Si la protection territoriale absolue est fustigée, un certain degré de protection territoriale est admis. Tout dépend du choix de politique commerciale du producteur : veut-il neutraliser le risque de parasitisme commercial entre ses distributeurs ou veut-il privilégier la sélection de ses distributeurs en fonction de leur adéquation avec son produit ? Dans le premier cas, il a recours au contrat de concession territoriale qui confère au distributeur une sécurité l’incitant à investir dans la publicité et dans une offre de services additionnels. Il n’a plus à craindre des comportements opportunistes des autres distributeurs. Dans le second cas, le contrat de distribution sélective convient mieux au producteur. Dès lors qu’il s’est détourné du contrat de concession, toute protection territoriale perd alors sa raison d’être. Dans un contrat de distribution sélective est donc qualifiée de restriction caractérisée la prohibition des ventes actives comme celle des ventes passives (article 4, b) des règlements n°2790/1999, puis du règlement n°330/2010).
Le prochain règlement d’exemption relatif aux restrictions verticales conforte cette disparité de traitement de la protection territoriale selon la raison d’être du contrat de distribution selon le choix de politique commerciale du fournisseur. Son article 4, dont la lisibilité est renforcée, apporte cependant certaines nuances. Dans l’hypothèse d’une juxtaposition géographique d’un réseau de distribution exclusive et d’un réseau de distribution sélective, le distributeur exclusif peut se voir imposer à la fois des restrictions de ventes actives et passives à l’égard de distributeurs non agréés situés sur le territoire du réseau de distribution sélective. La deuxième précision concerne l’hypothèse du choix de ne retenir ni un contrat de distribution exclusive, ni un contrat de distribution sélective. A priori, aucune protection territoriale ne devrait être accordée. Cependant, un certain degré de protection territoriale est admis a minima : la restriction des ventes actives de l’acheteur et de ses clients est admise sur un territoire que s’est réservé le fournisseur ou qu’il a alloué à un nombre limité d’acheteurs. Pour faire respecter cette protection territoriale a minima, le distributeur agréé sur un autre territoire pourra se voir imposer une restriction de ses ventes actives.
Le règlement n°330/2010 n’avait pas expressément mentionné le commerce en ligne. Seules les lignes directrices l’accompagnant avaient des indications pour appliquer les qualifications de restrictions de ventes actives et passives à diverses interdictions de vendre en ligne : la vente sur un site était considérée comme une vente passive (pt 52) tandis que divers moyens de publicité ou de ciblage, tels que les mails et les bandeaux, étaient des ventes actives (pt 53). Dans le futur règlement, les définitions précises des ventes actives et passives figurent désormais dans l’article 1er. A la différence des lignes directrices de 2010, il convient d’y relever que l’offre de différentes versions linguistiques sur un site sera désormais considérée comme une vente active, de même qu’un site avec un nom de domaine correspondant à un territoire autre que celui où le distributeur est établi. S’agissant de la distribution sélective, la Cour de justice avait considéré non seulement que certaines exigences de qualité relatives à la vente en ligne pouvaient être considérées comme disproportionnées au regard de la protection nécessaire de produits vendus et donc contraires au paragraphe 1 de l’article 101 TFUE, mais encore qu’elles pouvaient être retenues comme des restrictions de ventes passives au sens du règlement d’exemption (CJUE, 13 octobre 2011, C-439/09, Pierre Fabre ; tel n’est pas le cas de l’interdiction de vendre sur une plateforme tierce, CJUE, 6 décembre 2017, C-230/16, Coty Germany).
Le modèle de traitement des restrictions de ventes actives et passives dans les contrats de distribution exclusive est adapté de manière très fine aux contrats de concession de licence dans l’article 4 du règlement n°316/2014 relatif aux accords de transfert de technologie. Sont à cet égard déterminantes la sous-distinction entre accords entre non-concurrents et accords entre concurrents et, à l’intérieur de cette dernière catégorie, celle entre accords réciproques et accords non-réciproques.