Service universel

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

Absent des traités fondateurs de l’UE, le concept de service universel (SU) est une notion issue du droit dérivé, qui voit le jour dans le livre vert de la Commission européenne de juin 1992 sur le développement du marché unique des services postaux (COM(91) 476 final). Il se veut une déclinaison, par le législateur de l’Union, du concept de service d’intérêt économique général (SIEG – art. 14 et 106, para. 2, TFUE) dans les secteurs dits de « réseaux », qu’il a libéralisés tout en préservant le noyau de service public qui les caractérise. L’approche jurisprudentielle le confirme, avec la mise en balance des principes de libre circulation et de libre concurrence avec ceux d’universalité du service, d’égalité de traitement des usagers, d’uniformité des tarifs et de qualité (v. CJCE, 19 mai 1993, Corbeau, aff. C-320/91, pt 15).

On retrouve ainsi le concept de SU encadré par la directive 97/67/CE sur le marché intérieur des services postaux. Le SU postal (SUP) doit correspondre, dans tous les États membres, à « une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs » (art. 3). Dès lors, sauf circonstances exceptionnelles, le ou les prestataires de SUP sont tenus de garantir tous les jours ouvrables, et pas moins de cinq jours par semaine, au minimum une levée et une distribution au domicile de chaque personne physique ou morale. Par ailleurs, le SUP doit comprendre au minimum la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux jusqu’à deux kilos et des colis postaux jusqu’à dix kilos, ainsi que les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée, étant entendu que sont concernés aussi bien les services nationaux que les services transfrontaliers, et que l’ensemble de ces prestations doit respecter les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination des usagers, de continuité du service et d’adaptabilité aux évolutions techniques et aux horaires des utilisateurs.

Une autre déclinaison du concept de SU est opérée dans le secteur des communications électroniques. Aux termes du code des communications électroniques européen (CC2E) de 2018, qui remplace la directive 2002/22/CE (anciennement dite « directive SU »), « [l]es États membres veillent à ce que tous les consommateurs sur leur territoire aient accès, à un tarif abordable, compte tenu des circonstances nationales spécifiques, à un service d’accès adéquat à l’internet à haut débit disponible et à des services de communications vocales à un niveau de qualité spécifié sur leur territoire, y compris au raccordement sous-jacent, en position déterminée » (art. 84, para. 1). Cette référence illustre une des caractéristiques principales du SU : son aspect évolutif. C’est ainsi que dans sa version de 2002, le SU dans ce secteur incluait certains services traditionnels (téléphones publics payants, annuaires complets et services de renseignements téléphoniques) (v. CJUE, 15 mars 2017, Tele2 (Netherlands) BV, aff. C-536/15, à propos de ces services), ce qui n’est donc plus le cas à ce jour, au profit en revanche de l’inclusion des services internet.

Enfin, le secteur de l’énergie met également en exergue l’adaptabilité du concept de SU. Il a été introduit, en complément au régime des obligations de service public (OSP), dans la directive de 2009 sur le marché intérieur de l’électricité, aujourd’hui remplacée par la directive (UE) 2019/944. Cette dernière impose aux États membres de veiller « à ce que tous les clients résidentiels et, lorsqu’ils le jugent approprié, les petites entreprises bénéficient d’un service universel, à savoir le droit d’être approvisionnés, sur leur territoire, en électricité d’une qualité définie, et ce à des prix compétitifs, aisément et clairement comparables, transparents et non discriminatoires » (art. 27, para. 1). Dans un souci d’effectivité, pour assurer la fourniture de ce SU, un fournisseur de dernier recours peut être désigné et il peut être imposé aux gestionnaires de réseau de distribution une obligation de raccordement des clients concernés (à rapprocher aussi des mesures de protection des clients vulnérables – art. 28 – et de la lutte contre la précarité énergétique – art. 29). En revanche, le législateur de l’Union n’a pas prévu d’obligations de SU dans le secteur du gaz, pour tenir compte des difficultés techniques pour l’imposer en termes de desserte territoriale, même si l’objectif de cohésion économique et sociale n’est pas ignoré par la directive 2009/73/CE.

 

Pour aller plus loin

Au-delà du contenu même du concept de SU, c’est la question de son financement qui devient centrale à l’échelle de l’UE.

