Impartialité

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

L’impartialité, autrement dit l’absence de parti pris sur la solution du dossier dont on est saisi, est une garantie fondamentale de procédure dont le principe est consacré par de nombreuses dispositions nationales et internationales. Cette exigence s’impose, dans les procédures de concurrence, non seulement au juge, mais également aux autorités de concurrence en raison des sanctions qu’elles sont susceptibles d’infliger.

L’impartialité peut être subjective ou objective.

L’impartialité subjective exige du juge ou de l’autorité administrative une absence de préjugé envers les parties et leurs intérêts respectifs. Pour l’apprécier, on tient compte de la conduite personnelle du juge, de son apparence de neutralité et de son attitude in concreto. Ainsi, un manquement à l’impartialité subjective est caractérisé lorsque le juge ou le responsable administratif emploie, dans une déclaration publique, des expressions qui sous-entendent une appréciation de la cause dont il a la charge. Il appartient à celui qui s’en prévaut de démontrer l’absence d’impartialité subjective.

L’impartialité objective couvre les situations où le juge ou l’autorité administrative ne présente pas les garanties indispensables à son indépendance de jugement, compte tenu de la structure ou de l’organisation de l’entité à laquelle il ou elle appartient, ou d’une relation antérieure qu’il ou elle a eue avec l’affaire ou l’une ou l’autre des parties.

Le principe d’impartialité peut donc revêtir ces deux dimensions. Cependant, il n’existe pas de barrière étanche entre ces deux composantes.

 

Pour aller plus loin

Le devoir d’impartialité est une des composantes essentielles du droit à un procès équitable consacré par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH).

Ce devoir s’impose tout particulièrement au juge, que ce soit en matière civile et commerciale ou en matière pénale, mais également à toute autorité publique qui statue dans des matières où les sanctions peuvent être considérées comme étant de nature pénale en raison de leur nature et de leur degré de gravité.

Pour la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), les autorités de concurrence disposent d’un pouvoir de sanction pécuniaire très important, ce qui impose que le devoir d’impartialité soit respecté dans toutes les phases de la procédure, aussi bien durant la phase administrative qu’au cours de la phase juridictionnelle.

L’application du devoir d’impartialité s’appuie sur la théorie des apparences : la simple apparence d’un manquement suffit pour annuler un jugement ou une décision. L’enjeu du principe d’impartialité est donc la confiance des justiciables : il ne suffit pas que la justice soit rendue, il faut qu’elle soit perçue comme ayant été effectivement rendue (arrêt The King v. Sussex Justices, ex parte McCarthy [1924] 1 KB 256 du 9 novembre 1923) ; la simple apparence d’un manquement au devoir d’impartialité suffit pour annuler une décision judiciaire.

Le devoir d’impartialité est protégé par l’ordre juridique et constitutionnel français. Le Conseil constitutionnel le rattache directement à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Il tient également une place fondamentale dans l’ordre juridique de l’Union européenne. Il est consacré, dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, par ses articles 41 (droit à une bonne administration) et 47 (droit à un recours effectif et droit d’accès à un tribunal impartial). Le traité de Lisbonne prévoit même, en son article 6, une adhésion formelle de l’Union européenne à la CESDH, qui entraînera l’obligation pour les juges européens de se conformer à la jurisprudence de la CEDH. La Cour de justice et le Tribunal de l’Union européenne ont érigé le devoir d’impartialité en principe général du droit européen, et consacré l’application de ce principe aux procédures de concurrence. Le règlement (CE) n° 1/2003 mentionne la nécessité du respect du devoir d’impartialité (cons. 37) et renvoie à la Charte. Il s’impose d’autant plus à la Commission qu’elle dispose d’un pouvoir d’appréciation. Ne pas le respecter constitue une atteinte à un droit fondamental, et non simplement une atteinte à un droit de la défense. L’article 4 de la directive ECN + y fait également référence (dir. (UE) 2019/1 du 11 décembre 2018).

