Le droit de la concurrence soutient les objectifs de la réglementation sur les marchés publics. La pratique des autorités est donc relativement significative dans ce domaine. L’Autorité française de la concurrence a par exemple rendu le 3 mars 2022 une décision relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la collecte et de la gestion des déchets en Haute-Savoie (Décision n° 22-D- 08), où elle constate des échanges d’informations illicites entre des opérateurs économiques. Ceux-là s’accompagnaient de consignes de prix et étaient suivis de devis (ou offres) de couverture reprenant en tout ou partie les prix transmis. Selon une jurisprudence constante, ces pratiques de soumissions concertées (« bid-rigging ») sont d’une nocivité et d’une gravité particulières dans la mesure où elles faussent le jeu de la concurrence et trompent le pouvoir adjudicateur sur les procédures en cours ; l’intention ultime des membres de l’entente est de se répartir artificiellement les marchés publics, en instituant un mécanisme de tournus et en excluant d’autres concurrents.
Le droit des marchés publics intègre cette dimension dans la mesure où le pouvoir adjudicateur peut exclure un opérateur économique lorsqu’il dispose d’éléments suffisamment plausibles pour conclure à l’existence d’un accord anticoncurrentiel (art. 57 par. 4 let. d de la Directive 2014/24, ainsi qu’art. L4 et L2141-9 du Code français de la commande publique), un comportement que le consid. 101 de ladite directive qualifie de « faute professionnelle grave ». Dans son arrêt du 24 octobre 2018 dans l’affaire C-124/17 Vossloh Laeis GmbH c. Stadtwerke München GmbH, la CJUE a clairement affirmé que, dans le cadre des mesures destinées à rétablir la fiabilité d’un soumissionnaire exclu, « le pouvoir adjudicateur doit être en mesure de demander à un opérateur économique qui a été reconnu responsable d’une infraction au droit de la concurrence qu’il fournisse la décision de l’autorité de concurrence le concernant » (point 30 dudit arrêt). Cette conception, d’une part, lève un certain nombre d’obstacles liés à l’accès au dossier des autorités de la concurrence et à des objections liées à la protection des données et, d’autre part, facilite les procédures en réparation du préjudice causé par le comportement illicite.
En 2011 déjà, la Commission européenne a souligné dans son Livre vert sur la modernisation de la politique de l’UE en matière de marchés publics (COM[2011] 15 final) « l’objectif d’une cohérence maximale entre le droit des marchés publics et […] le contrôle des aides d’Etat » (p. 13). Elle requérait notamment une certaine prudence lors de la création de différents niveaux d’exigences procédurales (p. 20), rappelant en outre l’importance du lien avec l’objet du marché – un assouplissement de celui-là risquant « de séparer l’application des règles européennes de passation des marchés publics de celle des règles européennes en matière d’aides d’Etat » (p. 41). En 2022, le Tribunal a eu pour sa part l’occasion de faire le point sur des mécanismes de compensation intervenant par exemple à l’échéance de contrats d’utilité publique et leur éventuelle qualification en tant qu’aides d’Etat (arrêt du 7 septembre 2022 dans l’affaire T-642/19 JCDecaux Street Furniture Belgium).