Phase II (concentration)

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

Les opérations de concentration soumises au contrôle de la Commission européenne ou de l’Autorité de la concurrence (ADLC) en France peuvent faire l’objet d’une « phase II », prévue par l’article 6(1)(c) du Règlement CE n°139/2004 dans le premier cas et l’article L.430-5 du code de commerce dans le second .

L’ouverture de cette phase d’examen approfondi intervient à l’issue d’une « phase I  » , (prolongeant éventuellement une prénotification au caractère facultatif), qui aura laissé subsister un « doute sérieux d’atteinte à la concurrence » (art. L.430-5 du code de commerce).

Cette ouverture procède d’une décision formelle de l’Autorité de la concurrence (art L.430- 5), éventuellement à l’invitation du ministre de l’économie (article L.430-7-1), même si – comme rappelé dans les Lignes Directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations – elle n’est pas tenue d’y accéder eu égard à son statut d’autorité administrative indépendante.

Les services d’instruction cherchent à déterminer si l’opération considérée est de nature à porter atteinte à la concurrence (art. L.430-6 du code de commerce), par exemple en étant susceptible de déboucher sur une position dominante ou de la renforcer. Ils doivent également évaluer si « l’opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence ».

La phase II affecte la procédure qui est allongée de 65 jours ouvrés (art. L430-7 ; art. 10 du Règlement). Surtout, elle est dès lors régie par les articles L.463-2, 2 e alinéa, L.463-4, L.463-6 et L.463-7 et est contradictoire. En pratique, elle donne lieu à un rapport (para. 311), transmis à la Partie notifiante, au Collège de l’Autorité, aux ministres intéressés et au Commissaire du Gouvernement (DGCCRF) qui peuvent y répondre dans un délai court de quinze jours ouvrés (art. L430-6 et para 312 LD). Elle implique un examen de l’opération par le Collège de l’ADLC, donnant lieu à une séance, lors de laquelle la Partie notifiante ainsi que les services d’instruction prennent la parole pour défendre leur position. Des tiers peuvent également être auditionnés, hors de la présence des Parties. Le cas échéant, des autorités de régulation sectorielles peuvent être interrogées au cours de l‘instruction (et dans le cas de celles citées à l’article R.463-9 du code de commerce, dont l’ARCOM et de l’ACPR, doivent l’être), sans que leur avis, joint au dossier, ne lie l’ADLC.

Les issues possibles de la phase II, qui interviennent après le délibéré du Collège, sont plus nombreuses que la phase I : de l’autorisation, éventuellement placée sous réserve d’engagements, voire assortie d’injonctions (ce que ne peut faire la Commission, voir art. 8 du Règlement), jusqu’à l’interdiction (voir, pour la première occurrence, la décision n°20- DCC-116 du 20 août 2020).

Le ministre de l’économie dispose par ailleurs d’un pouvoir dit « d’évocation » qui peut l’amener à « statuer sur l’opération en cause pour des motifs d’intérêt général autres que le maintien de la concurrence » (art. L430-7-1-II)

 

Pour aller plus loin

La phase II, plus qu’une simple extension de la phase I, constitue un examen approfondi qui est appelé à durer. La Partie notifiante doit donc se préparer à des échanges intenses, soutenus par des arguments robustes et s’inscrire dans une stratégie d’argumentation solide : l’ouverture d’une phase II par l’ADLC doit être comprise comme un indice de sa volonté d’instruire de façon exhaustive.

La configuration procédurale de la phase II contribue par ailleurs à modifier la relation avec les services d’instruction. Si ceux-ci restent les interlocuteurs privilégiés de la Partie notifiante jusqu’à la séance et ceux qui introduisent le cas auprès du Collège, c’est ce dernier qui est décisionnaire, dans toute son indépendance – et non plus le seul Président. La phase II introduit donc une collégialité de la décision de contrôle des concentrations. Elle peut, à ce titre, contribuer à ouvrir des opportunités de conviction pour la Partie notifiante, tout au long des échanges et du travail d’analyse avec l’équipe de rapporteurs, qui constitue même un travail « épuisant et exhaustif » (Whish 2015), mais aussi au moment des démonstrations devant le Collège – et d’autant plus en réalité que l’ouverture d’une phase II doit être anticipée dès avant que ne s’engage la phase I, dans les discussions de prénotification.

Les Lignes Directrices (para. 298) proposent plusieurs illustrations de ce que peut être un « doute sérieux d’atteinte à la concurrence » : les cas où « la pratique décisionnelle n’est pas suffisamment établie » ou que « des évolutions importantes et récentes sur les marchés concernés sont susceptibles de justifier une modification significative de la pratique » ; ceux qui présentent des « enjeux particulièrement complexes » qui ne peuvent être suffisamment analysés dans le cadre de la phase I (« par exemple en ce qui concerne la définition des marchés pertinents ») ; ou lorsque la Partie notifiante n’a pas proposé d’engagements suffisants – ni suffisamment pertinents. Autrement dit, c’est une phase incontournable pour que l’ADLC fasse évoluer, par exemple, une définition de marché comme elle l’a fait dans sa décision n°16-DCC-111 du 27 juillet 2016 (Fnac/Darty), par laquelle « pour la première fois, l’Autorité a défini un marché incluant les canaux de distribution en ligne et en magasins » (Communiqué de presse du 18 juillet 2016).

 

Bibliographie

Lignes Directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations.

[Règlement (CE) 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.

Richard Whish, Competition law, Oxford University Press, 8 th edition, 2015

Auteurs

Citation

Erwan Le Noan, Patrice Geoffron, Phase II (concentration), Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 86563

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

En pratique, les « phases 2 » sont engagées dans des cas plus restreints. Comme en phase 1, l’Autorité peut recevoir des engagements proposés par les parties. L’examen approfondi donne lieu à un rapport adressé aux parties notifiantes et au commissaire du Gouvernement qui peuvent produire leurs observations. L’opération fait l’objet d’une séance devant le collège de l’Autorité. Au terme de cette procédure contradictoire, l’Autorité peut autoriser l’opération en la subordonnant éventuellement à la réalisation d’engagements pris par les parties ou d’injonctions et prescriptions imposées aux parties, ou l’interdire. Une fois la décision de l’Autorité rendue, le ministre peut évoquer l’affaire et statuer sur l’opération en cause pour des motifs d’intérêt général autres que le maintien de la concurrence et, le cas échéant, compensant l’atteinte portée à cette dernière par l’opération. © Autorité de la concurrence

Voir également Phase I (concentration)

 
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