Les inefficiences de marché à l’origine des prix régulés peuvent être de plusieurs types. Elles peuvent ainsi découler d’une insuffisance de concurrence, par exemple du fait de barrières réglementaires à l’entrée ou de l’importance des coûts fixes par rapport à la taille du marché. Les situations de monopole naturel telles que l’exemplifient les industries de réseaux mais aussi les marchés de petite taille ou insulaires ou encore les situations de pénurie sont ainsi fréquemment associées à une concurrence insuffisante, qui pourrait alors rendre nécessaire une régulation des prix.
Dans d’autres cas d’inefficience de marché, le secteur est propice à l’exercice d’une concurrence mais celle-ci ne conduirait pas à un équilibre de marché souhaitable, du fait de certaines caractéristiques particulières des marchés. Il en va ainsi sur des marchés où la dissociation de la demande et du paiement des produits fait que les clients n’auront que peu intérêt à faire jouer la concurrence et donc à diminuer les prix. Il en va ainsi dans le secteur de la santé, où le subventionnent de la demande rend peu efficace la mise en concurrence des offreurs. Une information insuffisante quant à la qualité des prestations proposées peut aussi rendre la concurrence en prix inefficace, en conduisant à une réduction de la qualité des prestations offertes. Cet argument est parfois utilisé pour justifier la régulation des prix de certaines offres plus ou moins techniques, difficiles à évaluer par les clients. Dans d’autres secteurs encore, l’exercice de la concurrence peut générer des externalités négatives et une régulation des prix peut alors se substituer à la concurrence pour que soient définis des prix raisonnables des prestations. Le marché des taxis, où la concurrence pourrait entraîner un trop grand nombre de taxis tout en étant difficile à mettre en œuvre sur la voie publique, du moins avant l’apparition des enseignes de taxis et plus récemment des applications de véhicules avec chauffeurs, paraît présenter de tels critères.
Enfin, dans certains secteurs, comme dans le cas de certaines professions juridiques, le législateur a souhaité des conditions de vente uniformes sur l’ensemble du territoire national, ce qui, compte tenu des degrés de concurrence et des coûts différents selon les régions, peut nécessiter que les prix soient homogénéisés sur l’ensemble du territoire à travers une réglementation des prix.
Réguler les prix est cependant un exercice complexe du fait des nombreuses informations qu’il nécessite. C’est particulièrement vrai lorsque les produits et les entreprises concernées sont nombreux et variés, lorsque le niveau et la structure des coûts et des revenus sont difficiles à déterminer (par exemple, si les même entreprises conduisent des activités non régulées à partir du même outil de production que celui utilisé pour les activités régulées, si le nombre élevé d’entreprises dans le secteur régulé rend difficile la collecte des données pertinentes, si le marché connaît régulièrement des entrées ou des sorties d’entreprises ou encore si l’entreprise est intégrée verticalement et l’ensemble de la chaîne de valeur nécessite alors d’être analysé), lorsque l’activité présente des aléas tels que la rémunération du capital censée être permise par la régulation des prix est difficile à évaluer ou encore lorsqu’il existe peu d’activités comparables susceptibles d’aider à la définition d’un taux de rémunération raisonnable. Dans ce contexte, évaluer les niveaux des prix procurant une rémunération raisonnable aux offreurs est long, coûteux et, potentiellement, d’une précision incertaine. Or, mal réalisé, cet exercice complexe peut avoir des conséquences négatives importantes : des prix réglementés à un niveau trop bas risquent de décourager l’activité, des prix régulés à un niveau trop élevé peuvent soit entraîner la création de rentes, soit réduire drastiquement la demande et à nouveau décourager l’activité. De même, lorsque les entreprises sont nombreuses à devoir être régulées, des prix réglementés peuvent être trop bas pour certaines et trop élevés pour d’autres, notamment si la demande est variable d’une région du territoire à l’autre. Enfin, la régulation des prix ne doit pas conduire les entreprises à réduire leurs efforts de productivité ou d’innovation en les empêchant de bénéficier des économies de coût qu’elles sont parvenues à réaliser. De ce fait, la régulation des prix est le plus souvent circonscrite à des situations précises où, pour les raisons présentées supra, la concurrence n’est pas un processus de détermination des prix efficient.