Dans le cadre de sa révision de 2008 (directive 2008/6/CE), la directive postale a été complétée par de nouvelles dispositions relatives au financement du SUP. Outre une nouvelle annexe I qui fixe des orientations pour le calcul de son coût net éventuel, trois possibilités de financement sont prévues : les subventions directes de l’État, la passation de marchés publics ou l’instauration d’un fonds de compensation. Cette dernière option, qui existait déjà dans le texte de 1997, mais que très peu d’États membres ont utilisée, peut s’avérer un mécanisme de sauvegarde approprié pour pallier la disparition du secteur réservé qui était, jusqu’à présent, une source importante de financement du SUP (v. CJUE, 31 mai 2018, Confreta e.a., aff. jtes C‑259/16 et C‑260/16, à propos de la marge de manœuvre des États membres pour définir les contributeurs au fonds de compensation).

Dans le secteur des communications électroniques, l’approche est plus restrictive. Si un fournisseur estime être soumis à une charge injustifiée, ce qui doit être constaté par l’autorité de régulation nationale (ARN) compétente, il peut demander à ce que soit instauré un mécanisme pour l’indemniser des coûts nets tels qu’ils ont été calculés, dans des conditions de transparence et à partir de fonds publics ; et/ou à ce que soit réparti le coût net des obligations de SU entre les fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques présents sur le territoire (v. art. 90 du CC2E). Dans ce dernier cas, le mécanisme de répartition est géré par l’ARN ou par un organisme indépendant de ses bénéficiaires sous la surveillance de cette dernière, pour veiller notamment à sa transparence et à son caractère non discriminatoire (v. CJUE, 25 novembre 2020, Commission c/ Portugal, aff. C-49/19, à propos du respect de ces principes de financement par les États membres).

Quant au secteur de l’électricité, la directive (UE) 2019/944 est plus élusive sur le mode de financement du SU. Elle se contente de valider la faculté des États membres d’offrir « une compensation financière, d’autres formes de compensation ou des droits exclusifs » pour la fourniture du SU, à condition de les octroyer « d’une manière non discriminatoire et transparente » (v. art. 9, para. 3).

 

Bibliographie

Directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE, JOUE n° L 158 du 14 juin 2019, p. 125

Directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen (refonte), JOUE n° L 321 du 17 décembre 2018, p. 36

Directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE, JOUE n° L 211 du 14 août 2009, p. 94

Directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE, JOUE n° L 211 du 14 août 2009, p. 55

Directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »), JOCE n° L 108 du 24 avril 2002, p. 51

Directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service, JOCE n° L 15 du 21 janvier 1998, p. 14 ; telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008, JOUE n° L 52 du 27 février 2008, p. 3

Comm. CE, Livre vert sur le développement du marché unique des services postaux, COM(91) 476 final, 11 juin 1992

DE STREEL (A.) et QUECK (R.), « Services d’intérêt économique général et communications électroniques », in Les services d’intérêt économique général et l’Union européenne, J.-V. Louis et S. Rodrigues (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 339

FADERNE (A.), « Le service universel en France », thèse, Université de Limoges, 2022

KARAYANNIS (V.), « Les services d’intérêt économique général dans le secteur postal : le cadre juridique européen », in Les services d’intérêt économique général et l’Union européenne, J.-V. Louis et S. Rodrigues (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 309

LAGET-ANNAMAYER (A.), « Recherche sur la régulation des services publics en réseaux : le cas des télécommunications et de l’électricité », thèse, Université Paris 5, 2001

RODRIGUES (S.), La nouvelle régulation des services publics en Europe : énergie, postes, télécommunications et transports, Paris, Éditions Tec & Doc, 2000

Auteur

  • University of Paris I Panthéon-Sorbonne

Citation

Stéphane Rodrigues, Service Universel, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 89204

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Les obligations de services non commerciaux sont des obligations de fournir un service d’une qualité donnée à un prix « raisonnable » pour les consommateurs. Ces obligations font dans une large mesure double emploi avec ce que l’on qualifie parfois d’obligations de service universel, d’obligations de service collectif ou d’obligations de service public. Toutes ces obligations n’ont pas un caractère non commercial mais un grand nombre d’entre elles comportent au moins la fourniture de services à certains clients ou groupes de clients économiquement identifiables lorsque les coûts excèdent les recettes des prestations de services à ces clients. © OCDE

Voir aussi, le numéro spécial du bulletin e-Competitions "SGEI and competition law : An overview of EU and national case law"

 
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