L’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité »), comme la Commission européenne, est chargée du suivi des engagements structurels et comportementaux, que doivent respecter les parties aux termes de toute décision d’autorisation conditionnelle d’une concentration, et responsable d’y constater tout manquement éventuel (CE, 21 mars 2016, Numericable, n° 390023).
Si les nouvelles lignes directrices relatives au contrôle des concentrations de l’Autorité semblent tendre vers un assouplissement des cas de recours aux mandataires, il est généralement demandé à la partie notifiante de prévoir la nomination d’un mandataire, l’Autorité ne pouvant, quotidiennement, participer directement au contrôle de la mise en œuvre des engagements. Celui-ci revient donc au mandataire, personne morale ou physique, qui en rend compte à l’Autorité et doit, si nécessaire, contribuer à leur mise en œuvre pour en garantir l’efficacité. Le mandataire sera « les yeux et les oreilles » de l’Autorité, qui peut, contrairement aux parties, lui donner toute instruction pour garantir le respect des engagements.
Les conditions de nomination et de révocation du mandataire sont communes aux engagements structurels et comportementaux. Ainsi, la partie notifiante doit, dans un délai généralement d’un mois à partir de la notification de la décision d’autorisation, proposer au moins trois candidats. Le mandataire est nommé par la partie notifiante mais après approbation de l’Autorité, qui évalue l’adéquation du candidat, du contrat de mandat et du plan de travail proposés. Il est rémunéré par les parties, avec un système ne devant pas entraver son indépendance et son efficacité.
Trois conditions, appréciées à la lumière des exigences de chaque affaire, doivent être remplies par le mandataire pour qu’il soit agréé : être indépendant des parties, disposer des compétences requises et moyens suffisants pour exécuter son mandat et ne pas faire ou devenir l’objet d’un conflit d’intérêts.
À cet égard, le manque d’indépendance suffit pour annuler une décision d’autorisation se fondant, notamment, sur un rapport d’un mandataire non indépendant (CJUE, 6 novembre 2012, Commission c/ Éditions Odile Jacob, aff. jtes C-553/10 P et C-554/10 P). Ainsi, l’auditeur d’une partie, ou une personne qui a été membre de l’organe de direction d’une partie, y compris simultanément à ses fonctions de mandataire, pendant plus d’un mois, ne pourra pas remplir sa mission de manière indépendante (Trib. UE, 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob c/ Commission, aff. T-452/04).
Un mandataire pourra être chargé du suivi de la mise en œuvre des engagements comportementaux, afin, notamment, de contrôler les procédures mises en place par les parties pour ce faire et informer l’Autorité de toute plainte de tiers, dont il est le point de contact.
Quant au suivi des engagements structurels, il convient de distinguer le mandataire chargé du contrôle (« monitoring trustee ») et celui chargé de la cession (« divestiture trustee »). En fonction des engagements pris, une même personne pourra endosser le double rôle.
Durant la période laissée à la partie notifiante pour trouver elle-même un tiers acquéreur (la « première période »), l’engagement de cession pourra donc être réalisé sous le seul contrôle du monitoring trustee.
Ce dernier vérifie que les parties respectent les mesures correctives et sa mission est précisément définie dans le contrat de mandat. Les engagements définissent, eux, les besoins du mandataire en termes de soutien des parties et de coopération avec elles. Sa mission s’étire de l’adoption de la décision de l’Autorité jusqu’au transfert légal de l’activité ou des actifs concernés à l’acquéreur agréé par l’Autorité. À ce titre, le mandataire vérifie l’avancement du processus de cession et de recherche d’acquéreurs potentiels et s’assure, notamment, que les actifs cédés sont gérés séparément et indépendamment de ceux non cédés pendant la période transitoire. Il établit des rapports de suivi mensuels à l’Autorité portant également sur le maintien de la viabilité et de la compétitivité des actifs à céder (y compris en encourageant le personnel essentiel à rester avec l’activité) et sur toute difficulté. Finalement, il soumet à l’Autorité un avis motivé concernant le caractère approprié et l’indépendance de l’acquéreur proposé ainsi que la viabilité de l’activité à céder et précisant si celle-ci est vendue dans le respect de la décision de l’Autorité et des engagements.
Au plus tard un mois avant la fin de la première période, la partie notifiante doit soumettre à l’Autorité une liste d’au moins trois personnes qui pourront être désignées divestiture trustee si un acquéreur approprié n’a pas été trouvé à l’issue de cette première période.
Celui choisi recevra alors un mandat exclusif et irrévocable pour céder l’activité concernée à un acquéreur approprié, sous la surveillance de l’Autorité, dans un délai donné et sans prix minimum fixé. Les engagements lui permettent d’inclure dans le contrat de cession les modalités et conditions qu’il juge appropriées pour le conclure rapidement. Il adressera un rapport final confirmant la réalisation de la cession à l’Autorité après l’autorisation préalable de celle-ci.