Marché public

 

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Premier aperçu

Les marchés publics tendent à permettre à des entités publiques ou assimilées d’obtenir l’offre qui est économiquement la plus avantageuse pour la collectivité. Elles mettent face-à-face un pouvoir adjudicateur et des soumissionnaires dans une procédure formalisée et aboutissent généralement à une décision d’adjudication suivie de la conclusion d’un contrat. Cette dernière phase est mise en exergue dans les définitions légales et réglementaires. Ainsi, l’art. 2 par. 5 de la Directive 2014/24 sur la passation des marchés publics, du 26 février 2014 (JOUE 2014 L 94, p. 65), décrit les marchés publics comme « des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services ». Quant aux par. 6, 8 et 9 de cette même disposition, ils définissent respectivement les marchés publics de travaux, de fournitures et de services. Les législations nationales déclinent ensuite ces différentes composantes, à l’image des art. L-1110-1 ss du Code français de la commande publique.

Si la détermination de l’offre économiquement la plus avantageuse « devrait dans tous les cas comporter un élément en rapport avec le prix ou le coût », il n’en demeure pas moins que les Etats membres sont autorisés à interdire le recours au seul critère de prix ou de coût pour évaluer une telle offre (consid. 90 de la Directive 2014/24). Des effets sociaux et environnementaux durables entreront dès lors souvent en ligne de compte (p.ex. art. L3-1 du Code français de la commande publique), la bonne utilisation des deniers publics étant en outre accompagnée par la mise en œuvre des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination des soumissionnaires, de transparence des procédures d’adjudication, de concurrence effective et de lutte contre la corruption et la fraude.

Tout en les encadrant relativement strictement, la réglementation européenne propose une panoplie de procédures destinées à atteindre ces objectifs : la plus lourde est la procédure ouverte, où « tout opérateur économique intéressé peut soumettre une offre en réponse à un appel à la concurrence » (art. 27 par. 1 de la Directive 2014/24). Les autres permettent au pouvoir adjudicateur d’effectuer une « sélection qualitative » (procédure restreinte [art. 28 de la Directive 2014/24] et procédure concurrentielle avec négociation [art. 29 de la Directive 2014/24]) ou de conclure un partenariat d’innovation (art. 31 de la Directive 2014/24). Enfin, les plus légères en termes d’étapes procédurales consistent en un « dialogue compétitif », où les opérateurs économiques peuvent soumettre une demande de participation en réponse à un avis de marché (art. 30 de la Directive 2014/24), ou au recours à la procédure négociée sans publication préalable (art. 32 de la Directive 2014/24). L’utilisation de plateformes électroniques, y compris d’enchères ou d’instruments dynamiques pour les commandes récurrentes, soutiennent également les pouvoirs adjudicateurs et les candidats soumissionnaires dans ces efforts d’efficience.

Par nature, le texte conventionnel fondateur – l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les marchés publics, du 15 avril 1994, amendé le 30 mars 2012 (AMP 2012) – pose les principes régissant ce domaine. Il définit par exemple les deux grandes catégories de procédures que sont les appels d’offres ouverts (art. I:m AMP 2012) et sélectifs (art. I:q AMP 2012) ; de même, il fixe les conditions auxquelles l’on peut recourir à un appel d’offres limité (art. XIII). Alors que cet accord est entré en vigueur dans l’Union européenne et aux Etats-Unis le 6 avril 2014, ce texte n’a pris effet au Royaume-Uni ou en Suisse que le 1 er janvier 2021. Les intentions affichées de mise en concurrence des opérateurs économiques au niveau international n’ont pas empêché une certaine complexité sur le plan réglementaire : en droit européen, les Directives 2014/23 sur l’attribution des contrats de concession (JOUE 2014 L 94, p. 1) et 2014/25 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JOUE 2014 L 94, p. 243) s’ajoutent à la Directive 2014/24 ; les droits nationaux ne sont ensuite pas toujours facilement accessibles et trop souvent présentés en ordre dispersé, peu abordables pour les étrangers. Enfin, ceux-ci peuvent être découragés de participer à des marchés publics de petite ou moyenne taille pour des questions de langue, de culture, de standards ou d’usages locaux.

