Tout d’abord, une entente sur les prix, considérée comme une restriction de la concurrence par objet, est susceptible de tomber dans le champ d’application de l’article 101 TFUE, que l’accord soit, ou non, considéré comme un accord d’importance mineure (CJUE, 13 décembre 2012, Expédia, aff. C‑226/11).
Ensuite, l’entente sur les prix fait référence non pas uniquement à la fixation anticoncurrentielle de prix intrinsèques mais vise aussi tout accord qui, directement ou indirectement, porte atteinte à la concurrence par les prix, qu’elle soit mise en œuvre au niveau horizontal ou au niveau vertical.
Au niveau horizontal, une grande variété d’ententes de fixation de prix a été sanctionnée, telle que :
- le cartel classique de fixation de prix entre entreprises concurrentes ;
- la fixation en commun par des banques concurrentes des commissions et des taux d’intérêts (CJCE, 24 septembre 2009, Erste Group Bank, aff. jtes. C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P) ou de composantes des taux d’intérêts (Trib. UE, 24 septembre 2019, HSBC e.a., aff. T-105/17) ;
- la fixation en commun de pratiques de rabais ou de remises fidélisantes (CJCE, 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a., aff. 73-74) ou la décision commune de ne pas pratiquer de rabais ou remises (TPICE, 19 mars 2003, CMA CGM, aff. T-213/00) ;
- le simple échange d’information, même passif, de nature à réduire l’incertitude qui doit prévaloir sur le marché, est susceptible d’être qualifié d’entente anticoncurrentielle.
L’entente horizontale sur les prix est considérée comme l’une des violations les plus flagrantes au droit de la concurrence. Elle peut toutefois, en principe, faire l’objet d’une exemption s’il est démontré que l’accord permet d’atteindre des gains d’efficience en vertu de l’article 101, paragraphe 3, TFUE (Comm. CE, 24 juillet 2002, Visa International, aff. COMP/29.373). Une telle approche se distingue de l’analyse menée par les juridictions américaines à l’égard de ce type de pratiques lesquelles sont considérées, par la Cour suprême, comme des restrictions per se insusceptible de faire l’objet d’une justification (United States v. Socony-Vacuum Oil Co., Inc., 310 U.S. 150 (1940))
Au niveau vertical, une grande variété d’ententes de fixation de prix est également susceptible d’être sanctionnée, telle que :
- l’imposition directe par un fournisseur d’un prix minimal de revente de ses produits à son distributeur ;
- l’imposition indirecte par un fournisseur d’un prix minimum de vente à travers un accord :
o qui fixerait la marge du distributeur, o qui fixerait le niveau maximal des remises qu’un distributeur peut accorder, o qui subordonnerait l’octroi d’avantage tarifaire ou le remboursement de coûts promotionnels au respect d’un niveau de prix déterminé, o qui interdirait d’afficher les prix ou obligerait le distributeur à afficher les prix de vente au détail recommandés.
- l’imposition d’un prix minimum de vente à travers des comportements qui tendraient à faire appliquer lesdits prix de revente (menaces, des intimidations, avertissements, sanctions, des retards ou suspensions de livraison ou la résiliation de l’accord en cas de non-respect d’un niveau de prix donné).
En revanche, la communication par le fournisseur à l’acheteur d’une liste de prix conseillés ou de prix maximaux n’est pas considérée en soi comme conduisant à des prix de vente imposés, du moins lorsque la part de marché de chacune des parties à l’accord n’excède pas le seuil de 30% fixé par le règlement (UE) 2022/720.
L’entente verticale sur les prix est considérée comme une restriction caractérisée de concurrence dès lors qu’elles peuvent affaiblir de différentes manières la concurrence intramarque et/ou intermarque(pour des exemples concrets des effets restrictifs de concurrence communément rencontrés par ces accords, voir Lignes directrices sur les restrictions verticales 2022, §181). A l’instar de l’entente horizontale, l’entente verticale peut, en principe, faire l’objet d’une exemption au titre de l’article 101, paragraphe 3 (pour des exemples concrets des gains d’efficience générés par les prix de vente imposés, voir Lignes directrices sur les restrictions verticales 2022, pt 182). Une telle approche se distingue de l’analyse menée par les juridictions américaines à l’égard de ce type de pratiques sous l’impulsion de l’arrêt Leegin de la Cour Suprême, visant à appliquer la règle de raison aux accords de fixation de prix minimum de revente, impliquant de procéder à une balance des effets pro-concurrentiels et anti-concurrentiels de l’accord (Leegin Creative Leather Prod., Inc. v. PSKS, Inc. 551 U.S. 877 (2007)).
Enfin, la charge de la preuve et le degré de matérialité des preuves rapportées par les autorités de concurrence apparaît déterminante :
- en matière d’ententes horizontales, la Cour de justice fait peser une présomption réfragable en cas de collusion explicite donnant lieu à un ou plusieurs contacts entre deux entreprises (le fait que seul un des participants aux réunions litigieuses dévoile ses intentions ne suffit pas à exclure l’existence d’une entente – TPICE, 12 juillet 2001, Tate & Lyle, aff. jtes. T-202/98 T-204/98 et T-207/98, pt 54 ; pourvoi rejeté par la CJCE, 29 avril 2004, British Sugar, aff. C-359/01 P). En revanche, la simple constatation d’un parallélisme de comportement sur un marché ne suffit pas à caractériser l’existence d’une entente sur les prix ;
- en matière d’ententes verticales, la preuve de l’accord de volonté des parties peut être établie en se fondant sur des éléments de toute nature (preuves documentaires ou contractuelles, preuves comportementales).
Pour faciliter la détection des cartels de fixation de prix, les autorités de concurrence ont développé les programmes de clémence afin d’inciter les participants à une entente de dévoiler aux autorités de concurrence la pratique mise en œuvre.