Jadis, la possibilité d’accorder une exemption individuelle relevait d’une compétence exclusive de la Commission européenne, suivant une procédure de notification préalable des accords (règl. (CE) n° 17 du Conseil du 6 février) : tout accord entre entreprises visé à l’article 85, paragraphe 1, du traité devait être notifié à la Commission antérieurement à sa mise en œuvre afin d’obtenir une exemption. En dépit de la sécurité juridique qu’il induisait, ce système de contrôle ex ante était aussi générateur de coûts pour les entreprises et conduisait à l’engorgement des services compétents de la Commission. À la faveur du règlement (CE) n° 1/2003, l’exemption est désormais accordée, soit par la Commission, soit par les autorités ou juridictions nationales compétentes, à l’issue d’une procédure de contrôle ex post ouverte à l’encontre d’entreprises poursuivies pour entente anticoncurrentielle, à qui il appartient d’établir que les conditions de l’exemption sont réunies.
L’exemption est dite « individuelle » en ce qu’elle n’est accordée par l’autorité de concurrence qu’à une ou plusieurs entreprises considérées individuellement, pour une pratique donnée, après avoir vérifié que les conditions requises pour bénéficier de l’exemption sont bien réunies au cas d’espèce. L’exemption « individuelle » s’oppose ainsi à l’exemption dite « catégorielle ». Celle-ci, également admise par les articles 101, paragraphe 3, TFUE et L. 420-4 II du code de commerce, peut être prévue par un règlement « d’exemption » adopté par la Commission européenne ou un décret pris après avis conforme de l’Autorité de la concurrence, au profit de certaines catégories d’accords présumés satisfaire ces conditions. Telle présomption pourra être renversée s’il est établi, après examen au cas par cas, que ces conditions ne sont finalement pas satisfaites, mais dispense ainsi les entreprises parties à ces catégories d’accords d’avoir à démontrer qu’elles sont réunies a priori.
Outre l’exemption des pratiques anticoncurrentielles générant des gains d’efficacité, le droit français admet aussi à l’article L. 420-4 I 1° du code de commerce l’exemption des accords « qui résultent de l’application d’un texte législatif ou d’un texte réglementaire pris pour son application ». À ce titre, les entreprises concernées ne peuvent se prévaloir que d’un « texte législatif » ou d’un « texte réglementaire pris pour son application » en vigueur au moment où a été mis en œuvre le comportement reproché, à l’exclusion donc des textes de nature réglementaire qui n’appliqueraient pas directement une loi. L’existence d’un lien de causalité entre les dispositions visées et le comportement litigieux doit par ailleurs être établie : ne peut donc être valablement invoqué qu’un texte ayant vocation à autoriser des pratiques anticoncurrentielles, ledit texte devant constituer la cause directe et nécessaire de la pratique concernée. En d’autres mots, celle-ci doit apparaître comme l’unique comportement susceptible de répondre aux exigences du texte invoqué.
Le droit français se distingue encore du droit de l’Union européenne en ce qu’il admet qu’une exemption individuelle puisse être accordée non seulement aux auteurs d’une entente anticoncurrentielle, mais également à l’entreprise coupable d’un abus de position dominante (art. L. 420-4 I C. com.). Certes, le TFUE ne comporte pas de disposition analogue à l’article 101, paragraphe 3, en ce qui concerne les abus de position dominante. Cette différence n’est toutefois qu’apparente, pour deux raisons au moins. La première est que la communication de la Commission du 24 février 2009 portant « Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes » (pt 30) admet elle-même la possibilité d’une exemption d’un abus de position dominante en raison des gains d’efficacité qu’une telle pratique pourrait générer dans des conditions comparables à celles prévues à l’article 101, paragraphe 3, TFUE. La seconde est qu’en droit français comme en droit de l’Union européenne, cette possibilité d’exemption des abus de position dominante demeure pour l’heure très théorique, en l’absence d’application notable dans la pratique décisionnelle.