Loi applicable

 

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Premier aperçu

Dans une situation présentant des liens avec plusieurs États comme il est fréquent avec les opérations économiques, il convient de se poser d’abord la question du juge ou de l’Autorité compétente et ensuite, par application des règles de conflit de l’État de ce juge ou autorité ainsi désignés, celle de la loi applicable.

La question de la loi applicable se pose différemment selon qu’il s’agit du droit de la libre concurrence ou du droit de la concurrence déloyale, mais, dans les deux occurrences, les réponses sont essentiellement de source européenne.

En matière de libre concurrence, il convient en outre de distinguer selon que la question se pose dans le cadre de l’action publique ou dans celui de l’action privée. Lorsque l’action publique est mise en œuvre devant la Commission, une autorité nationale ou une juridiction nationale, il s’agit de déterminer si les dispositions de l’article 101 et suivants du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne sont ou non cumulativement applicables aux dispositions nationales et, dans l’affirmative, comment ces dispositions s’articulent entre elles. C’est l’article 3 du règlement (CE) no 1/2003 qui en précise les réponses.

Devant un juge d’un État membre de l’Union européenne, la détermination de la loi applicable à une action privée, qu’il s’agisse d’une action en réparation d’un acte de concurrence déloyale ou d’un acte enfreignant les règles de la libre concurrence, se fait, selon les règles de l’article 6 du règlement dit « Rome II » relatif à la loi applicable aux obligations non contractuelles.

 

Pour aller plus loin

L’article 6 du règlement dit « Rome II » prévoit une solution spécifique à la détermination de la loi du locus damni, en ce qu’il clarifie le principe général pour les actions en réparation d’une atteinte à la libre concurrence ou d’un acte de concurrence déloyale.

La solution du règlement est impérative : dès lors que les intérêts en jeu intègrent des intérêts publics, les parties ne peuvent y déroger par un choix de loi ou un accord procédural. La loi applicable aux actions en réparation pour atteinte à la libre concurrence, soit pour la violation, en France, des articles L. 420 et suivants du code de commerce et, en droit européen, des articles 101 et 102 TFUE est, en principe, par miroitement à la loi applicable à l’action publique, celle du marché affecté ou susceptible de l’être, peu important les effets indirects de ces actes. Une interrogation demeure tant sur l’intégration, dans ce paragraphe, des pratiques restrictives qui ont une perspective macroéconomique, comme les règles de libre concurrence, et microéconomique, comme les règles sur la concurrence déloyale, que sur l’intégration dans le champ de la loi ainsi désignée des questions relatives à l’atteinte à la concurrence.

En cas de pluralité de marchés affectés, pour favoriser la concentration des contentieux, le demandeur qui agit devant le juge du domicile du défendeur peut agir pour l’ensemble en se fondant sur la loi du domicile du demandeur, sous réserve que le marché de cet État relève des marchés affectés.

En cas de pluralités de défendeurs cités devant le juge du domicile de l’un d’eux, le demandeur doit fonder sa demande sur la loi de l’État de ce juge pour autant que l’acte reproché aux défendeurs affecte le marché de cet État.

La solution retenue en matière de libre concurrence imprègne celle en matière de concurrence déloyale lorsque l’on raisonne en termes d’affectation de marché : la loi applicable à une action en réparation sur ce fondement est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être. Cependant, par une exception difficile à caractériser, le règlement, revenant à une approche plus civiliste de la responsabilité civile, pour justifier le retour à la règle générale sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, le règlement prévoit que lorsqu’un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, l’article 4 est applicable.

Ces solutions qui montrent, en droit européen, l’influence de l’approche des actions publiques sur les actions privées et l’influence des règles de la libre concurrence sur celles de la concurrence déloyale mettent en évidence l’importance donnée aux intérêts publics dans la recherche de la loi applicable, sans passer par le mécanisme exceptionnel des lois de police. Mais, à l’égard d’une loi d’un État tiers qui prévoirait des dommages-intérêts punitifs, le recours à l’exception d’ordre public, de source européenne, pour écarter cette loi, fût-elle celle du marché affecté ou susceptible de l’être, semble dicté par la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014.

 

Bibliographie

BIBLIOGRAPHIE

Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne, JOUE no L 349 du 5 décembre 2014, p. 1

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Auteur

Citation

Sylvaine Poillot-Peruzzetto, Loi applicable, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 91770

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit les pratiques antitrust (anticoncurrentielles) prenant la forme : • d’accords et de pratiques commerciales qui restreignent la concurrence (article 101), • d’abus de position dominante (article 102). La Commission peut infliger de lourdes amendes aux entreprises participant à des pratiques commerciales illégales. Depuis 2004, les autorités nationales en matière de concurrence, au même titre que la Commission, peuvent appliquer les règles antitrust de l’UE en matière d’ententes et d’abus de positions dominantes. © EUR Lex

Dans l’intérêt des consommateurs et des entreprises, l’Union européenne (UE) a établi des règles en vue d’interdire les ententes pour fixer les prix ou se répartir les marchés entre concurrents. L’UE souhaite également empêcher les entreprises d’abuser de leur position dominante sur un marché en appliquant, par exemple, des tarifs déloyaux ou en limitant la production. Le règlement 1/2003 met en œuvre les règles de concurrence de l’UE définies à l’article 101 (pratiques concertées qui restreignent la concurrence) et à l’article 102 (abus de position dominante) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) [ex-articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne (traité CE)]. Il a instauré des règles qui ont essentiellement changé les aspects liés à l’application des règles de concurrence de l’UE. Il permet l’application décentralisée, par les autorités de concurrence des pays de l’UE, des règles de concurrence appliquées auparavant par la Commission européenne. Il accroît ainsi le rôle des autorités de concurrence et juridictions nationales dans la mise en œuvre du droit de la concurrence de l’UE. Cette réforme permet à la Commission de consacrer ses ressources à la lutte contre les infractions graves aux règles de la concurrence ayant une dimension transfrontalière. © EUR Lex

Le règlement Règlement (CE) no 139/2004 — Contrôle des concentrations entre entreprises (le règlement sur les concentrations) s’applique à toutes les concentrations de dimension européenne. © EUR Lex

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