 

Pour aller plus loin

Le droit de la concurrence soutient les objectifs de la réglementation sur les marchés publics. La pratique des autorités est donc relativement significative dans ce domaine. L’Autorité française de la concurrence a par exemple rendu le 3 mars 2022 une décision relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la collecte et de la gestion des déchets en Haute-Savoie (Décision n° 22-D- 08), où elle constate des échanges d’informations illicites entre des opérateurs économiques. Ceux-là s’accompagnaient de consignes de prix et étaient suivis de devis (ou offres) de couverture reprenant en tout ou partie les prix transmis. Selon une jurisprudence constante, ces pratiques de soumissions concertées (« bid-rigging ») sont d’une nocivité et d’une gravité particulières dans la mesure où elles faussent le jeu de la concurrence et trompent le pouvoir adjudicateur sur les procédures en cours ; l’intention ultime des membres de l’entente est de se répartir artificiellement les marchés publics, en instituant un mécanisme de tournus et en excluant d’autres concurrents.

Le droit des marchés publics intègre cette dimension dans la mesure où le pouvoir adjudicateur peut exclure un opérateur économique lorsqu’il dispose d’éléments suffisamment plausibles pour conclure à l’existence d’un accord anticoncurrentiel (art. 57 par. 4 let. d de la Directive 2014/24, ainsi qu’art. L4 et L2141-9 du Code français de la commande publique), un comportement que le consid. 101 de ladite directive qualifie de « faute professionnelle grave ». Dans son arrêt du 24 octobre 2018 dans l’affaire C-124/17 Vossloh Laeis GmbH c. Stadtwerke München GmbH, la CJUE a clairement affirmé que, dans le cadre des mesures destinées à rétablir la fiabilité d’un soumissionnaire exclu, « le pouvoir adjudicateur doit être en mesure de demander à un opérateur économique qui a été reconnu responsable d’une infraction au droit de la concurrence qu’il fournisse la décision de l’autorité de concurrence le concernant » (point 30 dudit arrêt). Cette conception, d’une part, lève un certain nombre d’obstacles liés à l’accès au dossier des autorités de la concurrence et à des objections liées à la protection des données et, d’autre part, facilite les procédures en réparation du préjudice causé par le comportement illicite.

En 2011 déjà, la Commission européenne a souligné dans son Livre vert sur la modernisation de la politique de l’UE en matière de marchés publics (COM[2011] 15 final) « l’objectif d’une cohérence maximale entre le droit des marchés publics et […] le contrôle des aides d’Etat » (p. 13). Elle requérait notamment une certaine prudence lors de la création de différents niveaux d’exigences procédurales (p. 20), rappelant en outre l’importance du lien avec l’objet du marché – un assouplissement de celui-là risquant « de séparer l’application des règles européennes de passation des marchés publics de celle des règles européennes en matière d’aides d’Etat » (p. 41). En 2022, le Tribunal a eu pour sa part l’occasion de faire le point sur des mécanismes de compensation intervenant par exemple à l’échéance de contrats d’utilité publique et leur éventuelle qualification en tant qu’aides d’Etat (arrêt du 7 septembre 2022 dans l’affaire T-642/19 JCDecaux Street Furniture Belgium).

 

Bibliographie

Benchendikh F., Droit de la commande publique, Dalloz, 2019

Bridoux V., Droit de la commande publique et droit de la concurrence de l’Union européenne, Concurrences, 2021

de La Rosa S., Droit européen de la commande publique, 2 ème éd., Bruylant, 2020

OCDE, Lutte contre les soumissions concertées dans les marchés publics : Rapport sur l’mplémentation de la Recommandation de l’OCDE, 2016

Auteur

Citation

Christian Bovet, Marché public, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 88931

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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