L’article 6 du règlement dit « Rome II » prévoit une solution spécifique à la détermination de la loi du locus damni, en ce qu’il clarifie le principe général pour les actions en réparation d’une atteinte à la libre concurrence ou d’un acte de concurrence déloyale.
La solution du règlement est impérative : dès lors que les intérêts en jeu intègrent des intérêts publics, les parties ne peuvent y déroger par un choix de loi ou un accord procédural. La loi applicable aux actions en réparation pour atteinte à la libre concurrence, soit pour la violation, en France, des articles L. 420 et suivants du code de commerce et, en droit européen, des articles 101 et 102 TFUE est, en principe, par miroitement à la loi applicable à l’action publique, celle du marché affecté ou susceptible de l’être, peu important les effets indirects de ces actes. Une interrogation demeure tant sur l’intégration, dans ce paragraphe, des pratiques restrictives qui ont une perspective macroéconomique, comme les règles de libre concurrence, et microéconomique, comme les règles sur la concurrence déloyale, que sur l’intégration dans le champ de la loi ainsi désignée des questions relatives à l’atteinte à la concurrence.
En cas de pluralité de marchés affectés, pour favoriser la concentration des contentieux, le demandeur qui agit devant le juge du domicile du défendeur peut agir pour l’ensemble en se fondant sur la loi du domicile du demandeur, sous réserve que le marché de cet État relève des marchés affectés.
En cas de pluralités de défendeurs cités devant le juge du domicile de l’un d’eux, le demandeur doit fonder sa demande sur la loi de l’État de ce juge pour autant que l’acte reproché aux défendeurs affecte le marché de cet État.
La solution retenue en matière de libre concurrence imprègne celle en matière de concurrence déloyale lorsque l’on raisonne en termes d’affectation de marché : la loi applicable à une action en réparation sur ce fondement est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être. Cependant, par une exception difficile à caractériser, le règlement, revenant à une approche plus civiliste de la responsabilité civile, pour justifier le retour à la règle générale sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, le règlement prévoit que lorsqu’un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, l’article 4 est applicable.
Ces solutions qui montrent, en droit européen, l’influence de l’approche des actions publiques sur les actions privées et l’influence des règles de la libre concurrence sur celles de la concurrence déloyale mettent en évidence l’importance donnée aux intérêts publics dans la recherche de la loi applicable, sans passer par le mécanisme exceptionnel des lois de police. Mais, à l’égard d’une loi d’un État tiers qui prévoirait des dommages-intérêts punitifs, le recours à l’exception d’ordre public, de source européenne, pour écarter cette loi, fût-elle celle du marché affecté ou susceptible de l’être, semble dicté par la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014.