Principe d’effectivité

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

Le principe revêt deux acceptions : économico-juridique et strictement juridique. Le premier point de vue se rapporte à la nature recherchée du marché par les régulateurs dont les décisions se réfèrent à la concurrence effective. Le second point de vue est ancré dans les procédures qui doivent être organisées de manière à maximiser l’application des règles au service du marché : mise en œuvre effective du droit de la concurrence.

 

Pour aller plus loin

Première figure du principe d’effectivité : un objectif

À peu de chose près, la même formule revient de manière constante, quand il s’agit de stigmatiser une pratique contraire à la loi de l’offre et la demande : « [F]aire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des consommateurs. » Au nom du principe d’effectivité, tout comportement qui empêche la concurrence fondée sur les mérites est condamnable. Promouvoir et protéger une concurrence effective sur les marchés, en produisant des résultats efficients au bénéfice des consommateurs : tel est le credo des autorités de concurrence. Toute entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective expose aux fourches caudines du droit qu’elles mettent en œuvre. Le législateur formate ainsi leur rôle, comme l’atteste, entre autres exemples, l’article 2, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 139/2004 : « Les concentrations qui n’entraveraient pas de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées compatibles avec le marché commun. »

La quête de l’effectivité se manifeste dès le 21 février 1973. Dans l’arrêt de la CJCE Europemballage Corporation et Continental Can Company Inc. contre Commission des Communautés européennes, le juge exprime sans détour que l’article 102 TFUE ne vise pas seulement les pratiques susceptibles de causer un préjudice immédiat aux consommateurs, mais également celles qui leur causent préjudice en portant atteinte à une structure de concurrence effective, en écho de feu l’article 3 f) du traité CEE. Dominer le marché par une pratique, qui substitue exagérément la loi de l’entreprise ou des entreprises, à celle naturelle de l’offre et de la demande est considéré comme privant d’effectivité cette dernière. En d’autres termes, transgresser les lois du marché se caractérise, lorsqu’est portée atteinte au caractère réel et concret de la concurrence. L’autorité de concurrence avec le principe d’effectivité se donne pour cap la concurrence maximale, mais pas totale. L’optimisation de la concurrence peut donc admettre des entraves à la liberté économique, qui ne sont pas assimilables à des altérations de la concurrence, car l’effectivité de cette dernière en dépend.

Seconde figure du principe d’effectivité : garantir des procédures, (i) ne rendant pas excessivement difficile, voire impossible, le respect des règles de concurrence ; (ii) stimulant le plein effet de ces dernières

Le principe d’effectivité, ou de protection juridictionnelle effective, oblige les États membres à garantir que les voies de recours et les règles de procédure ne rendant pas excessivement difficile, voire impossible, l’exercice des droits conférés aux personnes par l’ordre juridique de l’UE. Spécifiquement dans le domaine du droit de la concurrence, ils doivent veiller à ce que les règles qu’ils établissent ou appliquent ne portent pas atteinte notamment à l’application effective des articles 101 et 102 TFUE. L’article 19, paragraphe 1, TUE dispose que « [l]es États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union ». Ainsi libellé, il se manifeste spécifiquement en faveur de la mise en œuvre des règles de concurrence. Elles sont appliquées par les Etats, dans le respect de leur autonomie procédurale, dans des limites fixées au nom du principe d’effectivité. Les règles nationales ne doivent pas porter atteinte à l’intégrité du droit européen de la concurrence. Sans qu’il soit nécessaire de les harmoniser, les différences entre ces dernières ne doivent pas nuire à l’application unitaire de ce dernier. Les procédures nationales sont en particulier soumises à la condition de permettre l’exécution immédiate et effective des décisions de l’Union portant mise en œuvre du droit de la concurrence. Le principe d’effectivité fait converger les droits nationaux sans les harmoniser, en pourfendant les déviances qui nuisent à l’unité du droit de la concurrence européen.

Au nom de la mise en œuvre effective du droit de la concurrence dans l’Union européenne, la législation de cette dernière exerce son emprise jusqu’aux procédures civiles dans les Etats. C’est ainsi qu’elle postule en faveur des personnes physiques ou morales la possibilité d’invoquer des violations du droit de la concurrence à l’appui de réparation d’un préjudice subi ou d’un manque à gagner. De la sorte le private enforcement s’est imposé. Le livre vert de la Commission Européenne publié le 19 décembre 2005 avait, dans cette perspective, scénarisé différentes mesures de nature à faciliter les actions en réparation, dans l’optique non dissimulée de renforcer l’effectivité de la mise en œuvre du droit de la concurrence. L’article 4 de la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne résume cet état des choses : « Conformément au principe d’effectivité, les États membres veillent à ce que toutes les règles et procédures nationales ayant trait à l’exercice du droit de demander des dommages et intérêts soient conçues et appliquées de manière à ne pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit, conféré par l’Union, à réparation intégrale du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence. »

En somme, le principe d’effectivité conduit soit à la censure des procédures ne garantissant pas l’intégrité du droit de la concurrence, soit à la légitimation les législations européennes destinées à donner plein effet à ce dernier.

 

Bibliographie

Comm. CE, Livre vert, « Actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante », COM(2005) 0672 final, 19 décembre 2005

Directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, JOUE n° L 11 du 14 janvier 2019, p. 3 (art. 1, 3, 4, 5, 13)

Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne, JOUE n° L 349 du 5 décembre 2014, p. 1 (art. 1 et 4)

Règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, JOUE n° L 248 du 24 septembre 2015, p. 9 (art. 16)

Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations »), JOUE n° L 24 du 29 janvier 2004, p. 1 (art. 2)

Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOCE n° L 1 du 4 janvier 2003, p. 1 (art. 35)

IDOT (L.), CANIVET (G.), BARBIER DE LA SERRE (E.), DON (H.), O’KEEFFE (S.), « TR II – Autonomie procédurale : Faut-il réinterpréter le principe pour assurer l’effectivité du droit de la concurrence ? (New Frontiers of Antitrust Conference – Paris, 10 février 2012) », Concurrences n° 2-2012, art. n° 45931

RIEM (F.), « Concurrence effective ou concurrence efficace ? L’ordre concurrentiel en trompe-l’œil », RIDE 2008/1, p. 67

RITLENG (D.), « L’effectivité du droit européen de la concurrence », Rev. UE 2015, p. 277

Auteur

  • University of Bordeaux

Citation

Loïc Grard, Principe d’effectivité, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 91819

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Le principe d’effectivité, ou de protection juridictionnelle effective, oblige les États membres à garantir que les voies de recours et les règles de procédure ne rendent pas excessivement difficile, voire impossible, l’exercice des recours fondés sur le droit de l’UE. La limitation de l’accès des tiers aux dossiers des procédures judiciaires d’ententes soulève également le problème de la protection juridictionnelle effective des actions fondées sur le droit de l’UE. L’article 19, paragraphe 1, TUE dispose que « [l]es États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union ». Cela exige, à son tour, d’examiner le droit d’accès à la justice tel qu’il est protégé par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et interprété à la lumière de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. © EUR Lex

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