Prescription

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

Comme en toute matière, la prescription en droit de la concurrence répond à un impératif de sécurité juridique et au besoin d’éviter le dépérissement des preuves. C’est pourquoi tant l’intervention des autorités compétentes (art. 25 du Règlement n° 1/2003, art. L. 462-7 c.com.) que les actions civiles qui en découlent (art. L. 482-1 c. com.) peuvent se heurter aux règles de prescription.

Les pouvoirs de l’Autorité de la concurrence et ceux de la Commission sont enfermés dans un délai de prescription quinquennal à compter des faits en cause, doublé d’un délai butoir de dix ans (art. L. 462-7 c. com. al. 1 et 3 et art. 25 Règlement n° 1/2003 § 1 et 5). Ce délai est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure pendante devant la Cour de justice (art. 25 Règlement n° 1/2003 § 6) ou jusqu’à la notification à l’Autorité de la Concurrence d’une décision juridictionnelle irrévocable en cas d’appel de l’ordonnance délivrée aux fins d’une visite, d’une saisie de document ou d’une pose de scellé ou de recours contre le déroulement de ces opérations, de recours contre la décision de l’Autorité de la concurrence, ou contre celle du rapporteur général de refuser la protection du secret des affaires ou de lever la protection accordée (art. L. 462-7 c. com. al. 5).

Le délai de prescription peut être interrompu, en droit de l’union, par tout acte de la Commission ou d’une autorité de concurrence d’un État membre visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction (les causes énoncées par l’art. 25 du Règlement n° 1/2003 § 3 n’étant pas limitatives : Trib. UE, 6 octobre 2015, aff. T-250/12). En droit interne, tout acte interruptif de la prescription de l’action publique (art. L. 462-7 c. com. al. 2) a un effet interruptif de prescription, de même que tout acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction des pratiques anticoncurrentielle (art. L. 462-7 c. com. al. 1).

Tandis qu’en droit interne, la prescription interdit à l’Autorité de la concurrence de constater ou poursuivre une infraction, en droit de l’Union, l’acquisition du délai interdit uniquement à la Commission d’infliger des amendes, mais ne s’oppose pas à la poursuite et au constat d’une infraction si la Commission démontre avoir un intérêt légitime à y procéder (art. 7 Règlement n° 1/2003 § 1).

 

Pour aller plus loin

Les règles de prescription doivent être conciliées avec la nécessité d’assurer l’effectivité des règles du droit de l’Union européenne. Doit ainsi être écartée la règlementation nationale qui exclut qu’un acte de poursuite postérieur à la décision d’ouverture d’une enquête par l’autorité compétente puisse avoir un effet interruptif de prescription lorsqu’une telle exclusion présente un risque systémique d’impunité des faits constitutifs de telles infractions (CJUE, 21 janv. 2021, aff. C‑308/19). De même, la durée de la prescription ne saurait être courte au point que, combinée aux règles relatives à son régime, elle rende l’exercice du droit des victimes de demander réparation excessivement difficile (CJUE, 28 mars 2019, aff. C-637/17).

Une importante partie du contentieux se concentre sur la détermination du point de départ de la prescription. Il est fonction de la date de l’infraction et, partant, de sa nature instantanée ou continue, la prescription ne pouvant dans cette seconde hypothèse courir avant le jour où l’infraction a cessé (art. 25 Règlement n° 1/2003 § 2), sans que le point de départ puisse être reporté au jour de la cessation des effets de l’infraction (v. par ex. la fixation au jour de la signature du contrat du point de départ de la prescription en matière de soumission concertée à un appel d’offre : CJUE, 14 janv. 2021, aff. C-450/19). La Cour de cassation estime qu’une pratique anticoncurrentielle revêt un caractère continu lorsque l’état délictuel se prolonge dans le temps par la réitération constante ou par la persistance de la volonté anticoncurrentielle après l’acte initial sans qu’un acte matériel ait nécessairement à la renouveler dans le temps (Com., 15 mars 2011, n° 09-17055). En droit européen, le recours à la notion d’infraction « unique et répétée » permet également de reporter le point de départ au jour où la pratique a cessé (CJUE, 11 juillet 2013, aff. C-429/11 P).

