La définition géographique du marché importe tant pour le contrôle des concentrations que pour la mise en œuvre du droit des pratiques anticoncurrentielles.
Une fois le marché pertinent défini, il est possible d’apprécier les parts de marché détenues par l’entreprise, ainsi que par ses partenaires et/ou concurrents le cas échéant, et d’étudier la faisabilité d’une opération donnée ou la licéité d’une pratique.
A cet égard, il faut noter que le marché pertinent peut correspondre à une zone géographique plus ou moins restreinte.
Pour donner quelques exemples, il faut relever, notamment, que le Tribunal de l’Union européenne a, dans la décision Aéroport de Paris, considéré que le marché des services de gestion des aéroports parisiens était limité à ces infrastructures (TPICE, 20 décembre 2000, Aéroports de Paris c/ Commission des communautés européennes, aff. T-128/98, §§ 140- 144).
De même, en raison de barrières linguistiques et culturelles, les marchés de la vente de livres par les éditeurs aux revendeurs font l’objet d’une définition supranationale en englobant les pays francophones de l’Union euorpéenne (Autorité de la concurrence, décision 21-DCC-70, § 36).
En revanche, le marché de la fabrication des processeurs pour ordinateurs est défini par la jurisprudence comme étant un marché de dimension mondiale (TUE, 12 juin 2014, Intel Corp. c/ Commission européenne, aff. T-286/09, § 24).
La question de la délimitation géographique du marché demeure essentielle, quand bien même l’économie se digitalise. L’essor d’internet n’emporte pas nécessairement une délimitation mondiale des marchés pertinents. Ainsi, la Commission européenne a reconnu, dans la décision autorisant la prise de contrôle par Facebook de Whatsapp, que le marché de la publicité en ligne et ses potentiels sous-segments doit être défini comme étant de dimension nationale ou, éventuellement, comme s’étendant sur différents pays parlant la même langue (Commission européenne, décision M7217 du 3 octobre 2014, § 83).
En ce qui concerne tout particulièrement le contrôle des concentrations, il faut s’intéresser en particulier au commerce de détail. Il existe, en effet, des règles spécifiques qui ont été adoptées pour ce secteur.
L’Autorité de la concurrence peut, sur le fondement de l’article L. 430-2, II du code de commerce, contrôler des opérations qui ne correspondent pas aux seuils habituels du contrôle des concentrations, dans l’optique qu’une opération de concentration n’altère pas la concurrence dans des zones de chalandises locales.
L’Autorité de la concurrence définit, dans ses lignes directrices, le commerce de détail par référence aux règles applicables en matière d’équipement commercial : « un magasin de commerce de détail s’entend comme un magasin qui effectue, pour plus de la moitié de son chiffre d’affaires, de la vente de marchandises à des consommateurs pour un usage domestique. Est incluse la vente d’objets d’occasion (brocante, dépôts vente, etc.). Sont traditionnellement assimilés à du commerce de détail, bien que ne constituant pas de la vente de marchandises, un certain nombre de prestations de service à caractère artisanal : pressing, coiffure et esthétique cordonnerie, photographie, entretien de véhicules et montage de pneus » (Autorité de la concurrence, Lignes directrices relatives au contrôle des concentrations de 2020, § 103).
En matière de commerce de détail, la pratique décisionnelle de l’Autorité de la concurrence a recours à la méthode « isochrone ». Elle définit le marché géographique en fonction du temps de trajet supporté par l’acheteur.
16. Ainsi, dans la décision relative à l’acquisition du contrôle exclusif des actifs de Conforama France par le groupe Mobilux, l’Autorité de la concurrence a défini le marché géographique comme étant une zone isochrone de 45 minutes autour de chaque point de vente considéré (Décision 22-DCC-78, § 126).
De même, en matière de définition de marché de la distribution automobile, l’Autorité de la concurrence raisonne désormais en zone de chalandise et non sur la base des limites administratives départementales, considérant qu’un consommateur peut consentir à effectuer un trajet plus ou moins long pour acquérir un véhicule neuf ou d’occasion (Autorité de la concurrence, décision 19-DCC-42).