Principe d’équivalence

 

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Premier aperçu

D’origine prétorienne, le principe d’équivalence énoncé par la Cour de justice le 15 juillet 1964 dans son célèbre arrêt Costa contre E.N.E.L constitue l’une des expressions de la primauté du droit de l’Union européenne dans le cadre de l’exercice, par les Etats membres, de l’autonomie procédurale qui leur est reconnue.

Lorsque le droit de l’Union ne prévoit pas tous les moyens et modalités procéduraux de sa mise en œuvre, les droits nationaux jouissent d’une autonomie en la matière, sous réserve de respecter notamment le principe d’équivalence. Conformément aux termes de l’arrêt Rewe de la Cour de Justice du 16 décembre 1976 : « En l’absence de réglementation communautaire [en la matière], il appartient à l’ordre juridique interne de chaque Etat membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire, étant entendu que ces modalités ne peuvent être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ». La Cour de justice a également précisé, aux termes d’un arrêt Susanne Bulicke contre Deutsche Service GmbH du 8 juillet 2010, que : « Le respect du principe d’équivalence suppose que la règle litigieuse s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne ayant un objet et une cause semblables ».

Autrement dit, les modalités procédurales de mise en œuvre du droit de l’Union européenne prévues par le droit national doivent être similaires aux modalités de mise en œuvre de ce droit national, pour un droit interne ayant un objet ou une cause semblable. Aucune différence de traitement procédural ne doit exister en raison du fait que le droit du justiciable, dont la protection est en jeu, est tiré du droit de l’Union européenne. Il importe de souligner que le principe d’équivalence est repris directement au sein de textes de droit dérivé, tel que, par exemple, la directive n°2014/104/UE du Parlement et du Conseil du 26 novembre 2014 en matière de réparation du dommage concurrentiel. Par ailleurs, à côté de ce principe d’équivalence, l’autonomie procédurale est encadrée par le principe d’effectivité. Celui-ci commande que les modalités procédurales de droit national ne doivent pas rendre « en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union ».

Ensemble, ils permettent de maintenir une cohérence dans l’application du droit de l’Union.

 

Pour aller plus loin

Le principe d’équivalence est l’un des principes du droit de l’Union européenne dont l’application est transversale et doit être respecté en toute matière. La Cour de justice énonce d’ailleurs fréquemment qu’il revient au juge national, « qui a une connaissance directe des modalités procédurales applicables, de vérifier la similitude des recours concernés sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels ».

Une illustration de l’application fréquente de ces principes ressort du contentieux de l’engagement de la responsabilité de l’Etat pour violation du droit de l’Union européenne. En vertu du principe de coopération loyale prévu à l’article 4, §3 du Traité sur l’Union européenne, il incombe aux Etats membres d’effacer les conséquences illicites causées aux justiciables par une violation du droit de l’Union. Ainsi, la Cour de justice juge de manière constante que cette réparation incombe à l’Etat dans le cadre du droit national de la responsabilité, droit national qui ne doit pas être appliqué de manière moins favorable que pour une situation similaire relevant du droit interne. En droit de la concurrence, le principe de l’autonomie procédurale, limité par le principe d’équivalence, s’exprime en matière de preuves des pratiques anticoncurrentielles. En effet, la Cour de justice a rappelé que les articles 2 et 5 du règlement (CE) n°1/2003 du 16 décembre 2002 ne font que prévoir la répartition de la charge de la preuve d’un comportement anticoncurrentiel, tout en reconnaissant que les principes posés par ce règlement ne portent pas atteinte aux règles nationales sur le niveau de preuve requis, sans toutefois prévoir de règles spécifiques sur le droit de la preuve lui-même et le niveau de preuve requis. Ainsi, la Cour juge qu’il appartient aux ordres juridiques internes d’établir les règles probatoires, en vertu de l’autonomie procédurale et dans le respect du principe d’équivalence et du principe d’effectivité.

De même, en matière de réparation du dommage subi du fait de pratiques anticoncurrentielles sollicitée devant les juges nationaux, la directive n°2014/104/UE rappelle en son article 4 que : « (...) Conformément au principe d’équivalence, les règles et procédures nationales relatives aux actions en dommages et intérêts découlant d’infractions à l’article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne sont pas moins favorables aux parties prétendument lésées que celles régissant les actions similaires en dommages et intérêts découlant d’infractions au droit national ».

Enfin, en matière de protection des consommateurs, la Cour de justice s’est expressément appuyée, dans un arrêt du 17 mai 2018 dit « Karel de Grote » sur le principe d’équivalence pour mettre à la charge du juge national une obligation de relever d’office l’existence de clauses abusives au sens de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, lorsqu’il est « compétent, selon les règles de procédure internes, pour examiner d’office la contrariété d’une demande aux règles nationales d’ordre public ».

 

Jurisprudences pertinentes

CJUE, 17 mai 2018, C-147/16, Karel de Grote Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen VZW contre Susan Romy Jozef Kuijpers

CJUE, 30 juin 2016, C-200/14, Silvia Georgiana Câmpean c/ Administrația Finanțelor Publice a Municipiului Mediaș, devenue Serviciul Fiscal Municipal Mediaş, Administrația Fondului pentru Mediu

CJUE, 21 janvier 2016, C-74/14, Eturas

CJUE, 27 juin 2013, C-93/12, ET Agrokonsulting-04-Velko Stoyanov contreIzpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie » – Razplashtatelna agentsia

CJUE, 14 mars 2013, C-420/11, Jutta Leth c. Republik Österreich, Land Niederösterreich

CJUE, 15 avril 2010, C-542/08, Friedrich G. Barth contre Bundesministerium für Wissenschaft und Forschung-

CJCE, 7 juillet 1981, aff. 158/80, Rewe c/ Hauptzollamt Kiel

CJCE, 16 décembre 1976, aff. 33/76, Rewe

CJCE, 15 juillet 1964, aff. 6-64, M. Flaminio Costa contre E.N.E.L

 

Bibliographie

Jean-Sylvestre BERGE et Sophie ROBIN-OLIVIER, Droit européen, Union européenne, Conseil de l’Europe, 2ème édition mise à jour, Thémis droit, PUF

Contentieux divers - Les impositions perçues en violation du droit de l’Union européenne et la prescription des actions en restitution - Commentaire par Alexandre MAITROT DE LA MOTTE, Droit fiscal n° 5, 29 Janvier 2015, comm. 123

Actualités - L’autonomie procédurale : un principe en voie de disparition ? par Antoine CIOLFI, Revues des Juristes de Sciences Po n° 13, Mars 2017, act. 2

Droit européen des contrats - Chronique de droit européen des contrats (1er janvier – 31 décembre 2018) - Chronique par Carole AUBERT de VINCELLES, Contrats Concurrence Consommation n° 5, Mai 2019, chron. 3

Auteur

  • Wilhelm & Associés (Paris)

Citation

Pascal Wilhelm, Principe d’équivalence, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 91821

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Le principe d’équivalence exige que les mêmes voies de recours et les mêmes règles s’appliquent aux réclamations fondées sur le droit de l’UE et aux réclamations analogues de nature purement nationale. © EUR Lex

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