Antérieurement à l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées, certaines pratiques discriminatoires ont été regardées comme caractéristiques de pratiques restrictives de concurrence. Dans ce sens, il ressort d’une réponse ministérielle rendue au cours de l’année 2015 que le fait, pour un vendeur, de renoncer à réclamer le paiement de pénalités de retard peut engager sa responsabilité civile pour pratique discriminatoire sur le fondement de l’ancien article L. 442-6 du Code de commerce dès lors qu’il est démontré que cette renonciation, effectuée sans contrepartie, a entraîné un préjudice indemnisable pour un concurrent de l’acheteur (Rép. min. n° 18436 ; JOAN Q, 4 déc. 1995, p. 515). S’agissant des obligations inhérentes à la facturation, il ressort, à l’opposé, d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 février 2005 que le fait que les mentions apposées sur une facture de coopération ou de participation publicitaire soient insuffisantes au regard de l’obligation de facturation détaillée, édictée par l’article L. 441-9 du Code de commerce, n’est pas à lui seul de nature à établir ou à faire présumer l’existence d’une pratique discriminatoire (Cass. Com., 8 févr. 2005, n° 02-12.855). Une pratique discriminatoire peut par ailleurs, à suivre l’Autorité de la concurrence, être restrictive de concurrence lorsqu’elle a pour objet ou pour effet d’évincer un concurrent du marché, ou encore, lorsque des clients de l’entreprise en position dominante se voient désavantagés dans la concurrence sur leur propre marché (Aut. conc., 27 janv. 2009, déc. n° 09-D-04 – Aut. conc., 30 juin 2010, déc. n° 10-MC-01). Si ses conséquences vont au-delà, impactent négativement le marché, portent atteinte à la concurrence, la pratique discriminatoire peut devenir une pratique anticoncurrentielle.
L’appréhension de la pratique discriminatoire comme abus de position dominante n’est pas toujours aisée. Par ailleurs, elle pourrait, dans une certaine mesure, être regardée comme étant en contradiction avec la liberté contractuelle, qui passerait alors au second plan par rapport à la protection du marché. A suivre la jurisprudence de l’Autorité de la concurrence, la discrimination constitutive, qui réside dans des différences de traitement injustifiées, peut soit consister à renforcer de manière artificielle l’entreprise qui la met en œuvre dans la compétition qu’elle livre sur le marché dominé ou sur un autre marché, soit porter atteinte au jeu concurrentiel sans que l’entreprise qui la met en œuvre ne soit directement partie prenante sur le marché affecté (Aut. conc., 28 févr. 2013, déc. n° 13-D-07 ; Contrat, conc., consomm. 2013, comm. n° 91, obs. M. Chagny).
Il importe, pour qu’une pratique discriminatoire soit qualifiable d’abus de position dominante, qu’elle soit à l’origine d’un désavantage dans la concurrence, au sens notamment de l’article 102 du TFUE, qu’elle soit susceptible d’avoir pour effet une distorsion de la concurrence entre l’auteur de la pratique et ses partenaires commerciaux (CJUE, 19 avr. 2018, aff. n° C-525/16 ; RTD eur. 2018, p. 812, obs. L. Idot). La position de l’Autorité de la concurrence est de la même veine. Cette dernière a ainsi considéré, dans une décision en date du 25 juillet 2017, que la promotion croisée des programmes d’une chaine de télévision sur l’antenne d’une autre ne constitue pas un abus de position dominante dès lors, d’une part, que cette pratique consiste, pour une chaîne, à annoncer la diffusion d’un programme d’une autre chaîne par un message à caractère purement informatif, d’autre part, que la pratique litigieuse n’est pas discriminatoire dans la mesure où les deux chaines sont contrôlées par le même groupe audiovisuel et qu’elle n’est pas de nature à évincer la concurrence sur le marché de la publicité télévisuelle (Aut. conc., 25 juill. 2017, déc. n° 17-D-11).
L’appréhension de la discrimination comme caractéristique d’un abus de position dominante s’est montrée à l’origine de difficultés s’agissant de la pratique, qui concerne principalement le secteur du numérique, dite de l’auto-préférence. S’agissant de cette dernière pratique, il ressort d’un arrêt rendu par le Tribunal de l’Union européenne le 10 novembre 2021 que sont interdites les pratiques ayant pour base une discrimination interne opérée entre le propre service de comparaison de produits de l’entreprise mise en cause et les services de comparaison de produits concurrents, par le biais d’un effet de levier à partir d’un marché dominé, caractérisé par de fortes barrières à l’entrée, à savoir le marché des services de recherche générale (Trib. UE, 10 nov. 2021, aff. T.-612/17).