La Cour de cassation s’en tient à une approche formelle de l’article L. 462-7 c. com et refuse de faire dépendre l’effet interruptif de prescription de la finalité effective de l’acte tendant à la recherche à la constatation ou la sanction des faits (Com., 6 novembre 2007, n° 06-16.194, contra, en droit de l’Union : TPICE, 19 mars 2003, aff. T-213/00).

L’interruption produit un effet erga omnes à l’égard de toutes les entreprises concernées (Com., 6 mars 2007, n° 06-13501) et pour l’ensemble des faits dénoncés dès lors que ceux-ci présentent entre eux un lien de connexité (Com., 11 janvier 2017, 15-17.134). A l’inverse la suspension et la prescription opèrent inter partes, la CJUE ayant notamment refusé d’étendre à la société-mère le bénéfice de la prescription acquise par ses filiales (CJUE, 27 avril 2017, aff. C‑516/15 ; v. ég. pour un refus d’extension de l’effet suspensif d’un recours : CJUE, 20 mars 2011, aff. jtes C-201/09 P et C-216/09 P).

En matière d’action consécutive en dommages-intérêts, l’article L. 482-1 du Code de commerce issu de l’Ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 fait désormais par principe courir la prescription du jour où la victime a cumulativement connaissance du fait constitutif d’une pratique anticoncurrentielle, du fait que cette pratique lui cause un dommage et de l’identité de l’un des auteurs de cette pratique, tout en précisant que la prescription ne court pas tant que la pratique anticoncurrentielle n’a pas cessé et qu’elle ne court pas davantage à l’égard des victimes du bénéficiaire d’une exonération totale de sanction pécuniaire en application d’une procédure de clémence tant qu’elles n’ont pas été en mesure d’agir à l’encontre des auteurs de la pratique anticoncurrentielle autres que ce bénéficiaire.

Il ressort de la jurisprudence fondée sur l’article 2224 du Code civil, applicable avant l’entrée en vigueur du texte nouveau, que le point de départ de la prescription se confond avec la date de la décision de l’Autorité de la concurrence lorsqu’il n’est pas établi que la connaissance des pratiques concurrentielles par la victime était suffisamment précise précédemment pour lui permettre de déterminer si un préjudice lui avait bien été causé et par quels opérateurs (Com., 27 janvier 2021, 18-16.279, et devant le juge administratif : CE, 22 novembre 2019, n° 418645, SNCF Mobilités ; v. cependant, pour une hypothèse où, au regard des données de l’espèce, la connaissance de la victime a été estimée acquise avant le prononcé de la décision de l’Autorité de la concurrence : Trib. com. Paris, 1ère ch., 1er octobre 2019, n° 2017053369, CNAMTS c/ Sanofi).

La prescription de l’action consécutive en dommages-intérêts est également désormais interrompue par tout acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction de pratiques anticoncurrentielles par l’Autorité de la concurrence, une autorité nationale de concurrence d’un autre Etat membre de l’Union européenne ou la Commission européenne (art. L. 462-7 c. com., al. 4).

 

Bibliographie

R. Amaro et J.-F. Laborde, La réparation des préjudices causés par les pratiques anticoncurrentielles, Recueil de décisions commentées, Concurrences, 2ème éd., 2020

A. Condomines, La durée des pratiques anticoncurrentielles : enjeux et critères d’appréciation en droit français et européen, Contr. conc. conso., nov. 2016, étude 10

F. Loubières et F. de Saint-Olive, Private enforcement et prescription, RLC, avr.-juin 2014.181

Auteur

  • Sciences Po (Paris)

Citation

Julie Klein, Prescription, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 89184

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Aux termes des dispositions de l’article L. 462-7 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 4 novembre 2004, « le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ». L’article L. 462-7, dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2004-1173 du 4 novembre 2004, a porté à cinq ans ce délai de prescription, disposant que : « L’Autorité ne peut être saisie de faits remontant à plus de cinq ans s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. » L’alinéa 3 du même article dispose que, « toutefois, la prescription est acquise en toute hypothèse lorsqu’un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s’est écoulé sans que l’Autorité de la concurrence ait statué sur celle-ci ». © Autorité de la concurrence

 
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