Chaque règlement d’exemption par catégorie comprend une liste fermée de restrictions caractérisées. Cette liste offre une certaine sécurité juridique aux entreprises qui, dans le cadre de l’autoévaluation de leurs accords, peuvent identifier les mesures susceptibles de susciter des inquiétudes quant à leur compatibilité avec l’article 101 TFUE.
Les restrictions caractérisées peuvent être directes, par exemple par le biais d’une disposition contractuelle expresse, ou résulter de mesures indirectes visant à inciter l’autre partie à se conformer à une certaine restriction, telles que des menaces de résiliation du contrat ou des incitations financières subordonnées au respect d’une certaine obligation par l’autre partie. Les restrictions caractérisées peuvent être adoptées isolément ou en combinaison avec d’autres facteurs sous le contrôle des parties.
L’inclusion d’une restriction caractérisée dans un accord entraîne la perte du bénéfice de l’exemption par catégorie pour l’ensemble de l’accord. Cela signifie que les entreprises devront procéder à un autoexamen approfondi tant de la restriction caractérisée que de toutes les autres restrictions susceptibles d’être incluses dans leur accord, afin de tenter de démontrer que leur accord est conforme à l’article 101 TFUE.
En outre, les accords contenant des restrictions énumérées comme étant des restrictions caractérisées dans les règlements d’exemption par catégorie ne peuvent pas bénéficier de la sphère de sécurité prévue par la communication de minimis pour les accords entre entreprises dont la Commission européenne considère qu’ils ont des effets négligeables sur la concurrence.
Malgré ce qui précède, un accord contenant une restriction caractérisée n’enfreint pas nécessairement l’article 101 TFUE. Plus précisément, une restriction caractérisée ne constitue pas nécessairement une restriction par objet au sens de l’article 101 TFUE. Dans l’affaire Coty, l’avocat général Wahl a souligné que la notion de « restriction caractérisée » devait être distinguée de celle de « restriction de concurrence par objet », bien qu’elles fassent toutes deux référence à des restrictions présumées particulièrement préjudiciables à la concurrence.
Les entreprises peuvent donc tenter de démontrer qu’une restriction caractérisée donnée, examinée dans son contexte économique et juridique, est objectivement justifiée et ne tombe pas sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Il s’agira toutefois d’une entreprise très difficile dans la pratique.
De l’avis de la Commission européenne, les restrictions caractérisées constituent généralement des restrictions par objet lorsqu’elles sont appréciées individuellement et, en fait, les restrictions caractérisées énumérées dans les différents règlements d’exemption par catégorie correspondent généralement à des restrictions qui ont été identifiées dans des décisions antérieures comme des restrictions par objet dans la catégorie d’accords couverte par chaque règlement. La Commission considère en outre qu’il existe une présomption selon laquelle un accord contenant une restriction caractérisée a des effets négatifs réels ou probables et relève de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
Cette présomption a toutefois été remise en cause. Dans l’affaire Pedro IV Servicios, la Cour de justice a précisé que, lorsqu’un accord ne remplit pas toutes les conditions prévues par un règlement d’exemption par catégorie, il ne tombe sous le coup de l’interdiction prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE que s’il a pour objet ou pour effet de restreindre sensiblement la concurrence dans le marché intérieur et s’il est susceptible d’affecter le commerce entre États membres. S’appuyant sur cette décision, l’avocat général Mazák a déclaré, dans ses conclusions présentées dans l’affaire Pierre Fabre, qu’il n’existait pas, selon lui, de « présomption légale » selon laquelle un accord comportant une restriction caractérisée enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Il a ajouté qu’un examen individuel est donc nécessaire pour déterminer si un accord a un objet anticoncurrentiel, même s’il contient une restriction caractérisée et ne peut bénéficier d’une exemption par catégorie.
Les lignes directrices verticales reconnaissent également que, dans des cas exceptionnels, les restrictions caractérisées peuvent être objectivement nécessaires à l’existence d’un accord d’un type ou d’une nature particulière et ne relèvent pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Les lignes directrices verticales donnent des exemples de restrictions caractérisées des ventes nécessaires pour assurer la sécurité ou la santé publique, pour encourager les investissements entrepris pour développer un nouveau marché ou pour tester ou introduire un nouveau produit.
Comme autre défense, les entreprises peuvent faire valoir qu’un accord spécifique contenant une restriction caractérisée devrait bénéficier d’une exemption individuelle au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE. Dans l’affaire Pierre Fabre, la Cour de justice a estimé qu’une entreprise a la possibilité, en toutes circonstances, de faire valoir, sur une base individuelle, l’applicabilité de l’exception prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE.
La Commission considère qu’il existe une présomption selon laquelle il est peu probable que les accords contenant une restriction caractérisée remplissent les conditions de l’article 101, paragraphe 3, TFUE, ce qui explique qu’ils ne bénéficient pas de l’exemption par catégorie. Cette présomption est réfutable et les entreprises peuvent démontrer que des gains d’efficacité probables résultent de l’inclusion de la restriction caractérisée dans l’accord et que toutes les conditions de l’article 101, paragraphe 3, TFUE sont remplies. Toutefois, cela s’est avéré très difficile dans la pratique, certains commentaires indiquant qu’au cours des quinze dernières années, aucune entreprise n’a réussi à invoquer l’article 101, paragraphe 3, TFUE dans les cas où la Commission jugeait que ce type de restriction était susceptible de soulever des problèmes de concurrence importants.