La démultiplication d’un modèle qui fonctionne.
Théoriquement la franchise vise à permettre à des opérateurs indépendants, de répliquer un modèle économique préalablement testé. Du côté du franchisé, l’engagement présente donc des garanties économiques raisonnablement prévisibles de retour sur investissement, quand en contrepartie, cela permet au franchiseur de développer son réseau en jouant sur deux paramètres essentiels : la rapidité de mise en œuvre et l’immobilisation de capitaux. Préalablement à son engagement contractuel, qui se double aussi souvent d’un engagement financier, le franchisé doit bénéficier en application de l’article L. 330-3 du code de commerce d’une information la plus transparente possible de la part de son franchiseur, afin de lui permettre d’apprécier de manière éclairée et objective la pertinence de son engagement.
Une concurrence entre franchisée limitée.
En imposant le respect de tout un ensemble d’obligations, passant de l’approvisionnement des produits – avec souvent une exclusivité d’approvisionnement à 80% - à un assortiment de produits et une manière de les présenter prédéterminés, en passant par la participation à des campagnes promotionnelles, ou encore le respect de prix conseillés maximums conseillés par la tête de réseau, le franchiseur altère de manière significative l’autonomie commerciale de ses franchisés. C’est la raison pour laquelle l’Autorité de la concurrence considère de manière constante que le pouvoir de marché d’un groupe de distribution doit s’apprécier en tenant compte des magasins détenus en propre et de deux exploités en franchise, et ce, quel que soit leur statut juridique. Cette appréciation découle notamment de l’arrêt du Conseil d’État du 23 décembre 2010 , qui, constatant que le contrat liant les points de vente à une enseigne de bricolage « les oblige notamment à respecter la politique commerciale élaborée par [le franchiseur] en matière publicitaire, à participer à huit campagnes promotionnelles par an, à s’approvisionner à 80 % de leurs achats auprès des fournisseurs référencés par cette société, à ne pas modifier leur point de vente sans l’accord du franchiseur et à accorder à celui-ci un droit de préemption, de substitution et de préférence en cas de cession de leur magasin [statue que] […] l’Autorité de la concurrence n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que les magasins franchisés du réseau [du franchiseur] devaient être pris en compte pour apprécier le pouvoir de marché de la nouvelle entité, en dépit de leur statut juridique de commerçants indépendants, de l’absence de participation [du franchiseur] à leur capital et de l’absence, dans la charte du réseau, de stipulation donnant au franchiseur le pouvoir de fixer les prix de vente aux consommateurs ».
Une concurrence post-contractuelle limitée.
La relation entre un franchisé et un franchiseur représente un engagement important dans la mesure où des freins contractuels restreignant la capacité du franchiseur à changer d’enseigne peuvent exister : droits d’entrée à paiement différé, clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence post-contractuelles, constitution d’une minorité de blocage ou encore droit de priorité ou de préemption.
Ces différents freins avaient d’ailleurs incité l’Autorité de la concurrence à s’auto-saisir pour avis en 2010 afin d’établir différentes propositions dans le but de stimuler la mobilité des franchisés, comme par exemple la formalisation de la relation au sein d’un accord unique, ou encore la limitation de la durée de l’engagement du franchisé à rester sous l’enseigne du franchiseur. Concernant en particulier la durée d’engagement, si une clause d’exclusivité d’un franchisé vis-à-vis de son franchiseur est théoriquement limitée à 10 ans en application de l’article L. 330-1 du code de commerce, les durées d’engagement peuvent être en pratique significativement plus longues soit compte tenu de la nature juridique de la relation (groupements coopératifs par exemple) soit en raison de la multiplicité des contrats et du décalage de leur échéance. De telles obligations, comme le droit de préemption bénéficiant au franchiseur en cas de vente du fonds de commerce, ont pu être évaluées à l’aune du droit de la concurrence , et auraient pu donner lieu à une intervention de l’Autorité de la concurrence si elles avaient conduit au constat de pratiques anticoncurrentielles.
En définitive, cela signifie que les restrictions qui ne sont pas strictement nécessaires ou consubstantielles à la constitution d’une relation commerciale entre un franchiseur et son franchisé doivent faire l’objet d’un examen attentif pour vérifier qu’elles demeurent proportionnées et qu’elles n’entraînent pas d’effets restrictifs sur la concurrence.
Un pouvoir de marché relatif au bénéfice du franchiseur.
Dans le cadre de la relation bilatérale, et compte tenu de l’existence des différentes clauses précitées qui non seulement altèrent la capacité du franchisé à déterminer de manière autonome son comportement sur le marché, mais également réduisent ses alternatives dans l’hypothèse où la relation n’offre finalement pas les résultats escomptés, il est possible de considérer des cas où le rapport de force bilatéral est très déséquilibré en faveur du franchiseur.
Dès lors, les différentes clauses déséquilibrées qu’il est susceptible d’imposer à son franchisé sont susceptibles d’être annulées en application de l’article L. 442-1 du code de commerce, lequel sanctionne le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Deux affaires récentes initiées par le ministre de l’économie ont ainsi abouti à la sanction de franchiseurs sur la base de ces dispositions, lesquelles concernaient en l’espèce Subway ou encore Dominos Pizza et Pizza Sprint.