Une firme dispose d’un certain pouvoir de marché si elle peut influencer le prix de son produit. Par « influencer », l’on entend que la firme réalise qu’elle ne peut augmenter ses ventes que si elle consent à baisser le prix de son produit. Cela contraste avec la situation d’une firme opérant dans un environnement parfaitement concurrentiel qui suppose qu’elle peut vendre n’importe quel volume au prix dicté par le marché. En termes plus techniques a un pouvoir de marché si la demande résiduelle à laquelle elle fait face à une pente négative.
Les autorités de la concurrence se soucient du pouvoir de marché parce qu’il peut influencer le niveau des prix par rapport aux coûts de production et peut donc affecter le bien être des consommateurs. Cette association entre pouvoir de marché et niveau des prix est claire lorsque la firme se doit d’offrir le même prix à tous ses clients potentiels. Cela crée un dilemme pour la firme : diminuer son prix augmente le nombre d’unités vendues mais diminue le profit réalisé sur chacune de ces unités. Donc, si la firme baisse son prix suffisamment pour vendre une unité supplémentaire, elle obtient un revenu supplémentaire égal au prix reçu pour la nouvelle unité moins la perte de revenus sur toutes les autres unités qui auraient pu se vendre à un prix (légèrement) supérieur. Donc, quand la firme choisit un prix unique son revenu marginal (revenu « additionnel) est inférieur au prix unitaire. Plus la firme doit baisser son prix pour vendre une unité supplémentaire, moins la perspective d’une baisse de prix est attrayante. Donc une firme qui fait face à une demande qui est moins sensible au prix (moins « élastique ») choisira un prix plus élevé : elle a davantage de pouvoir de marché qu’une firme confrontée à une demande plus élastique. D’une manière similaire, pour une sensibilité au prix donnée, une firme qui vend plus est moins tentée par une baisse de prix afin de vendre encore plus car cette baisse de prix est répercutée sur un plus grand nombre d’unités qui auraient pu être vendues à une prix supérieur. C’est la raison pour laquelle une part de marché élevée peut être considérée comme une indication que la firme jouit d’ un pouvoir de marché important.
Il y a un lien étroit entre la notion de pouvoir de marché, la définition de marchés pertinents et l’évaluation de fusions horizontales. L’ élasticité de la demande pour le produit de la firme dépend bien sûr des préférences des consommateurs, mais elle dépend aussi de l’intensité de la concurrence. Plus la concurrence à laquelle la firme fait face est intense, plus la demande pour son produit est sensible au prix, plus faible est son pouvoir de marché. Dans cette optique la logique SSNIP pour définir une marché pertinent consiste à « neutraliser » l’effet concurrentiel de substituts proches jusqu’au point ou le monopoliste notionnel ainsi déterminé est confronté à une demande suffisamment inélastique, c’est à dire a suffisamment de pouvoir de marché, pour choisir un prix supérieur d’au moins 5% au prix concurrentiel.
Le pouvoir de marché peut aussi être exercé du côté de la demande par des acheteurs dont le comportement est capable d’influencer le prix. Dans ce cas, le pouvoir de marché se traduit par un prix inférieur pour le produit en cause.
La logique du pouvoir de marché sous-tend également l’analyse des fusions horizontales. Les taux de diversion, entre les parties sont essentiels pour l’évaluation de telles transactions. Le taux de diversion entre deux parties, A et B est la proportion des ventes que A perd suite à une augmentation de son prix qui est « récupérée » par B. Plus la concurrence entre A et B est intense, plus cette proportion est élevée. La fusion élimine cette « fuite » de ventes puisqu’elles sont récupérées par une autre partie de la même compagnie. Donc l’élasticité de la demande considérée par A baisse : le pouvoir de marché et le prix augmentent.
Pour conclure, notons que si une bonne compréhension du concept de pouvoir de marché et de ses conséquences est importante il est aussi nécessaire de connaître quelles sont les sources ultimes de ce pouvoir de marché. Les sources principales sont les facteurs qui différencient les produits vendus par chaque firme (différentes caractéristiques, différentes qualités ou différences d’information à propos des consommateurs) et les facteurs qui empêchent le plein exercice de la concurrence (limite de capacités ou barrières réglementaires).