Ce devoir revêt une importance particulière en cas de procédures hybrides, dans lesquelles une entreprise fait l’objet d’une procédure contentieuse classique alors que d’autres entreprises suspectées ont accepté de transiger. Ces procédures présentent des risques d’infraction au principe d’impartialité et à la présomption d’innocence, en particulier si l’examen du dossier de l’entreprise qui a refusé de transiger n’est pas conduit sans a priori sur sa culpabilité.

Une différence fondamentale entre le droit français et le droit européen a longtemps existé. Le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel sanctionnent la violation du devoir d’impartialité par la nullité de la décision viciée. Le défaut d’impartialité des juridictions est sanctionné de manière identique par la Cour de cassation. En revanche, les juges européens, jusqu’à très récemment, exigeaient de tout requérant sollicitant la nullité d’une décision sur la base d’un non-respect du devoir d’impartialité d’établir que cette décision aurait eu un contenu différent en l’absence de cette irrégularité. Cette condition, consacrée depuis l’arrêt Suiker Unie du 16 décembre 1975, a récemment été écartée par la Cour, dans son arrêt HSBC du 12 janvier 2023, pour lequel une violation établie du devoir d’impartialité doit entraîner l’annulation de la décision attaquée, sans que le requérant ait à démontrer que cette violation a eu un impact réel sur le contenu de cette décision.

 

Jurisprudences pertinentes

International

CEDH, 25 novembre 2021, Mucha c/ Slovaquie, n° 63703/19

CEDH, 16 février 2021, Meng c/ Allemagne, n° 1128/17

CEDH, 6 novembre 2018, Ramos Nunes de Carvalho e Sá c/ Portugal, n° 55391/13, 57728/13 et 74041/13

CEDH, 23 février 2016, Navalnyy et Ofitserov c/ Russie, no° 46632/13 et 28671/14

CEDH, 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics S.R.L. c/ Italie, n° 43509/08

CEDH, 20 janvier 2011, Vernes c/ France, n° 30183/06

CEDH, 2 mars 2010, Adamkiewicz c/ Pologne, n° 54729/00

CEDH, 11 juin 2009, Dubus c/ France, n° 5242/04

CEDH, 15 décembre 2005, Kyprianou c/ Chypre, n° 73797/01

CEDH, 9 octobre 2003, Ezeh et Connors c/ Royaume-Uni, n° 39665/98 et 40086/98

CEDH, 28 novembre 2002, Lavents c/ Lettonie, n° 58442/00

CEDH, 27 août 2002, Didier c/ France, n° 58188/00

CEDH, 25 février 1997, Gregory c/ Royaume-Uni, n° 22299/93 (cons. 43)

CEDH, 27 février 1992, Société Stenuit c/ France, n° 11598/85

CEDH, 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique, n° 2689/65

Union européenne

CJUE, 12 janvier 2023, HSBC c/ Commission, aff. C-883/19 P, EU:C:2023:11 (cons. 86 à 95)

CJUE, 27 mars 2019, August Wolff c/ Commission, aff. C-680/16 P, EU:C:2019:257

CJUE, 18 juillet 2013, Schindler Holding LTD c/ Commission, aff. C-501/11 P, EU:C:2013:522

CJCE, 1er juillet 2008, Chronopost, aff. C-341/06 P, EU:C:2008:375

CJCE, 18 septembre 2003, Volkswagen c/ Commission, aff. C-338/00 P, EU:C:2003:473 (cons. 164 et 165)

CJCE, 21 novembre 1991, Technische Universität München, aff. C-269/90, EU:C:1991:438 (cons. 14)

CJCE, 16 décembre 1975, Suiker Unie c/ Commission, aff. jtes 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174 (cons. 90 et 91)

Trib. UE, 2 février 2022, Scania e.a. c/ Commission, aff. T-799/17, EU:T:2022:48

Trib. UE, 3 décembre 2019, Pethke c/ EUIPO, aff. T-808/17, EU:T:2019:832

Trib. UE, 7 novembre 2019, ADDE c/ Parlement, aff. T-48/17, EU:T:2019:780

Trib. UE, 20 septembre 2019, UZ c/ Parlement, aff. T-47/18, EU:T:2019:650

France

CE, ass., 21 décembre 2012, n° 353856 (cons. 8)

