Le test a été très tôt consacré par le juge de l’Union (CJCE, 10 juillet 1986, Belgique c/ Commission, aff. 40/85, pt 13 : « En vue de vérifier si une […] mesure présente le caractère d’une aide étatique, il est pertinent d’appliquer le critère […] indiqué dans la décision de la Commission »), qui l’a encadré et en a régulièrement précisé la portée, en jugeant par exemple que « si le comportement de l’investisseur privé, auquel doit être comparée l’intervention des pouvoirs publics […] n’est pas nécessairement celui de l’investisseur ordinaire plaçant des capitaux en vue de leur rentabilisation à plus ou moins court terme, il doit, au moins, être celui d’un holding privé ou d’un groupe privé d’entreprises […] guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme » (CJCE, 21 mars 1991, Italie c/ Commission, aff. C-305/89, pt 20 ; CJCE, 14 septembre 1994, Royaume d’Espagne c/ Commission, aff. 42/93, pt 14 ; CJCE, 3 mai 1996, RFA c/ Commission, aff. C-399/95 R ; TPICE, 18 décembre 2008, Componenta c/ Commission, aff. T-455/05, pt 86 ; Trib. UE, 21 mai 2010, France e.a. c/ Commission, aff. jtes T-425/04, T-444/04, T-450/04 et T-456/04, spéc. pt 216).
L’utilisation du test de l’investisseur privé relève du pouvoir discrétionnaire de la Commission. Pour autant, la pratique de la Cour l’a progressivement conduite à contrôler la méthode employée par la Commission en s’assurant notamment du caractère in concreto de l’analyse. La Cour juge en effet que la Commission doit mener son analyse « compte tenu des circonstances de chaque cas d’espèce » (Trib. UE, 15 décembre 2009, EDF c/ Commission, aff. T-156/04, pt 233) et se replacer dans le contexte économique et temporel en vigueur lors de l’investissement public (CJCE, 3 octobre 1991, Italie c/ Commission, aff. C-261/89, pt 12).
Cette position a conduit la Cour à refuser, dans la mise en œuvre du test, les analyses ex post « pour rechercher si l’État a adopté ou non le comportement d’un investisseur avisé dans une économie de marché, il y a lieu de se replacer dans le contexte de l’époque au cours de laquelle les mesures de soutien […] ont été prises pour évaluer la rationalité économique du comportement de l’État et donc de s’abstenir de toute appréciation fondée sur une situation postérieure », la Commission devant s’appuyer sur les « informations disponibles et [en tenant compte des] évolutions prévisibles à la date desdits apports » (CJCE, 16 mai 2002, France c/ Commission, aff. C-482/99, pts 71 et 70).
Très fréquemment utilisé dans la pratique de la Commission et la jurisprudence de la Cour, le recours au critère de l’investisseur privé s’étend aujourd’hui bien au-delà de l’hypothèse d’une prise de participation publique dans le capital d’une entreprise et a été décliné au gré des différentes facettes de l’État intervenant comme un opérateur économique : cession de biens, fourniture de prestation, achat de service, abandon de créance, mise à disposition de capitaux, consentement à un prêt ou à une garantie, etc. Cette utilisation extensive conduit parfois à renommer ce standard « test de l’opérateur privé en économie de marché » comme pour mieux souligner que son application très large recouvre tous les visages économiques que peuvent prendre l’État et ses démembrements.