Les principes de l’analyse des effets coordonnés sont développés dans les lignes directrices de la Commission (tant celles consacrées aux fusions horizontales que celles consacrées au fusions non horizontales). Les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations de juillet 2020 y consacrent également de longs développements (paragraphes 737 à 766).
En pratique, de nombreux facteurs sont pris en compte pour déterminer si des effets coordonnés sont susceptibles de résulter d’une concentration.
La condition de compréhension est d’autant plus facilement remplie que la structure du marché est simple et stable. Si les entreprises sont peu nombreuses sur le marché, qu’elles sont relativement similaires en taille et en activité (produits similaires) et le demeurent (faible innovation), elles seront plus susceptibles de partager une perception commune de la manière dont doit fonctionner la coordination. Dans ce contexte, si l’opération augmente la symétrie entre les acteurs, par exemple si un des opérateurs acquiert un « franc-tireur », les effets coordonnés seront facilités. Tous les éléments qui favorisent les échanges d’information entre concurrents, telles que des données de marché largement partagées, ou qui favorisent des réactions communes, telles que des règles de tarification communes, concourent également à ce résultat.
La condition de détection suppose une transparence du marché qui permet aux entreprises détecter les éventuelles déviations de l’équilibre collusif.
La condition de dissuasion suppose que ces déviations puissent être punies de manière suffisamment sévère pour être découragées a priori. Ainsi, si la collusion tacite consiste à diminuer les quantités pour soutenir artificiellement les prix, la déviation consiste pour un concurrent à produire plus pour s’écarter de l’équilibre oligopolistique. Une punition dissuasive suppose que les concurrents disposent d’importantes capacités de production, permettant de réagir rapidement et avec ampleur à cette déviation, faisant s’effondrer les prix pour tous les opérateurs. La punition sera facilitée si les contrats sont courts, sans quoi les concurrents ne peuvent réagir rapidement à la déviation, et si les entreprises sont présentes sur plusieurs marchés, une déviation sur l’un d’entre eux pouvant être punie sur les autres.
La condition de non-contestation suppose que l’équilibre collusif ne soit pas mis en péril par les concurrents, notamment les nouveaux entrants potentiels, par le biais d’importations ou par le contre-pouvoir de la demande.
Les risques d’effets coordonnés ont été particulièrement mis en valeur dans deux décisions récentes de l’Autorité de la concurrence.
Dans la décision n° 19-DCC-157, l’Autorité a analysé les risques d’effets coordonnés entre France Télévision, TF1 et M6 liés à la création d’une entreprise commune, la plate-forme de vidéo Salto. Certains des engagements acceptés par l’Autorité dans ce dossier visaient à remédier à de tels risques, en particulier des engagements sur la gouvernance de Salto destinés à éviter toute coordination des comportements des trois sociétés mère sur le marché de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision gratuite en limitant, par exemple, les possibilités de circulation de l’information entre elles.
Dans la décision n° 20-DCC-116, l’Autorité a interdit la prise de contrôle conjoint d’un hypermarché Géant Casino situé dans la banlieue de Troyes par la société Soditroy et l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc. L’Autorité a notamment estimé qu’à l’issue de l’opération la nouvelle entité aurait facilement été en mesure de coordonner tacitement son comportement sur la zone troyenne avec celui de l’enseigne Carrefour. En effet, le marché de la distribution au détail est transparent, et l’opération aurait abouti à un duopole équilibré rendant plausible la dissuasion. Les fortes barrières à l’entrée dans le secteur rendaient impossible la contestation de l’équilibre de duopole.