Deux principales observations méritent d’être faites.
En premier lieu, le marché de produits ou de services sera délimité avec plus ou moins de précision selon la nature de la procédure et des règles mises en œuvre.
Il faut, à cet égard, distinguer le contrôle ex post de la mise en œuvre ex ante du droit de la concurrence.
En matière de pratiques anticoncurrentielles, il sera impératif de définir le marché de produits ou de services avec précision lorsqu’il s’agit d’appréhender un abus de position dominante. Il faut, en effet, au préalable que soit caractérisée une position dominante.
Cette exigence est moindre en matière d’ententes anticoncurrentielles. En cette matière, l’Autorité de la concurrence a rappelé, dans sa décision 20-D-20, que, pour la mise en œuvre des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, « il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d’abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre ». La définition de marché n’en demeure pas moins une étape importante, notamment lorsqu’il s’agit de s’assurer que les entreprises bénéficient des seuils de minimis ou d’exemption.
En matière de contrôle des concentrations, une délimitation définitive et conclusive du marché de produits ou de services n’est pas systématiquement indispensable. En effet, lorsqu’il apparaît que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, l’Autorité de la concurrence estime qu’elle « peut laisser ouverte tout ou partie de la question de la délimitation exacte des marchés pertinents » (Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations de 2020, §. 517). Surtout, il convient de relever que la définition de marché répond ici à un besoin différent : l’objectif n’est pas de procéder à une approche rétrospective, mais bien d’adopter une démarche prospective et d’intégrer à l’analyse les évolutions en cours ou anticipées.
En second lieu, le marché de produits ou de services peut être défini de façon plus ou moins restreinte.
Il est d’ailleurs possible qu’il ne soit composé que d’un seul produit. Ainsi, et sans prétendre à l’exhaustivité, il faut noter qu’un brevet, un droit de propriété intellectuelle, une mollécule ou un logiciel peuvent constituer un marché pertinent (voir par exemple les décisions 21-D-07 de l’Autorité de la concurrence de laquelle il ressort qu’il pourrait exister un marché de la distribution d’application mobiles iOS). De même, un appel d’offre constitue un marché pertinent isolément (pour des illustrations, voir en dernier lieu Autorité de la concurrence, décision 22-D-08 et 22-D-04).
Lorsque le marché pertinent de produits ou de services est défini autour d’un seul bien ou service, celui-ci pourra, sous réserve que les conditions soient réunies, ensuite être qualifié de facilité essentielle, imposant à l’entreprise qui le possède diverses obligations.
Dans d’autres circonstances, la définition du marché de produits ou de services peut aboutir au résultat selon lequel des produits ayant des caractéristiques a priori différentes seront néanmoins considérés comme étant en concurrence. Tel est le cas par exemple lorsque le Conseil de la concurrence estime, dans la décision 07-D-39, que l’avion et le train sont en concurrence pour le transport de personnes sur la route Paris-Londres. Dans la même lignée, l’Autorité de la concurrence a, dans la décision 14-D-18, refusé de reconnaître un marché des ventes événementielles en considérant que les entreprises organisant de telles ventes en ligne étaient en concurrence avec des entreprises classiques avec offre de déstockage ou encore avec des magasins d’usine.
Si la définition du marché de produits ou de services peut parfois surprendre c’est notamment parce que l’Autorité de la concurrence ne recherche pas la substituabilité parfaite puisqu’elle s’observe rarement. Il faut, estime-t-elle, regarder « comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande » (Conseil de la concurrence, décision 10-D-19, §. 159).