Cass. crim., 8 juin 2006, n° 06-81.359

Cass. 2e civ., 6 décembre 2001, n° 00-10.711

Cons. const., déc. n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014, M. Stéphane R. et autres (cons. 9)

Cons. const., déc. n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et autre (cons. 16)

Cons. const., déc. n° 2003-466 DC du 20 février 2003, Loi organique relative aux juges de proximité (cons. 23)

Royaume-Uni

The King v. Sussex Justices, ex parte McCarthy [1924] 1 KB 256 : « Justice must not only be done ; it must also be seen to be done. »

 

Bibliographie

FRICERO (N.), « L’impartialité des juges à travers la jurisprudence de la Cour de cassation sur la récusation », in La création du droit jurisprudentiel : mélanges en l’honneur de Jacques Boré, Paris, Dalloz, 2007, p. 181

FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le droit à un tribunal impartial », in Libertés et droits fondamentaux, R. Cabrillac, M.-A. Frison-Roche et Th. Revet (dir.), 18e éd., Paris, Dalloz, 2012, n° 681, p. 557

FRISON-ROCHE (M.-A.), « L’impartialité du juge », D. 1999, chron., p. 53

GUINCHARD (S.), « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit fondamental », in L’impartialité du juge et de l’arbitre : étude de droit comparé, J. Van Compernolle et G. Tarzia (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 3

LENAERTS (K.), MASELIS (I.) et GUTMAN (K.), EU Procedural Law, Oxford University Press, 2015

Directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, JOUE n° L 11 du 14 janvier 2019, p. 3

Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOCE n° L 1 du 4 janvier 2003, p. 1

Auteurs

  • JPTT-Vitale (Paris)
  • Credit Agricole Corporate and investment Bank (CIB)
  • Gouache Avocats

Citation

Jean-Paul Tran Thiet, Noé Delaunay, Joana Mbioka, Impartialité, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 85325

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

(...) Le collège de l’Autorité de la concurrence comprend 17 membres. Outre le président et les quatre vice-présidents, qui exercent leurs fonctions à temps plein, le collège comporte 12 membres non permanents. Le président est nommé par décret du Président de la République sur avis des commissions de l’ Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière de concurrence. Les vice-présidents et les membres non permanents sont nommés par décret du Président de la République. Le mandat de l’ensemble des membres du collège est de cinq ans. Ils ne sont pas révocables, sauf dans les cas strictement définis aux articles L. 461-1 et L. 461-2 du Code de commerce. Cette irrévocabilité des mandats des membres de l’Autorité de la concurrence leur permet d’agir en toute indépendance, et à l’abri de toute pression éventuelle. Dans le cas où l’Autorité aurait à connaître d’un litige concernant une société dont un membre non permanent du collège serait également salarié ou dirigeant, ce dernier serait amené à se mettre en retrait de l’institution durant toute la période d’instruction du dossier, et ne pourrait pas participer au délibéré. Ce cas s’est déjà présenté une fois et cette mise en retrait a garanti l’indépendance et l’impartialité de la décision rendue. Une séparation des fonctions entre enquête et décision. De plus, ce n’est pas le même organe qui enquête et qui décide. Une séparation fonctionnelle entre les services d’instruction, qui mènent les enquêtes et instruisent les dossiers contentieux, et le collège, qui rend les décisions et les avis, garantit l’impartialité de la prise de décision. Enfin, il suffit de consulter les décisions et avis rendus par l’Autorité de la concurrence, notamment les sanctions qu’elle a pu infliger à des entreprises de tous secteurs d’activité, pour constater que l’Autorité n’a jamais hésité à sanctionner les entraves à la concurrence, agissant en toute indépendance et en toute impartialité, quelle que soit l’influence prêtée aux dirigeants des entreprises concernées, publiques ou privées, nationales ou mondiales. © Autorité de la concurrence

 
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