En droit interne, la substitution de la procédure de transaction à la procédure de non-contestation des griefs était motivée par la volonté de pallier les défauts de cette dernière, à savoir (i) du côté des entreprises, l’absence de toute « connaissance précise du montant des sanctions encourues en cas de non-contestation de griefs devant l’Autorité de la concurrence » – montant désormais connu en ce qu’il est enserré dans une « fourchette de sanction » proposée par le rapporteur général, et (ii) du côté de l’Autorité de la concurrence, « le risque de recours contre [sa] décision » (étude d’impact du 10 décembre 2014 relative au projet de loi pour la croissance et l’activité, pt 116).
Force est toutefois de constater que cet objectif n’a été que partiellement atteint. En effet, ménageant un juste équilibre entre le droit à un recours effectif protégé par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’intérêt de la procédure de transaction pour l’Autorité, la cour d’appel de Paris a jugé dans son arrêt Alcyon que « consentir à ne pas contester la réalité des griefs notifiés et à cantonner la discussion relative au montant de la sanction à l’intérieur d’une fourchette prévoyant un montant minimal au-dessous duquel l’Autorité ne pourra pas descendre et un montant maximal qu’elle ne pourra pas dépasser, n’implique pas pour autant que l’entreprise renonce à toute voie de recours concernant la régularité de la procédure suivie et n’induit pas davantage qu’elle reconnaît la proportionnalité de la sanction infligée, où qu’elle se situe dans la fourchette » (CA Paris, 13 juin 2019, RG 18/20229, pt 47).
Ainsi, l’entreprise sanctionnée dans le cadre de la procédure de transaction est recevable à contester tant la régularité de la procédure que la proportionnalité de la sanction infligée, dès lors qu’elle ne remet pas en cause les limites de la fourchette de sanction qu’elle a acceptées. Telle n’a toutefois pas toujours été la position de la cour d’appel de Paris, qui avait antérieurement jugé dans son arrêt Direct Energie que, dans le cadre de la procédure prévue par l’article L. 464-2 III C. com., « l’entreprise en cause accepte de ne pas contester les griefs, ainsi que le montant même de la sanction infligée, ce qui revient à une renonciation à ses droits de la défense et à son droit au recours sur ces points » (CA Paris, 6 juillet 2017, RG 2017/07296, p. 7).
L’arrêt Alcyon constitue donc un revirement de jurisprudence protégeant tant le droit fondamental au recours des entreprises que l’utilitas de la procédure de transaction, dans la mesure où « les contestations qui pourront être élevées devant la cour d’appel demeurent limitées » (Alcyon, préc., pt 49). Au-delà, une lecture littérale de l’article L. 464-8 C. com. permettait d’anticiper cette solution, dans la mesure où cette disposition relative aux voies de recours ouvertes contre les décisions de l’Autorité de la concurrence ne prévoit aucune exception au droit au recours s’agissant de l’article L. 464-2 III C. com.
En droit de l’Union européenne, la Commission rappelle par ailleurs sur ce point dans sa communication relative aux procédures de transaction que « [l]es décisions finales prises par la Commission en vertu du règlement (CE) n° 1/2003 sont soumises à un contrôle juridictionnel conformément à l’article 230 du traité » (pt 41). Ainsi, en droit de l’Union, les décisions de la Commission rendues dans le cadre de la procédure de transaction sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal de l’Union, au même titre que les décisions de la Commission rendues dans le cadre de la procédure de droit commun (v., à titre d’exemple, Trib. UE, 13 décembre 2016, Printeos c/ Commission, aff. T-95/15).