Au sens du Droit de la concurrence, le « contrôle » d’une société correspond au pouvoir, de droit ou de fait, d’exercer une influence déterminante sur celle-ci.
En matière de contrôle des concentrations, une concentration est uniquement réputée réalisée lorsqu’une opération entraîne un changement durable du contrôle de l’entreprise concernée et, donc, de la structure du marché (CJUE, 7 septembre 2017). Le changement durable du contrôle, tel que défini par l’article 3 du Règlement n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, peut résulter d’une fusion, de l’acquisition du contrôle, direct ou indirect, ou de la création d’une entreprise commune de plein exercice.
La notion de contrôle est ainsi essentielle à la qualification d’une concentration. Elle est définie, tant en droit européen qu’en droit interne (à l’article L. 430-1-III du Code de commerce) comme la possibilité d’exercer durablement une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise (i.e., de disposer du pouvoir de contrôle sur les décisions stratégiques), sur la base de droits, contrats ou autres moyens. L’adoption du business plan et du budget, l’approbation d’investissements au-delà d’un certain montant et la nomination/révocation des principaux dirigeants d’une société constituent les décisions stratégiques les plus importantes à cet égard.
Le contrôle peut être exclusif ou bien conjoint.
Il est dit exclusif lorsqu’une personne exerce, seule ou conjointement, une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise. On distingue le contrôle exclusif positif (i.e., lorsqu’une personne détient seule le pouvoir de prendre les décisions stratégiques), du contrôle exclusif négatif (i.e., lorsque seule une personne est en mesure de bloquer les décisions stratégiques, sans, toutefois, être en mesure de les imposer seule) (Autorité, décision n°12-DCC-98). A noter qu’un passage d’un contrôle exclusif négatif à un contrôle exclusif positif (ou vice-versa) n’entraîne pas un changement de contrôle et ne constitue donc pas une concentration au sens des droit européen et français.
Un contrôle conjoint (ou en commun) est, lui, caractérisé lorsque au moins deux personnes ont la possibilité d’exercer une influence déterminante, à tout le moins en pouvant chacune bloquer l’adoption des décisions stratégiques. La forme la plus courante du contrôle conjoint exercé sur une entreprise est celle où deux actionnaires se partagent à égalité les droits de vote de ladite entreprise.
Il est à noter que l’acquisition d’un contrôle exclusif par toute personne alors que l’entreprise était auparavant contrôlée conjointement, dont par la même personne, constitue une concentration, puisqu’elle conduit à un changement de la nature du contrôle exercé sur l’entreprise (Autorité, décision n°19-DCC-239). Il en est de même dans l’autre sens (i.e., passage d’un contrôle exclusif à conjoint) (Autorité, décision n° 18-DCC-16).
En principe, la détention de la majorité des droits de vote d’une entreprise permet à l’actionnaire majoritaire de déterminer seul lesdites décisions stratégiques et lui confère, donc, un contrôle de plein droit en étant le seul à pouvoir exercer une influence déterminante sur ladite entreprise.
Toutefois, un actionnaire minoritaire disposant de droit particuliers excédant ce qui est normalement consenti à des actionnaires minoritaires afin de protéger leurs seuls intérêts financiers, notamment le pouvoir de, a minima, bloquer l’adoption des décisions stratégiques (à travers des droits de véto spécifiques), doit, également, être considéré comme contrôlant au sens du Droit de la concurrence (Autorité, décision n°11-DCC-10). Soit exclusivement, si aucune autre personne/actionnaire ne peut adopter seul(e) ou bloquer les décisions stratégiques, soit conjointement avec tout autre personne/actionnaire disposant du même pouvoir. D’autres éléments, telles que des relations contractuelles ou des relations financières avec l’entreprise, ajoutés aux droits détenus par un actionnaire minoritaire, peuvent également mener à établir un contrôle de fait. Ainsi, l’Autorité de la concurrence doit apprécier, in concreto, l’ensemble des circonstances de droit et de fait pertinentes, selon la technique du faisceau d’indices pour déterminer quelle(s) personne(s) contrôle(nt) une entreprise.
Par ailleurs, en matière antitrust, le droit européen et le droit interne de la concurrence font peser une présomption d’influence déterminante, et donc de contrôle, sur toute société mère détenant la totalité ou quasi-totalité du capital d’une filiale. Cette présomption permet d’imputer toute infraction aux règles de concurrence commise par ladite filiale à sa société mère (CJCE, Akzo Nobel / Commission).
Bien que réfragable en théorie, cette présomption se montre, en pratique, extrêmement difficile à renverser car il appartient à la société mère de rapporter la preuve d’un fait négatif en démontrant que, pendant la période d’infraction, sa filiale déterminait de façon pleinement autonome sa ligne d’action sur le marché, de sorte que les deux sociétés ne constituaient pas une unité économique (TPICE, Jungbunzlauer).