En liant la protection du secret professionnel de l’avocat au respect des droits de la défense (AM & S Europe, préc., para. 21), la Cour donne pour base légale à ce secret le droit primaire (Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 48, para. 2 combiné avec traité sur l’Union européenne, art. 6, para. 1er). En revanche, le Conseil constitutionnel a refusé de reconnaître l’existence d’un tel lien et ainsi de consacrer la valeur constitutionnelle de ce secret (Cons. const., 24 juillet 2015, n° 2015-478 QPC, para. 16).
Le droit de l’Union européenne limite le champ d’application du secret professionnel de l’avocat à l’exercice d’une défense à raison de son lien avec les droits de la défense (AM & S Europe, préc., para. 23). Si la loi française prévoit son application dans le domaine la défense comme du conseil (loi du 31 décembre 1973, préc., art. 66-5, al. 1er), la Cour de cassation en a restreint le champ d’application en matière d’opérations de visite et saisie de l’Autorité ou de la DGCCRF au seul exercice des droits de la défense (Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-84.304 – Cass. crim., 4 mars 2020, n° 18-84.071), lequel doit s’entendre comme l’exercice de ces droits d’une manière générale et non comme ceux dans le seul dossier concerné par l’opération de visite et saisie (Cass. crim., 20 janvier 2021, n° 19-84.292).
Outre les communications entre un Conseil et son client, le droit de l’Union européenne étend le bénéfice du secret professionnel de l’avocat aux documents du client reproduisant ces communications (TPICE, ord., 4 avril 1990, Hilti, aff. T-30/89, para. 16 à 18) et à ceux préliminaires établis afin de demander son avis à un avocat pour l’exercice d’une défense (TUE, 17 septembre 2007, Akzo Nobel, aff. jointes T-125/03 and T-253/03, para. 122 et 123 – confirmé par CJUE, 14 septembre 2010, Akzo Nobel, aff. C-550/07 P, para. 40 et 41).
Jusqu’à il y a peu, le droit interne limitait le bénéfice de ce secret aux communications entre un Conseil et son client ainsi qu’aux notes du client prises lors d’une réunion avec un avocat (Cons. conc., n° 07-D-49, 19 décembre 2007, para. 157 à 159 – Aut. conc., n° 16-D-24, 8 novembre 2016, para. 318).
En 2022, la Cour de cassation (s’inspirant sans doute du droit de l’Union européenne) a étendu le champ du secret professionnel aux documents émanant du client, n’étant pas adressés à son avocat et reprenant la stratégie de défense mise en place par ce dernier pour le premier lorsque cette stratégie constitue l’objet essentiel dudit document (Cass. crim., 26 janvier 2022, n° 17-87.359, para. 19 à 21).
Cette extension heureuse doit être rapprochée d’un arrêt de la même chambre de la Haute Juridiction rendu la même année dans une affaire de stupéfiants lequel apporte une restriction importante au secret professionnel de l’avocat. Cette décision a en effet validé un procès-verbal rapportant une conversation téléphonique entre un avocat et la compagne de son client au motif que cette dernière n’ayant alors pas été placée en garde à vue et n’étant pas partie à la procédure, cette conversation ne saurait relever de l’exercice des droits de la défense (Cass. crim., 13 septembre 2022, n° 21-87.452, para. 9).
La transposition de cet arrêt au droit de la concurrence, laquelle ne peut être exclue, repousserait ainsi l’application du secret professionnel de l’avocat et plus généralement l’exercice des droits de la défense aux premières mesures d’enquête coercitives de l’Autorité ou la DGCCRF, telles qu’une visite et saisine.
Lors d’une enquête de concurrence, le droit interne habilite l’Autorité ou la DGCCRF à saisir en bloc les messageries électroniques afin de préserver leur intégrité. Il leur revient ensuite, hors de la présence de l’entreprise visitée ou de son Conseil, d’en extraire les documents protégés par le secret professionnel de l’avocat et de les restituer. Il revient également à tout intéressé de solliciter une telle restitution du juge compétent (Cass. crim., 30 novembre 2011, n° 10-81.748, Bull. crim. n° 242 – Cass. crim., 20 décembre 2017, n° 16-83.469).
Cet état du droit interne n’a pas soulevé d’objection de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 21 mars 2017, Janssen Cilag SAS c. France, n° 33931/12). Pourtant, l’entreprise visitée ou son Conseil ne pouvant assister à l’extraction des documents protégés par ce secret des messageries saisies, il ne peut dans ces conditions s’assurer que l’Autorité ou la DGCCRG n’en prenne pas connaissance.
A l’opposé, si la Commission pratique également la saisie en bloc des messageries électroniques, ses agents placent le support sur lequel est reproduite la messagerie saisie dans une enveloppe scellée et invite l’entreprise inspectée ou son Conseil à assister à l’ouverture de cette enveloppe et à l’extraction des documents protégés par le secret professionnel de l’avocat (Commissions, note explicative concernant les inspections menées par la Commission, 11 septembre 2015, para. 14).
En cas de controverse sur la nature protégée d’un document, l’entreprise peut saisir le Conseiller-Auditeur afin de faciliter le règlement de cette question (décision 2011/695/UE du 13 octobre 2011 relative à la fonction et au mandat du Conseiller-Auditeur dans certaines procédures de concurrence, art. 4, para. 2, pt. a).
Enfin, le secret professionnel de l’avocats n’interdit pas de procéder à une enquête de concurrence dans un cabinet d’avocats pour autant que ce secret soit bien respecté durant cette enquête (Cons. const., 5 août 2015, Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, n° 2015-715 DC, para. 63).