Que notifier ?
Toute opération de concentration dépassant certains seuils doit, préalablement à sa réalisation effective, (« closing »), être notifiée à la Commission européenne ou à l’ANC compétente. Les seuils définis dans le règlement UE n°139/2004 ne constituent pas un indice de la nocivité de l’opération de concentration mais constituent avant tout un critère de répartition des compétences entre la Commission européenne et les ANC. Seules les concentrations importantes dites de « dimension communautaire » relèvent de la compétence de la Commission.
Au niveau européen et en France, les seuils de contrôle sont exprimés uniquement en chiffre d’affaires des entreprises concernées. Les règles de calcul du chiffre d’affaires sont décrites dans le règlement n°139/2004 et la Communication juridictionnelle consolidée de la Commission (les textes français font expressément référence à ces textes européens). Certaines législations (en Europe et hors d’Europe) ont des seuils de notification exprimés en parts de marché, ou en valeur des actifs détenus par les entreprises, ou encore en valeur de la transaction.
Le système de notification préalable est intrinsèquement et naturellement associé aux systèmes de contrôle préalable et obligatoire des concentrations qui atteignent certains seuils. Toutefois, conformément à la nouvelle interprétation du mécanisme de renvoi prévu par l’article 22 du règlement 139/2004 , la Commission européenne peut désormais examiner ex-post, des opérations sous les seuils nationaux et européens mais qui prima facie, affectent de manière significative la concurrence sur le territoire du(des) État(s) membre(s) qui formule(nt) cette demande de renvoi. Ainsi, depuis 2021, le fait qu’une opération ne soit pas « notifiable » ne signifie plus qu’elle ne sera pas « contrôlée » par les autorités de concurrence, ce qui n’est pas sans soulever des questions pour la sécurité juridique des opérations.
Comment notifier ?
La concentration doit être notifiée avant sa réalisation. La notification peut intervenir dès lors que la ou les parties concernées sont en mesure de présenter un projet suffisamment abouti pour permettre l’instruction du dossier et notamment lorsqu’elles ont conclu un accord de principe, signé une lettre d’intention ou dès l’annonce d’une offre publique . Néanmoins, comme le recommandent la Commission et les ANC (et cela quel que soit le degré de la complexité de l’opération), les entreprises ont la possibilité d’entrer en contact informel avec la Commission afin de l’avertir du projet de concentration, quel que soit son degré d’avancement. Cette procédure de pré-notification ne fait pas courir les délais d’examen.
En cas de fusion ou de prise de contrôle en commun, l’opération doit être notifiée conjointement par les entreprises parties à l’opération de concentration . Dans les autres cas, la notification incombe à l’acquéreur.
Devant la Commission, le dossier de notification prend forme d’un Formulaire CO ou d’un Formulaire CO simplifié (dans lequel les informations à fournir sont allégées par rapport au Formulaire CO standard) lorsque la concentration remplit des conditions précisées par la communication de la Commission relative à une procédure simplifiée du traitement de certaines opérations de concentration . Devant l’Autorité de la concurrence française, les informations devant figurer dans le formulaire de notification sont prévues par le code de commerce . La notification contient souvent des informations confidentielles. Toutefois, la Commission et les ANC sont tenues de tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à la protection de leurs secret d’affaires.
Quelles sont les effets d’une notification ?
La notification suspend la réalisation de la concentration pendant toute la durée de l’examen par la Commission ou l’ANC, et jusqu’à ce qu’elle ait été déclarée compatible (obligation dite de « standstill »). La violation de l’obligation de standstill constitue une infraction (dite de « gun jumping »). Toutefois, le règlement prévoit la possibilité pour les parties, en parallèle de la procédure de notification ou en dehors, de demander une dérogation à l’effet suspensif pour les opérations qui nécessitent une reprise immédiate des actifs de la cible (par exemple, dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire ; v. déc. de la Commission du 25 juillet 2012, Sofiprotéol/Actifs Doux, aff. COMP/M.6696).
Quelles sont les sanctions en cas de défaut de notification ?
Le défaut de notification d’une concentration à la Commission ou à l’ANC compétente constitue également une infraction de gun jumping. La Commission peut ordonner aux parties de revenir au statu quo ante, voire prononcer des mesures conservatoires (v. art. 8, para. 4 et 5, du règl. (CE) no 139/2004). Récemment, la Commission et l’Autorité de la concurrence française ont respectivement sanctionné Canon (déc. du 27 juin 2019, Canon / Toshiba Medical Systems Corporation, aff. M.8179) et le groupe Castel (déc. no 13-D-22 du 20 décembre 2013) pour avoir manqué à l’obligation de notification. La sanction pour défaut de notification prend la forme d’une amende pouvant s’élever jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise.