Pour déterminer l’existence d’une position dominante sur le marché pertinent, différents critères, indices et facteurs d’ordre notamment économique peuvent être examinés. En effet, l’existence d’une position dominante résulte en général de la réunion de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants.
Au premier rang de ces facteurs figure la part de marché de l’entreprise en cause, qui permet d’apprécier la situation dans laquelle cette entreprise se trouve vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante. En effet, la possession d’une part de marché extrêmement importante met l’entreprise qui la détient pendant une certaine durée, par le volume de production et d’offre qu’elle représente, dans une situation de force qui fait d’elle un partenaire obligatoire et qui, déjà de ce fait, lui assure, tout au moins pendant des périodes relativement longues, l’indépendance de comportement caractéristique de la position dominante (Trib. UE, 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries c/ Commission, aff. T-66/01).
En pratique, il a déjà été jugé qu’une part de marché inférieure à 10 % excluait l’existence d’une position dominante (CJCE, 22 octobre 1986, Metro c/ Commission, aff. 75/84), alors qu’une part de marché supérieure ou égale à 50 % constituait, par elle-même et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante (CJCE, 3 juillet 1991, AKZO c/ Commission, aff. C-62/86). Dans ce prolongement, il a également été jugé qu’une part de marché de 70 à 80 % constituait un indice clair de l’existence d’une position dominante (TPICE, 12 décembre 1991, Hilti c/ Commission, aff. T-30/89).
De son côté, la Commission européenne a fait savoir, dans sa communication intitulée « Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article [102 TFUE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes », qu’elle considérait que des parts de marché modestes étaient généralement un bon indicateur de l’absence d’un fort pouvoir de marché, et que si la part de marché de l’entreprise en cause représentait moins de 40 % du marché pertinent, il était peu probable qu’elle s’y trouve en position dominante.
Pour évaluer l’importance de la part de marché de l’entreprise dominante, il convient toutefois de tenir compte des parts de marché respectives de ses différents concurrents. En effet, la valeur absolue de cette part de marché n’est parfois qu’un indicateur abstrait, et ce n’est que si la disproportion entre la part de marché de l’entreprise en cause et les parts de marché de ses concurrents est importante que l’on peut présumer l’existence d’une position dominante. Ainsi, il n’est pas totalement exclu qu’une entreprise qui détiendrait une part de marché de 30 % puisse se trouver en situation de position dominante face à une multitude de concurrents dont les parts de marché respectives seraient extrêmement faibles, alors que tel ne serait probablement pas le cas si cette même entreprise devait uniquement faire face à trois concurrents principaux dont les parts de marché respectives s’élèveraient à plus de 20 %.
Parmi les autres facteurs qui peuvent être pris en compte pour déterminer la position d’une entreprise sur le marché pertinent, on retrouve un ensemble de facteurs pouvant schématiquement s’analyser comme des avantages structurels, tels que, par exemple, l’importance des droits de propriété intellectuelle détenus, l’importance des autres droits de nature réglementaire, les barrières à l’entrée du marché pertinent, les avantages liés à la position de premier entrant, les investissements de recherche et développement, l’évolution de la structure du marché ou encore les ressources financières de l’entreprise en cause.