Le comportement de plusieurs opérateurs peut s’apparenter à celui d’une seule entreprise dominante et s’il s’avère qu’ils sont collectivement dominants, ce comportement pourrait tomber sous le coup de l’interdiction de l’abus de position dominante. La notion de position dominante collective au sens de l’article 102 TFUE a été acceptée pour la première fois par le Tribunal dans l’affaire Italian Flat Glass (TPICE, 10 mars 1992, aff. jtes T-68/89, T-77/89 et T-78/89). Dans l’affaire Compagnie maritime belge transports (CJCE, 16 mars 2000, aff. jtes C-395/96 P et C-396/96 P, pt 45), la Cour de justice a déclaré que la position dominante collective est une position « peut être détenue par deux ou plusieurs entités économiques, juridiquement indépendantes l’une de l’autre, à condition que, du point de vue économique, elles se présentent ou agissent ensemble sur un marché spécifique, comme une entité collective ».
La position dominante collective est également un concept connu dans les affaires de concentration. L’affaire de référence est Airtours (TPICE, 6 juin 2002, aff. T-342/99, pt 62), dans laquelle le Tribunal a établi un test à trois volets pour conclure à une position dominante collective. Premièrement, chaque opérateur doit avoir la capacité de surveiller le comportement des autres pour savoir s’ils adoptent une politique commune. Cela signifie qu’il doit y avoir un certain niveau de transparence. Deuxièmement, la situation de collusion tacite doit être durable dans le temps. Troisièmement, la réaction des concurrents réels ou potentiels (pression concurrentielle compensatrice) et des consommateurs (puissance d’achat compensatrice) ne doit pas compromettre les résultats de la politique commune. La Cour de justice a confirmé le test Airtours dans l’affaire Impala II (CJCE, 10 juillet 2008, aff. C-413/06 P, pt 251) et a estimé que les trois critères Airtours peuvent également être établis de manière indirecte.
Airtours a confirmé la position dominante collective dans le cadre du contrôle des concentrations. Laurent Piau (TPICE, 26 janvier 2005, aff. T-193/02, pts 109-111) a précisé que l’évaluation de la position dominante collective au titre de l’article 102 TFUE et du contrôle des concentrations devait être fondée sur les mêmes principes. Si la dominance collective est prouvée, chaque entreprise individuelle est en principe soumise à la responsabilité particulière des entreprises dominantes en vertu de l’article 102 TFUE. Une entreprise collectivement dominante peut commettre un abus même si elle n’agit pas conjointement avec les autres, mais le Tribunal a jugé dans l’affaire Irish Sugar (TPICE, 7 octobre 1999, aff. T-228/97, pt 66) que le comportement doit être « l’une des manifestations de la détention d’une telle position dominante collective ».
Le droit national de la concurrence suit le droit européen de la concurrence et la position dominante collective n’y échappe pas. Au niveau national, la plupart des affaires concernant la position dominante collective surviennent dans le contexte du contrôle des concentrations plutôt que dans celui de l’abus de position dominante. Il ressort de la jurisprudence nationale que certaines industries telles que les médias, les télécommunications, les banques et l’énergie sont plus susceptibles de créer des problèmes de position dominante collective que d’autres, bien que des allégations de position dominante collective puissent être formulées dans tout autre secteur. La jurisprudence nationale suit la norme juridique développée par Airtours, bien que le Competition Appeal Tribunal britannique ait déclaré dans Brannigan ([2007] CAT 23, pt 106) qu’il n’est pas toujours nécessaire de démontrer qu’il existe une transparence des prix sur le marché concerné. Dans l’affaire AEM/ASM Brescia (AGCM, 13 décembre 2007, aff. C8835), l’autorité italienne de la concurrence a considéré qu’après la fusion, les liens structurels entre le deuxième et le troisième plus grand fournisseur d’électricité pouvaient les inciter à coordonner leur comportement, indépendamment de la présence d’un leader sur le marché – ENEL. L’autorité de la concurrence n’a pas tenu compte des caractéristiques du marché et de la capacité des entreprises à surveiller, détecter et sanctionner les écarts par rapport au résultat collusoire.