Prix bas

 

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Premier aperçu

En économie, un prix bas est généralement considéré comme le signe du bon fonctionnement concurrentiel des marchés ; en effet, en présence de multiples offreurs ou si l’entreprise en place est menacée par l’arrivée de nouveaux concurrents, le prix ne peut être durablement élevé par rapport au coût unitaire de production. Dans un cas limite, celui de la concurrence pure et parfaite, le prix va tendre vers le coût marginal de production, qui équivaut au coût de production d’une unité supplémentaire. Du point de vue collectif, un prix bas est en règle générale une bonne nouvelle pour le surplus des consommateurs mais également pour le bien-être total, qui augmente. On comprend dans ces conditions que le prix bas ne constitue pas en soi une préoccupation centrale du droit de la concurrence.

Pour autant, dans des cas très particuliers, un prix bas peut devenir problématique, s’il est inférieur au coût de production et s’il a pour objet ou effet d’évincer/d’empêcher l’accès au marché d’un concurrent aussi efficace.

Lorsque l’entreprise est en situation de position dominante, le prix abusivement bas relève de l’article L 420-2 du Code de commerce (ou de l’article 102 TFUE), relatif à l’abus de position dominante, lorsqu’il prend la forme d’une pratique de « prix prédateur ».

Même en l’absence d’une position dominante, un prix peut être considéré comme abusivement bas, au titre de l’article L.420-5 du Code de commerce : « Sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’éliminer d’un marché ou d’empêcher d’accéder à un marché une entreprise ou l’un de ses produits. (…) ».

En pratique toutefois, si l’Autorité de la concurrence a été saisie à plusieurs reprises sur le fondement de l’article L. 420-5, aucune sanction n’a été prononcée jusqu’ici à ce titre, le plus souvent parce que les faits dénoncés ne visaient pas le consommateur final.

C’est donc principalement sous l’angle de l’abus de position dominante que le prix excessivement bas est appréhendé. Il constitue le pendant du prix excessivement élevé et repose sur un standard de preuve très strict. L’enjeu est en effet d’éviter de sanctionner une pratique de prix bas qui résulterait du jeu normal de la concurrence. Une entreprise peut en effet pratiquer des prix bas pour des raisons pro-concurrentielles, notamment lorsqu’elle lance un nouveau produit ou pour bénéficier d’effets d’expérience.

 

Pour aller plus loin

La question centrale est celle de la démonstration d’un prix abusivement bas. Dans son arrêt AKZO du 3 juillet 1991, la Cour de Justice a distingué deux situations dans lesquels un prix bas peut être qualifié de « prix prédateur ». Dans les deux cas, il s’agit d’un test qui met en relation un prix observé avec les coûts pertinents de l’entreprise mise en cause.

Un premier cas de figure est celui dans lequel le prix pratiqué par l’entreprise en position dominante est inférieur à la moyenne de ses coûts variables. Dans ce cas, la pratique de prix prédateur peut être présumée. Cette présomption est toutefois réfragable. Ainsi, dans la décision n° 00-D-50 concernant la Française des Jeux, le Conseil de la concurrence a considéré que si « la jurisprudence considère généralement que la vente au-dessous du coût variable moyen suffit à caractériser une stratégie prédatrice, aucune autre justification ne pouvant être apportée à un tel comportement, cependant, d’une part, ce critère ne peut être appliqué lorsqu’un prix n’est inférieur au coût variable moyen que de façon épisodique ; d’autre part, l’existence d’une stratégie prédatrice doit être crédible au regard du contexte ».

Un second cas est celui d’un prix inférieur à la moyenne des coûts totaux, qui comprennent les coûts fixes et les coûts variables, mais supérieur à la moyenne des coûts variables. Dans ce cas de figure, le prix bas peut être considéré comme abusif s’il est fixé dans le cadre d’un plan ayant pour but d’éliminer/discipliner un concurrent aussi efficace. Afin de démontrer ce « plan d’éviction », la pratique des prix bas doit donc s’accompagner d’indices suffisamment sérieux, probants et concordants. Par exemple, dans sa décision n°04-D-10 (UGC-Ciné cité), le Conseil de la concurrence a considéré qu’une pratique de prédation suppose qu’elle soit appliquée pendant un temps suffisamment long « pour évincer les concurrents, dans l’espoir de récupérer les pertes subies en pratiquant des prix élevés une fois les concurrents sortis du marché ». Le Conseil de la concurrence a ajouté que « pour qu’une telle stratégie ait une chance d’être profitable, il faut, d’une part, que les concurrents ne puissent pas résister trop longtemps aux prix bas et décident de sortir assez vite du marché et d’autre part, qu’il existe des barrières à l’entrée substantielles sur le marché considéré, de manière à ce que les prix élevés pratiqués dans le futur n’induisent pas le retour des concurrents évincés ou l’entrée de nouveaux opérateurs ». Les économistes insistent beaucoup sur la nécessité de prouver la possibilité pour l’entreprise en position dominante de « récupérer » ses pertes après la période de prédation, ce qui suppose qu’il existe des barrières à l’entrée assez élevées. A l’occasion des affaires Tetra Pak (1996) et France Télécom (2009), la Cour de Justice n’a toutefois pas intégré le test de « recoupement des pertes » comme une condition nécessaire à la démonstration d’un scénario de prix prédateurs.

En pratique, la démonstration d’un prix abusivement bas n’est pas une tâche aisée, en particulier lorsque l’entreprise est multiproduits ou dispose de capacités de production supplémentaires. La notion de « coût marginal » est alors remplacée par celle de coût évitable moyen (CEM), qui désigne la moyenne des coûts qui auraient pu être évités si l’entreprise n’avait pas produit la quantité supplémentaire dont on soupçonne qu’elle est prédatrice. En pratique, cela revient à vérifier que les recettes de la vente supplémentaire couvrent bien les coûts supplémentaires de cette vente. De même, le coût total moyen est remplacé par la notion de Coût Incrémental de Long terme (CMILT) : ce coût désigne la moyenne de tous les coûts, fixes comme variables, que supporte l’entreprise sur le produit en cause.

 

Jurisprudences pertinentes

CJUE, 2 avril 2009, France Télécom SA c. Commission, affaire C-202/07 P

Conseil de la concurrence, Décision n° 04-D-10 du 1er avril 2004 relative à des pratiques de la société UGC Ciné-Cité mises en œuvre dans le secteur de l’exploitation des salles de cinéma

Conseil de la concurrence, Décision n° 00-D-50 du 5 mars 2001 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Française des Jeux dans les secteurs de la maintenance informatique et du mobilier de comptoir

CJCE, 14 Novembre 1996, Tetra Pak International c. Commission, affaire C-333/94 P

CJCE, 3 juillet 1991, AKZO Chemie BV c. Commission, affaire C-62/86

 

Bibliographie

P. Bolton, J. Brodley, M. Riordan [1999] “Predatory pricing : strategic theory and legal policy” , Working paper

E. Combe [2020] Economie et politique de la concurrence, chapitre 5

Auteur

  • University of Paris I Panthéon-Sorbonne

Citation

Emmanuel Combe, Prix bas, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 86682

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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