En matière de procédure et de sanction, la proposition de Règlement confère de larges pouvoirs d’enquête et de sanction à la Commission qui peut notamment :
– adopter des mesures provisoires ;
– procéder à des demandes d’information ou à des enquêtes au sein de l’Union européenne ou dans un État tiers ;
– prendre des mesures de sanction en cas de non-coopération, y compris des amendes et des astreintes.
La Commission dispose de la faculté d’enquêter sur des subventions octroyées rétroactivement sur une période de cinq années avant l’entrée en vigueur du Règlement et qui continuent à générer des distorsions de concurrence sur le marché intérieur après l’entrée en vigueur du texte.
Si la proposition de Règlement s’inspire de la notion d’aides d’État dans la qualification des subventions étrangères, elle repose en revanche sur une approche analytique de la compatibilité des subventions étrangères segmentée en quatre temps :
– caractérisation de l’existence d’une subvention étrangère conférant un avantage sélectif à un bénéficiaire ;
– démonstration d’une distorsion du marché intérieur (les subventions étrangères n’étant pas prohibées par principe) ;
– mise en balance des effets négatifs et positifs de la subvention étrangère ;
– éventuelle imposition de mesures réparatrices ou acceptation d’engagements du bénéficiaire de la subvention étrangère.
La caractérisation d’une subvention
Une subvention étrangère est réputée exister lorsque trois critères cumulatifs, en miroir de ceux prévalant pour la définition d’une aide d’État, sont remplis :
– une contribution financière publique : la contribution financière doit être fournie, directement ou indirectement, par les autorités publiques d’un État tiers que ce soit par le biais d’entités publiques ou privées :
- les formes que peuvent prendre ces subventions étrangères sont, par analogie, celles retenues pour l’analyse des aides d’État et incluent des avantages financiers directs et des avantages indirects participant à un allégement des charges normales des entreprises,
- au même titre que ce qui prévaut en matière d’aides d’État, les contributions financières octroyées par le pays tiers incluent aussi bien les contributions financières octroyées par (i) le gouvernement central et les autorités gouvernementales, (ii) les entités publiques étrangères, dont les actes peuvent être attribués au pays tiers ou (iii) toute entité privée dont les actes peuvent être attribués au pays tiers concerné ;
– une activité économique : la contribution financière doit octroyer un avantage à une entreprise exerçant une activité économique au sein du marché intérieur, étant précisé qu’au sens de la proposition de Règlement, une entreprise qui fusionne avec une entreprise établie dans l’Union, ou qui en acquiert le contrôle, ou une entreprise qui participe à une procédure de passation de marché public, est considérée comme exerçant une activité économique au sein du marché intérieur ;
– un avantage sélectif : l’avantage octroyé à l’entreprise bénéficiaire par les autorités publiques d’un État tiers peut être conféré à une entreprise ou à une industrie particulière ou à plusieurs entreprises ou industries concernées, le bénéfice pouvant être déterminé en droit ou en fait.
La caractérisation d’une distorsion de concurrence
La proposition de Règlement prévoit qu’une distorsion dans le marché intérieur est réputée exister dès lors (i) la subvention est de nature à renforcer la position concurrentielle de l’entreprise concernée et (ii) la subvention a ou est susceptible d’avoir un effet négatif sur la concurrence au sein du marché intérieur.
L’effet de la subvention est évalué sur le fondement d’indicateurs prévus par la proposition de Règlement (montant, nature, situation du marché, niveau de l’activité économique du bénéficiaire au sein du marché intérieur...) et notamment les objectifs poursuivis par la subvention et les conditions auxquelles elle a été octroyée. Ce dernier critère diverge de l’analyse classique opérée en matière d’aides d’État, le TFUE ne distinguant pas selon les causes ou les objectifs des interventions visées mais les définissant en fonction de leurs effets.
Le règlement prévoit à son article 5 une liste de subventions étrangères qui, par nature, sont particulièrement susceptibles de fausser la concurrence au sein du marché intérieur, et ce, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une évaluation détaillée fondée sur des facteurs indicatifs.
Il convient néanmoins d’attendre l’application concrète de ces critères pour analyser la manière dont la Commission établira le lien entre des subventions indirectes accordées par un État tiers pendant les années précédant une opération de concentration déterminée et son financement.
Par principe, la proposition de Règlement se concentre, par le biais du mécanisme de notification ex ante, sur les concentrations et les marchés publics les plus importants. Sont ainsi soumis à notification (à la Commission ou au pouvoir adjudicateur) :
– dans le cadre d’une opération de concentration : toute contribution publique d’un État tiers, lorsque le chiffre d’affaires généré au sein du marché intérieur par l’entreprise cible ou au moins une des parties à la concentration, est égal ou supérieur à 500 millions d’euros et que la contribution financière étrangère est d’au moins 50 millions d’euros. Contrairement aux seuils prévalant en matière de contrôle des concentrations, la proposition de Règlement ne prévoit pas de seuil de chiffre d’affaires mondial. Cela implique que les opérations de concentration non couvertes par le règlement sur les concentrations pourront être analysées au titre de la nouvelle réglementation applicable en matière de subventions étrangères ;
– dans le cadre d’un marché public : toute offre soumise impliquant une contribution financière publique d’un État tiers, lorsque la valeur estimée du marché public est égale ou supérieure à 250 millions d’euros et lorsque l’opérateur économique (y compris ses filiales dépourvues d’autonomie commerciale, ses sociétés mères et, le cas échéant, ses principaux sous-traitants et fournisseurs participant au même appel d’offres) a bénéficié de contributions financières totales au cours des trois exercices précédant la notification égales ou supérieures à 4 millions d’euros par État tiers.
Le règlement introduit un seuil de minimis de 4 millions d’euros (montant total sur une période de trois exercices consécutifs) en dessous duquel il est présumé qu’une subvention étrangère est peu susceptible de fausser la concurrence.
La mise en balance des effets négatifs et positifs de la subvention
Lorsque la Commission caractérise l’existence d’une subvention étrangère et d’une distorsion de concurrence, elle met en balance ses effets négatifs de la subvention au sein du marché intérieur et ses effets positifs sur le développement de l’activité économique concernée. Cette notion d’aide au développement de l’activité économique concernée mériterait d’être précisée.
En vue de la publication de lignes directrices par la Commission conformément à l’article 46 du règlement, certaines incertitudes résultant du règlement devront être clarifiées par la pratique et la jurisprudence. La Commission devra notamment préciser la manière dont elle mettra en balance l’effet de distorsion de la mesure de subvention et les effets positifs sur l’activité économique. Le cadre d’analyse de ces mesures devrait tenir compte des cadres règlementaires existants (applicables en matière de contrôle des concentrations et en aides d’État). Rappelons que la Commission a adopté un certain nombre de textes précisant les conditions dans lesquelles des catégories d’aides d’État peuvent être jugées compatibles au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, lesquels pourraient être également utilisés pour l’application du règlement.
Les mesures d’engagement et les mesures réparatrices
Dans l’hypothèse où la Commission considère que la subvention étrangère crée une distorsion réelle ou potentielle au sein du marché intérieur, cette dernière peut imposer des mesures réparatrices pour y remédier. L’entreprise concernée peut également soumettre à la Commission des engagements (comportementaux ou structurels) de nature à contrebalancer la distorsion constatée.