La notion en droit de l’Union européenne
La notion de « politique de concurrence » n’apparaît pas dans le traité sur l’Union européenne ou dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Elle apparaît toutefois dans le premier considérant du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence : « Le règlement n° 17 […] a permis de développer une politique communautaire de la concurrence qui a contribué à la diffusion d’une culture de la concurrence dans la Communauté. »
Et les règles de concurrence du TFUE figurent dans le titre VII de la troisième partie du TFUE sur « Les politiques et actions internes de l’Union ».
Le TFUE fait référence à la « concurrence » et aux règles de concurrence. Par exemple :
– article 3, paragraphe 1 b) : « L’Union dispose d’une compétence exclusive dans les domaines suivants : b) l’établissement des règles de concurrence » ;
– titre VII de la troisième partie : « Les règles communes sur la concurrence » ;
– chapitre 1 du titre VII de la troisième partie : « Les règles de concurrence » ;
– article 101, paragraphe 1 : « le jeu de la concurrence » ;
– article 101, paragraphe 3 : « éliminer la concurrence » ;
– article 107 (aides d’État) : « fausser la concurrence » ;
– article 119, paragraphe 1 (article introductif du titre VIII sur la politique économique et monétaire) : « économie de marché ouverte où la concurrence est libre » (repris dans les art. 120 et 127, para. 1, sur les différents volets de ces politiques).
D’autres dispositions ne mentionnent pas la notion de politique de concurrence ou de concurrence, mais se réfèrent aux articles pertinents du TFUE. Par exemple :
– article 103 TFUE : règlements et directives de mise en œuvre ;
– article 104 TFUE : disposition transitoire ;
– article 105 TFUE : mise en œuvre en matière d’infractions et exemptions par catégorie ;
– Article 106 TFUE : entreprises publiques, entreprises bénéficiant de droits spéciaux ou exclusifs et entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère de monopole fiscal.
Certaines dispositions ne font pas référence à la notion de concurrence et ne se réfèrent pas aux règles de concurrence du TFUE, mais visent à avoir un impact sur la façon dont les règles de concurrence doivent être mises en œuvre. Ceci est notamment le cas pour l’article 14 TFUE au sujet des services d’intérêt économique général.
Le Protocole 27 sur le marché intérieur et la concurrence dispose que « le marché intérieur tel qu’il est défini à l’article 3 du traité sur l’Union européenne comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée ».
Les règles de concurrence du droit de l’Union sont ainsi conçues comme contribuant à la réalisation et au bon fonctionnement du marché intérieur. Le droit de concurrence national utilise parfois la notion de politique de concurrence sans la définir. L’article IV.19, §1, 2° du Code de droit économique belge (CDE) dispose par exemple que le président contribue « à la préparation et l’évaluation de la politique de concurrence en Belgique ».
Cette conception de la nature d’une politique de concurrence dans le cadre juridique de l’Union est confirmée par la jurisprudence de la Cour de justice. La Cour tend à confirmer la marge d’appréciation de la Commission pour le développement de sa politique sans privilégier une école doctrinale ou tendance idéologique plutôt qu’une autre. La Cour ne s’est par exemple pas prononcée sur une hiérarchie entre les considérations à prendre en compte conformément à l’article 9 TFUE. Et elle n’a pas confirmé un accent exclusif sur l’objectif du bien-être du consommateur tel qu’interprété dans la doctrine économique. Dans son arrêt du 6 octobre 2009 (GlaxoSmithKline, aff. C-501/06 P, pt 63) elle a décidé que « l’article 81 CE [maintenant 101 TFUE] vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle ».
Comme il est toujours dangereux pour la légitimité d’une institution avec les ambitions de l’Union d’être identifiée avec une tendance politique ou idéologique, le fait que les traités contiennent un mélange pas toujours bien articulé entre des dispositions de droit institutionnel, substantiel et procédural, présente un défi spécifique à la Cour quand elle est appelée à définir les contours des compétences de la Commission pour la mise en œuvre des règles de concurrence. Sa jurisprudence précitée aide à clarifier la distinction entre le cadre imposé par les Traités, et ce qui doit être considéré comme des décisions de politique de concurrence prises par la Commission dans les limites de ses compétences attribuées.
L’Union a progressivement développé un ordre juridique fondé sur des valeurs communes (art. 2 et 3 TUE) avec un marché intérieur caractérisé par les quatre libertés fondamentales (libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, figurant dans la partie du TFUE sur les politiques de l’Union), avec une libre concurrence favorisant une allocation efficace des ressources (art. 119, para. 1, 120 et 127, para. 1, TFUE) et « encadré » par les règles et décisions adoptées par les institutions dans le respect de leurs compétences attribuées (principe de subsidiarité ; art. 5 TUE) et les principes de proportionnalité (art. 5 TUE) et d’égalité de traitement (art. 2 TUE et divers articles du TFUE).
Les institutions de l’Union et des États membres compétents pour la mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union (art. 5 et 6 du règl. (CE) n° 1/2003) disposent ainsi d’une importante marge d’appréciation (v. p. ex. TPICE, 18 septembre 1992, Automec II, aff. T-24/90, au sujet de la prise en compte de plaintes ; CJUE, 29 juin 2010, Alrosa, aff. C-441/07 P, au sujet de l’appréciation d’engagements). Mais il suit de la jurisprudence de la Cour que leurs actions doivent viser des opérateurs économiques (CJCE, 23 avril 1991, Höfner et Elser, aff. C-41/90) et le bon fonctionnement du marché, ainsi que satisfaire aux standards de preuve et de respect pour les règles procédurales.
Ces exigences procédurales peuvent toutefois mener à des décisions à dimension de droit substantiel. Ceci est par exemple le cas pour le standard de preuve pour la qualification de pratiques comme étant des infractions par objet (v. p. ex. CJUE, 11 septembre 2014, Groupement des cartes bancaires, aff. C-67/13 P).
La détermination des priorités d’une autorité, la décision d’ouvrir ou de ne pas prendre une affaire, le choix entre une approche inspirée par l’école ordolibérale, l’École de Chicago ou de Harvard, la décision de considérer que l’objectif principal ou exclusif est le bien-être des consommateurs ou le bien-être général, l’impact de considérations visant à favoriser un développement durable, la prise en compte de l’impact de concentrations sur le marché du travail, etc., sont des choix à effectuer par les institutions dans le cadre de leur politique de concurrence.