Remèdes (antitrust)

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

Les autorités de concurrence peuvent, en fonction du cadre procédural dans lequel elles interviennent, proposer, imposer ou rendre obligatoires diverses mesures destinées à remédier aux problématiques générales de concurrence, préoccupations de concurrence ou infractions qu’elles ont constatées.

L’Autorité de la concurrence formule ainsi fréquemment des recommandations aux pouvoirs publics lorsqu’elle est saisie pour avis dans le cadre de l’élaboration de projets de texte, de la préparation de réformes ou à l’occasion d’une réflexion menée pour faire face à une situation de crise. L’Autorité peut également, de sa propre initiative, se saisir d’office pour réaliser des enquêtes sectorielles qui aboutissent à la publication d’un avis dans lequel elle peut être amenée à formuler des préconisations.

En matière contentieuse, les autorités de concurrence sont investies – en parallèle du pouvoir d’infliger des sanctions pécuniaires – de la capacité de prononcer des mesures conservatoires (articles 8 du règlement n° 1/2003 et L. 464 1 du code de commerce) et des injonctions (articles 7 du règlement n° 1/2003 et L. 464-2 du code de commerce) ou d’accepter des engagements (articles 9 du règlement n° 1/2003 et L. 464-2 du code de commerce). Elles n’ont cependant pas compétence, à la différence des juridictions administratives et judiciaires, pour évaluer le préjudice des victimes de pratiques anticoncurrentielles et ordonner sa réparation.

Les remèdes, qu’ils soient négociés ou imposés, regroupent une grande diversité de mesures, au sein de laquelle on distingue communément les remèdes structurels des remèdes comportementaux. Alors que les premiers modifient directement et par eux-mêmes la structure des marchés (cessions d’actif(s) ou rupture de liens contractuels, par exemple), les seconds se limitent à réguler les comportements de ceux à qui il incombe de les mettre en œuvre. En droit de l’Union, l’article 7 du règlement n° 1/2003 prévoit que la Commission ne peut imposer une injonction structurelle que s’il n’existe pas de mesure comportementale qui soit aussi efficace ou si, à efficacité égale, cette dernière s’avérait plus contraignante pour l’entreprise concernée que la mesure structurelle.

Les remèdes sont soumis au principe de proportionnalité : les autorités de concurrence ne peuvent imposer des mesures correctives que dans la mesure où elles sont proportionnées à l’infraction ou aux préoccupations de concurrence identifiées et, le cas échéant, nécessaires pour faire cesser effectivement l’infraction. La portée du principe est toutefois atténuée dans le cas des remèdes proposés par les entreprises elles-mêmes et rendus obligatoires dans les procédures d’engagements dans la mesure où l’objet de celles-ci n’est pas de mettre fin à l’infraction mais à de simples préoccupations de concurrence.

Les autorités de concurrence assurent le suivi de la mise en œuvre des remèdes qu’elles ont imposé ou rendu obligatoires. En droit français, le non-respect d’une injonction ou d’un engagement peut donner lieu au prononcé d’une sanction pécuniaire dans les mêmes conditions et limites que celles sanctionnant les auteurs de pratiques anticoncurrentielles (article L. 464-3 du code de commerce).

 

Pour aller plus loin

Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021 649 du 21 mai 2021 pour la transposition de la directive ECN+, l’Autorité de la concurrence peut, à l’instar de la Commission européenne, enjoindre les entreprises mises en cause d’adopter des mesures d’ordre structurel, non plus uniquement dans les cas d’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance économique (article L. 430-9 du code de commerce) mais également en matière d’ententes (article L. 464-2 du code de commerce). L’Autorité peut également désormais, à l’instar de la Commission européenne (article 8 du Règlement n° 1/2003), se saisir d’office afin d’examiner le bien-fondé du prononcé de mesures conservatoires (article L. 464-1 du code de commerce).

Le législateur a également doté l’Autorité de la concurrence du pouvoir de prononcer des injonctions structurelles à l’encontre de certaines entreprises détenant une position dominante dans les collectivités d’outremer, en raison des contraintes particulières de ces territoires et indépendamment de la notification d’une opération de concentration ou du constat d’une infraction. Initialement conçu comme instrument visant à favoriser le fonctionnement concurrentiel des marchés dans le secteur du commerce de détail, son champ a ensuite été étendu, en 2020, au commerce de gros et ses conditions d’exercice ont été assouplies (article L. 752 27 du code de commerce). La volonté du législateur de renforcer l’injonction structurelle en l’étendant à l’ensemble du territoire français s’est cependant heurtée à la censure du Conseil Constitutionnel en 2015 (Décision n° 2015¬ 715 DC du 5 août 2015).

 

Jurisprudences pertinentes

Décision n° 2015¬ 715 DC du 5 août 2015

 

Bibliographie

David Bosco, Robert Saint-Esteben, Stephen Kinsella, Virginie Beaumeunier, Peter Alexiadis, David J. Went, Elsa Sependa, Injonction structurelle : Un instrument hors norme, Concurrences, n° 2-2013.

Cyril Ritter, How Far Can the Commission Go When Imposing Remedies for Antitrust Infringements ?, Journal Of European Competition Law & Practice, Volume 7, Issue 9, 2016.

Autorité de la concurrence, Les engagements comportementaux, La Documentation française, 2020.

Pierre Arhel, Pratiques anticoncurrentielles : injonctions et sanctions, Répertoire Dalloz de droit commercial, 2021.

Auteur

  • Autorité de la concurrence (Paris)

Citation

Julien Neto, Remèdes (antitrust), Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 106126

Visites 232

Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

Acheter

a b c d e f g i j k l m n o p r s t v