Privatisation

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

La notion de privation désigne le transfert au secteur privé de la majorité des actifs d’une entreprise qui relevait jusqu’alors du secteur public (ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, art. 22, V, a). Ce transfert peut prendre plusieurs formes telles que la cession de titres, l’échange, la fusion ou la scission, l’émission d’actions ou d’obligations convertibles, ou encore la dissolution ou la liquidation.

Par conséquent, la conclusion d’une concession ou d’un marché de partenariat par lequel une personne publique confie une activité au secteur privé ne relève pas de la privatisation. De même, les opérations dites de « respiration » du secteur public, qui n’impliquent pas un transfert majoritaire de propriété au secteur privé, n’entrent pas dans le régime de la privatisation (ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, art. 22, II et III).

La privatisation permet aux autorités publiques de bénéficier d’un apport de liquidité, de préparer une ouverture à la concurrence, d’étendre les activités de l’entreprise privatisée au-delà de ses activités traditionnelles ou encore de disposer d’une plus grande liberté managériale.

Selon les cas, elle concerne des entreprises évoluant déjà sur des marchés concurrentiels (secteur de la banque ou des assurances, par exemple) ou peut avoir lieu dans un contexte de libéralisation de secteurs historiquement monopolistiques.

L’article 345 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) consacre une obligation de neutralité du droit européen à l’égard du régime de propriété dans les États membres ; il laisse aux États membres ce choix politique entre entreprises publiques ou privées et n’impose par conséquent aucune privatisation.

La privatisation n’entraine pas un changement radical de la situation de l’entreprise concernée du point de vue du droit de la concurrence. Les entreprises publiques et privées sont soumises aux règles de concurrence, qu’il s’agisse du contrôle de leurs comportements ou des aides d’État dont elles peuvent être bénéficiaires. Des aménagements sont néanmoins possibles, dans un cas comme dans l’autre, en considération des missions particulières qui leur sont confiées.

 

Pour aller plus loin

En France, l’article 34 de la Constitution confie au seul législateur le pouvoir de décider de l’opportunité des privatisations. Néanmoins, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986, Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social, a précisé que l’usage de cette compétence devait se faire dans le « respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle qui s’imposent à tous les organes de l’État ».

La protection constitutionnelle de la propriété publique impose en effet qu’un tel transfert ne soit pas réalisé à un prix inférieur à sa valeur. Les dispositions du neuvième aliéna du Préambule de la Constitution s’opposent quant à elles à la privatisation d’une activité qui revêt le caractère de monopole de fait ou de service public national.

L’obligation de neutralité consacrée à l’article 345 TFUE doit être relativisée à plusieurs égards. En effet, le régime juridique des établissements public à caractère industriel et commercial est menacé par la présomption posée par la jurisprudence européenne selon laquelle l’octroi d’une garantie implicite et illimitée de l’Etat à de tels établissement constituerait un avantage au sens de l’article 107 TFUE (CJUE, 3 avr. 2014, France c. Commission, C‑559/12 P). Par ailleurs, et s’il est vrai que la Commission ne saurait imposer une privatisation, il peut arriver en pratique que l’autorisation d’une aide soit accordée en considération de la privatisation de l’entreprise bénéficiaire (Comm. 30 juillet 1997, JOCE L 78, 16 mars 1998, p. 1, not. Art. 2). Il est indiqué dans cette décision que « La solution proposée par les autorités françaises passe par l’adossement des deux pôles d’activité, la banque et l’assurance, à des partenaires indépendants et plus directement soumis aux lois du marché. La Commission considère cette solution comme appropriée car elle permet de reconstituer un système de contrôle plus efficace basé sur l’action sans distorsion des marchés »)

 

Jurisprudences pertinentes

Cons. const, Décision n° 2019-781 DC du 16 mai 2019, Loi relative à la croissance et la transformation des entreprises

CJUE, 19 sept. 2018, IFP Energies nouvelles, C‑438/16 P, EU:C:2018:737

CE, 4 juill. 2012, Département de Saône-et-Loire, n°356168

Cons. const. Décision n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l’énergie

CE, 8 janv. 1997, Coface, n°160091

Cons. const, Décision n° 96-380 DC du 23 juillet 1996, Loi relative à l’entreprise nationale France télécom

Cons. const, Décision 86-207 DC du 26 juin 1986, Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social

Cons. const, Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation

 

Bibliographie

OCDE, A Policy Maker’s Guide to Privatisation, 2019, p. 106

N. BELLOUBET-FRIER, « Privatisations et droit public », RDP, 1994, p. 187

S. BERNARD, « Constitution et privatisation. Sur l’existence de limites constitutionnelles au transfert au secteur privé », in Les Métamorphoses du Droit. Hommage à Jean-Marie Rainaud, L’Harmattan, 2009, p. 121

M. KARPENSCHIF, « La privatisation des entreprises publiques : une pratique encouragée sous surveillance communautaire »,RFDA, 2002, p. 95

M. KÖTHENBÜRGEr, H.-W. SINN, J. WHALLEY (ed.), Privatization Experiences in the European Union, MIT Press, 2006, p. 448

M. LOMBARD, « Les limites constitutionnelles à la privatisation des entreprises dont l’activité a le caractère d’un monopole », in Mélanges Moderne, Dalloz, 2004, p. 673

S. NICINSKI, « Les privatisations dans la loi PACTE », AJDA, 2019, p. 1261

L. RAPP, « Les lois de privatisation et la « respiration » du secteur public », RFDA, 1987, p. 153

N. THIRION, « Existe-t-il des limites juridiques à la privatisation des entreprises publiques ? », RIDE, 2002, n° 4, p. 627

Auteur

  • Université Lumière Lyon 2

Citation

Vincent Bridoux, Privatisation, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 86392

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Transfert au secteur privé de la propriété et du contrôle de biens, d’entreprises et d’activités relevant précédemment du secteur public. Ce transfert se fait sous la forme de l’émission et de la vente ou de la distribution directe d’actions au profit du grand public. Au sens large, la privatisation couvre également d’autres formules comme la sous-traitance, qui consiste à confier au secteur privé des activités dont l’organisation et le financement sont assurés par les pouvoirs publics, par exemple les services de nettoiement de la voirie, la collecte des ordures ménagères, le logement et l’enseignement. © OCDE

 
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