Les règles de prescription doivent être conciliées avec la nécessité d’assurer l’effectivité des règles du droit de l’Union européenne. Doit ainsi être écartée la règlementation nationale qui exclut qu’un acte de poursuite postérieur à la décision d’ouverture d’une enquête par l’autorité compétente puisse avoir un effet interruptif de prescription lorsqu’une telle exclusion présente un risque systémique d’impunité des faits constitutifs de telles infractions (CJUE, 21 janv. 2021, aff. C‑308/19). De même, la durée de la prescription ne saurait être courte au point que, combinée aux règles relatives à son régime, elle rende l’exercice du droit des victimes de demander réparation excessivement difficile (CJUE, 28 mars 2019, aff. C-637/17).
Une importante partie du contentieux se concentre sur la détermination du point de départ de la prescription. Il est fonction de la date de l’infraction et, partant, de sa nature instantanée ou continue, la prescription ne pouvant dans cette seconde hypothèse courir avant le jour où l’infraction a cessé (art. 25 Règlement n° 1/2003 § 2), sans que le point de départ puisse être reporté au jour de la cessation des effets de l’infraction (v. par ex. la fixation au jour de la signature du contrat du point de départ de la prescription en matière de soumission concertée à un appel d’offre : CJUE, 14 janv. 2021, aff. C-450/19). La Cour de cassation estime qu’une pratique anticoncurrentielle revêt un caractère continu lorsque l’état délictuel se prolonge dans le temps par la réitération constante ou par la persistance de la volonté anticoncurrentielle après l’acte initial sans qu’un acte matériel ait nécessairement à la renouveler dans le temps (Com., 15 mars 2011, n° 09-17055). En droit européen, le recours à la notion d’infraction « unique et répétée » permet également de reporter le point de départ au jour où la pratique a cessé (CJUE, 11 juillet 2013, aff. C-429/11 P).
La Cour de cassation s’en tient à une approche formelle de l’article L. 462-7 c. com et refuse de faire dépendre l’effet interruptif de prescription de la finalité effective de l’acte tendant à la recherche à la constatation ou la sanction des faits (Com., 6 novembre 2007, n° 06-16.194, contra, en droit de l’Union : TPICE, 19 mars 2003, aff. T-213/00).
L’interruption produit un effet erga omnes à l’égard de toutes les entreprises concernées (Com., 6 mars 2007, n° 06-13501) et pour l’ensemble des faits dénoncés dès lors que ceux-ci présentent entre eux un lien de connexité (Com., 11 janvier 2017, 15-17.134). A l’inverse la suspension et la prescription opèrent inter partes, la CJUE ayant notamment refusé d’étendre à la société-mère le bénéfice de la prescription acquise par ses filiales (CJUE, 27 avril 2017, aff. C‑516/15 ; v. ég. pour un refus d’extension de l’effet suspensif d’un recours : CJUE, 20 mars 2011, aff. jtes C-201/09 P et C-216/09 P).
En matière d’action consécutive en dommages-intérêts, l’article L. 482-1 du Code de commerce issu de l’Ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 fait désormais par principe courir la prescription du jour où la victime a cumulativement connaissance du fait constitutif d’une pratique anticoncurrentielle, du fait que cette pratique lui cause un dommage et de l’identité de l’un des auteurs de cette pratique, tout en précisant que la prescription ne court pas tant que la pratique anticoncurrentielle n’a pas cessé et qu’elle ne court pas davantage à l’égard des victimes du bénéficiaire d’une exonération totale de sanction pécuniaire en application d’une procédure de clémence tant qu’elles n’ont pas été en mesure d’agir à l’encontre des auteurs de la pratique anticoncurrentielle autres que ce bénéficiaire.
Il ressort de la jurisprudence fondée sur l’article 2224 du Code civil, applicable avant l’entrée en vigueur du texte nouveau, que le point de départ de la prescription se confond avec la date de la décision de l’Autorité de la concurrence lorsqu’il n’est pas établi que la connaissance des pratiques concurrentielles par la victime était suffisamment précise précédemment pour lui permettre de déterminer si un préjudice lui avait bien été causé et par quels opérateurs (Com., 27 janvier 2021, 18-16.279, et devant le juge administratif : CE, 22 novembre 2019, n° 418645, SNCF Mobilités ; v. cependant, pour une hypothèse où, au regard des données de l’espèce, la connaissance de la victime a été estimée acquise avant le prononcé de la décision de l’Autorité de la concurrence : Trib. com. Paris, 1ère ch., 1er octobre 2019, n° 2017053369, CNAMTS c/ Sanofi).
La prescription de l’action consécutive en dommages-intérêts est également désormais interrompue par tout acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction de pratiques anticoncurrentielles par l’Autorité de la concurrence, une autorité nationale de concurrence d’un autre Etat membre de l’Union européenne ou la Commission européenne (art. L. 462-7 c. com., al. 4).