Le devoir d’impartialité est une des composantes essentielles du droit à un procès équitable consacré par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH).
Ce devoir s’impose tout particulièrement au juge, que ce soit en matière civile et commerciale ou en matière pénale, mais également à toute autorité publique qui statue dans des matières où les sanctions peuvent être considérées comme étant de nature pénale en raison de leur nature et de leur degré de gravité.
Pour la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), les autorités de concurrence disposent d’un pouvoir de sanction pécuniaire très important, ce qui impose que le devoir d’impartialité soit respecté dans toutes les phases de la procédure, aussi bien durant la phase administrative qu’au cours de la phase juridictionnelle.
L’application du devoir d’impartialité s’appuie sur la théorie des apparences : la simple apparence d’un manquement suffit pour annuler un jugement ou une décision. L’enjeu du principe d’impartialité est donc la confiance des justiciables : il ne suffit pas que la justice soit rendue, il faut qu’elle soit perçue comme ayant été effectivement rendue (arrêt The King v. Sussex Justices, ex parte McCarthy [1924] 1 KB 256 du 9 novembre 1923) ; la simple apparence d’un manquement au devoir d’impartialité suffit pour annuler une décision judiciaire.
Le devoir d’impartialité est protégé par l’ordre juridique et constitutionnel français. Le Conseil constitutionnel le rattache directement à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Il tient également une place fondamentale dans l’ordre juridique de l’Union européenne. Il est consacré, dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, par ses articles 41 (droit à une bonne administration) et 47 (droit à un recours effectif et droit d’accès à un tribunal impartial). Le traité de Lisbonne prévoit même, en son article 6, une adhésion formelle de l’Union européenne à la CESDH, qui entraînera l’obligation pour les juges européens de se conformer à la jurisprudence de la CEDH. La Cour de justice et le Tribunal de l’Union européenne ont érigé le devoir d’impartialité en principe général du droit européen, et consacré l’application de ce principe aux procédures de concurrence. Le règlement (CE) n° 1/2003 mentionne la nécessité du respect du devoir d’impartialité (cons. 37) et renvoie à la Charte. Il s’impose d’autant plus à la Commission qu’elle dispose d’un pouvoir d’appréciation. Ne pas le respecter constitue une atteinte à un droit fondamental, et non simplement une atteinte à un droit de la défense. L’article 4 de la directive ECN + y fait également référence (dir. (UE) 2019/1 du 11 décembre 2018).
Ce devoir revêt une importance particulière en cas de procédures hybrides, dans lesquelles une entreprise fait l’objet d’une procédure contentieuse classique alors que d’autres entreprises suspectées ont accepté de transiger. Ces procédures présentent des risques d’infraction au principe d’impartialité et à la présomption d’innocence, en particulier si l’examen du dossier de l’entreprise qui a refusé de transiger n’est pas conduit sans a priori sur sa culpabilité.
Une différence fondamentale entre le droit français et le droit européen a longtemps existé. Le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel sanctionnent la violation du devoir d’impartialité par la nullité de la décision viciée. Le défaut d’impartialité des juridictions est sanctionné de manière identique par la Cour de cassation. En revanche, les juges européens, jusqu’à très récemment, exigeaient de tout requérant sollicitant la nullité d’une décision sur la base d’un non-respect du devoir d’impartialité d’établir que cette décision aurait eu un contenu différent en l’absence de cette irrégularité. Cette condition, consacrée depuis l’arrêt Suiker Unie du 16 décembre 1975, a récemment été écartée par la Cour, dans son arrêt HSBC du 12 janvier 2023, pour lequel une violation établie du devoir d’impartialité doit entraîner l’annulation de la décision attaquée, sans que le requérant ait à démontrer que cette violation a eu un impact réel sur le contenu de cette décision.