L’« accord » caractérisant une entente peut être horizontal ou vertical ou répondre à ces deux caractéristiques. En tous cas, il est l’expression, quelle qu’en soit la forme, d’une volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (CJCE, 15 juill. 1970, aff. C-41-69). L’accord est une notion autonome du droit de la concurrence qui se distingue en particulier de la convention ou du contrat du droit civil ou commercial. Ainsi, l’entente par « accord » peut résulter d’un contrat non signé, verbal, ou même nul (CJCE, 11 janv. 1990 C-277/87) ou formellement expiré, dès lors que l’expression de la volonté commune continue à produire ses effets anticoncurrentiels (CJCE, 15 juin 1976, aff. C-51/75). L’absence d’effet obligatoire n’exclut donc pas la qualification d’entente par « accord ».
Un acte apparemment unilatéral peut constituer une entente par accord si l’instruction ou l’invitation d’une entreprise, telle que par exemple la circulaire d’une tête de réseau de distribution, est acceptée même tacitement par ses distributeurs (CJCE, 12 juill. 1979, aff. 32/78, BMW Belgium ; CJCE, 17 sept. 1987, aff. 25/84 et aff. 26/84, Ford II ; CJCE, 13 juill. 2006, aff. C-74/04). La preuve de cette acceptation tacite n’est pas toujours aisée (voir en particulier l’affaire Bayer / Adalat, TPICE, 16 oct. 2000, aff. T-41/96, Bayer AG c/ Commission , confirmé par CJCE 6 janv. 2004, C-2/01 et C-3/01). En tant que preuve d’un fait, elle est apportée par tout moyen. Elle peut résulter de preuves documentaires directes ou à défaut, de preuves comportementales indirectes ; dans ce dernier cas, la preuve du concours de volontés repose sur un faisceau d’indices graves, précis et concordants dont le caractère probant est apprécié globalement (Cass. com. 26 janv. 2022, n° 71 FS-B).
La « pratique concertée » se distingue de l’accord en ce qu’elle vise une coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (CJCE, 14 juill. 1972, aff. C-48/69, Imperial Chemical Industries). Par sa nature même, la pratique concertée ne réunit donc pas tous les éléments d’un accord. Tel est le cas par exemple d’un échange entre concurrents d’informations stratégiques et privilégiées (CJCE, 28 mai 1998, aff. C-7/95, John Deere c/ Commission). En effet, même si une telle coordination ne va pas jusqu’à un engagement d’un comportement déterminé, il réduit l’incertitude quant au comportement des concurrents sur le marché (CJCE, 16 déc. 1975, aff. C-40, Suiker Unie). De nature différente de l’accord, qui est réalisé dès l’échange des consentements même si ensuite il n’est pas mis à exécution, la pratique concertée requiert non seulement une concertation entre les entreprises mais aussi un comportement sur le marché résultant de cette concertation et ayant un lien de causalité avec elle (CJCE, 8 juill. 1999, Commission / Anic Partecipazioni, C-249/92). Il existe une présomption réfragable selon laquelle les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché (CJCE, 4 juin 2009, aff. C-8/08, T-Mobile Netherlands). La participation même passive à une seule réunion collusoire peut suffire pour se voir imputer l’entente dans la mesure où elle peut laisser supposer aux autres entreprises qu’elle partage leur objectif anticoncurrentiel. Tel ne sera pas le cas si l’entreprise se distancie publiquement et formellement de l’objectif commun poursuivi.
En revanche, de simples comportements parallèles ne suffisent pas à constituer ni démontrer l’existence d’une entente car ils peuvent être, dans certaines circonstances déterminées, la conséquence de décisions parfaitement autonomes des entreprises concernées. Pour que le parallélisme de comportement caractérise à lui seul une entente, la concertation collusoire doit en être la seule explication plausible (CJCE, 31 mars 1993, aff. C-89/85, Ahlström Osakeyhtiö, dite « Pâte de bois »).
Le degré de responsabilité d’une entreprise ayant pris parti à une infraction complexe, unique et continue varie en fonction de l’étendue de sa participation ou de sa connaissance des comportements anti concurrentiels qui la composent (CJUE, 6 déc. 2012, Commission c/ Coppens, aff. C-441/11)). Si elle n’a pris part qu’à un ou plusieurs des comportements composant l’infraction complexe unique et continue et qu’il n’est pas établi que par son propre comportement elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants et qu’elle avait connaissance des autres comportements mis en œuvre par lesdits participants, l’entreprise ne se verra imputer que ses seuls comportements.
La collusion au sein des groupes de sociétés échappe à la qualification d’entente s’il est établi que le groupe constitue une unité économique, en raison de l’absence d’autonomie du comportement des filiales sur le marché (CJCE, 24 oct. 1996, aff. C-73/95 P, Viho Europe BV c/ Commission). Cette absence d’autonomie est présumée pour les filiales dont la société mère contrôle directement ou indirectement la totalité ou la quasi-totalité du capital. Cette présomption est réfragable (CJCE, 10 sept. 2009, aff. C-97/08, Akzo Nobel). En droit interne, la jurisprudence et la pratique décisionnelle faisaient exception à la validité des accords intragroupes pour les ententes intragroupes en matière de marchés publics. L’Autorité de la concurrence a abandonné récemment cette position particulière en reprenant purement et simplement la jurisprudence constante de la Cour de justice relative à l’immunité au regard du droit des ententes des pratiques collusoires intragroupes (Aut. conc. déc. n° 20-D-19 du 25 nov. 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des marchés de fourniture de produits alimentaires de l’établissement public national France AgriMer).
La décision d’association d’entreprises, bien que se présentant comme un acte unilatéral, résulte d’un accord de volontés de ses membres et est, à ce titre, susceptible de relever des règles de prohibition des ententes (Cass. com., 16 mai 2000, Ordre national des pharmaciens, n° 98-12.612). Une telle qualification requiert que l’association soit composée d’entreprises, le fait que les entreprises exercent une profession règlementée étant indifférent. Une entreprise peut se voir imputer la participation à une entente même si elle n’est pas active sur le marché affecté par l’entente, mais facilite sciemment celle-ci (par exemple en participant à son organisation (CJUE, 22oct. 2015, aff. C-194/14 P, AC-Treuhand AG contre Commission européenne) ou en servant sciemment d’instrument pour sa réalisation. (CJUE, 21 juill. 2016, aff. C-542/14, VM Remonts).
Les algorithmes informatiques posent de redoutables questions au droit de la concurrence et particulièrement à celui des ententes (L. Arcelin, Le Droit de la concurrence mis à l’épreuve par le numérique, Sem. Jur. Entreprises et Affaires, n° 45, 7 nov. 2019). Ils peuvent notamment affecter l’autonomie des entreprises sur le marché en offrant des moyens sophistiqués pour établir des ententes tacites (C. Prieto, Ententes : concours de volontés, Europe Traité, Lexis Nexis SA, 2018, § 9). Les autorités françaises et allemandes de concurrence s’en préoccupent (Autorité de la concurrence et Bundeskartellamt, Algorithmes et concurrence, nov. 2019, site de l’Autorité de la concurrence).