calculs complexes.
L’exclusivité renvoie à une situation dans laquelle un produit est vendu par ou à une seule entreprise. Par essence, l’exclusivité produit une tension. Elle suppose une absence de concurrence, entre distributeurs notamment. Mais elle peut aussi avoir des effets pro-concurrentiels dans certains cas, que les économistes aident à identifier. L’exclusivité permet ainsi la réalisation d’investissements, par exemple publicitaires, que les distributeurs sont normalement réticents à décider, essentiellement par crainte du parasitisme.
Cette tension est connue en matière de distribution exclusive, mais elle se retrouve en réalité dans des domaines très variés. On peut recenser plusieurs types d’exclusivités. D’abord les exclusivités prévues par la loi, comme le monopole réservé aux taxis. Ensuite les exclusivités contractuelles : elles permettent de réserver la fourniture d’un produit, sa vente, une innovation quelconque, à une entreprise donnée. L’exclusivité peut d’ailleurs être purement unilatérale : il en va ainsi des machines à café qui ne fonctionnent qu’avec les dosettes vendues par le fabricant des machines. Enfin, il existe des exclusivités de fait : c’est le cas des systèmes de remises conditionnées à un approvisionnement exclusif auprès de l’entreprise concernée : certes, rien n’interdit au client de diversifier son approvisionnement, mais il perd alors sa remise.