La constitutionnalité de l’ancien article L. 442-6 I 2° du code de commerce, contestée par voie de QPC, a été reconnue à deux reprises par le Conseil constitutionnel. Celui-ci a, d’abord, admis la conformité de la règle au principe de légalité des délits et des peines, estimant l’incrimination définie en des termes suffisamment clairs et précis (Cons. const., déc. n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011, Établissements Darty et Fils ; v. égal., s’agissant de la conformité à l’art. 7 de la conv. européenne des droits de l’homme, CA Paris, 1er octobre 2014, RG 13/16336). Il a ensuite considéré que cette disposition ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle (Cons. const., déc. n° 2018-749 QPC du 30 novembre 2018, Société Interdis et autres).
La Cour de cassation a jugé qu’il s’agit d’une loi de police dont l’application s’impose au juge saisi, sans qu’il soit besoin de rechercher la règle de conflit de lois conduisant à la détermination de la loi applicable (Cass. com., 8 juillet 2020, n° 17-31.536).
La règle sur le déséquilibre significatif est pourvue d’un large champ d’application. D’un point de vue matériel, elle vise « des obligations », sans aucune précision ni exclusion, de sorte qu’elle a vocation à s’appliquer à n’importe quelle obligation. Il a en particulier été admis qu’elle autorise un contrôle judiciaire du prix (Cass. com., 25 janvier 2017, n° 15-23.547, selon laquelle le texte « n’exclut pas, contrairement à l’article L. 212-1 du code de la consommation, que le déséquilibre significatif puisse résulter d’une inadéquation du prix au bien vendu » ; v. aussi Cons. const., déc. n° 2018-749 QPC, préc. et Cass. com., 27 septembre 2018, n° 18-40.028). Le texte ne comporte aucune indication quant aux contrats concernés, mais la jurisprudence refuse de l’appliquer à certaines relations contractuelles. Si l’exclusion des rapports noués par des entités relevant du code monétaire et financier résulte directement de l’article L. 511-4 de ce code (Cass. com., 15 janvier 2020, n° 18-10.512), celle du bail commercial (Cass. 3e civ., 15 février 2018, n° 17-11.329) ou de la cession de fonds de commerce (CA Paris, 10 avril 2019, RG 18/00311) tient, selon les arrêts, à ce que la règle sur le déséquilibre significatif concerne uniquement les activités de production, de distribution ou de services. Son application est également écartée, sans justification explicite, dans le cas des relations internes à un groupement (Cass. com., 11 mai 2017, n° 14-29.717, pour un groupement d’intérêt économique (GIE) ; Cass. com., 18 octobre 2017, n° 16-18.864, pour une société coopérative de commerçants détaillants ; Cass. 3e civ., 11 octobre 2018, n° 17-23.211, pour une association).
L’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 a consacré une extension du domaine personnel, à double titre. D’une part, l’auteur de la pratique n’est plus désigné par voie d’énumération (« tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers »), mais entendu plus largement comme « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ». D’autre part, la victime du déséquilibre, initialement identifiée au « partenaire commercial » – notion susceptible de restreindre l’emprise du texte (v. not. CA Paris, 27 septembre 2017, RG 16/00671, adoptant une interprétation restrictive) –, est désormais « l’autre partie ». De surcroît, il est précisé que la pratique peut se manifester lors de « la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution », autrement dit aux différentes phases du processus contractuel.
La Cour de cassation, appelée à définir le partenaire commercial au sens de l’ancien article L. 442-6 I 2° du code de commerce, en a consacré une acception large, paraissant anticiper la nouvelle rédaction issue de l’ordonnance puisqu’il s’agit de « la partie avec laquelle l’autre partie s’engage, ou s’apprête à s’engager, dans une relation commerciale » (Cass. com., 15 janvier 2020, n° 18-10.512).
La règle édictée à l’article L. 442-1 I 2° du code de commerce définit la pratique prohibée à partir de deux éléments constitutifs dont la preuve incombe à celui qui entend s’en prévaloir. Cette disposition requiert, outre le résultat obtenu ou recherché – sous la forme d’un « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » –, un comportement consistant à « soumettre ou […] tenter de soumettre ».
La jurisprudence assimile l’élément comportemental au fait d’imposer ou de tenter d’imposer sans possibilité de négociation et a précisé, à cet égard, qu’il ne se limite pas à la contrainte (Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-11.387).
Initialement, les juridictions ont paru en faciliter la démonstration en raison, selon les cas, de la procédure contractuelle utilisée (pour des contrats d’adhésion, Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27.525 et n° 14-10.907 ; pour un contrat type, Cass. com., 29 septembre 2015, n° 13-25043) ou de l’inégalité de puissance économique entre les parties (Cass. com., 26 avril 2017, n° 15-27.865 ; Cass. com., 4 octobre 2016, n° 14-28.013). Cependant, elles se montrent dorénavant plus exigeantes dans la preuve à rapporter : il est nécessaire d’établir l’absence de négociation effective des stipulations litigieuses, démonstration qui ne peut être effectuée à partir d’un unique indice, qu’il s’agisse d’« une forte asymétrie du rapport de force », de « l’insertion de clauses “déséquilibrées” dans un contrat-type » ou encore de « l’adoption, par un certain nombre de fournisseurs, de clauses identiques qui leur étaient manifestement défavorables » (Cass. com., 20 novembre 2019, n° 18-12.823 ; CA Paris, 20 décembre 2017, RG 13/04879).
Le déséquilibre significatif, second élément constitutif, ayant été emprunté à la règle du code de la consommation, le raisonnement suivi sur le fondement de cette dernière peut inspirer la mise en œuvre de la disposition du code de commerce, sans pour autant raisonner par analogie, les rapports entre entreprises étant bien différents de ceux entre professionnels et consommateurs (CA Paris, 29 octobre 2014, RG 13/11059).
S’agissant du déséquilibre juridique, il y a lieu de rechercher, au regard de la grille d’appréciation concrète développée au fil des arrêts, si l’obligation en cause est réciproque ou assortie d’une contrepartie ou pourvue d’une justification. La jurisprudence précise que l’appréciation du déséquilibre significatif doit s’effectuer dans « le contexte dans lequel [le contrat est] conclu ou proposé à la négociation » et requiert une analyse globale et concrète du contrat (Cass. com., 3 mars 2015, n° 14-10.907). Elle répartit le fardeau probatoire en deux temps : il appartient à celui qui invoque le bénéfice de la règle de mettre en évidence un déséquilibre significatif prima facie ; il revient alors à l’auteur allégué de la pratique d’établir qu’un rééquilibrage est intervenu à l’échelle du contrat (Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-11.387).
La règle consumériste ne s’appliquant pas au prix, la jurisprudence rendue sur son fondement est sans utilité pour le déséquilibre tarifaire. Celui-ci est entendu comme « une contrepartie dont la valeur est disproportionnée de manière importante à ce [que l’autre] donne » (CA Paris, 23 mai 2013, RG 12/01166), interprétation inspirée de la règle appréhendant l’avantage manifestement disproportionné au regard de la contrepartie. Aussi est-il considéré que, dans ce cas particulier, la démonstration à effectuer puisse être similaire à celle développée en jurisprudence pour cette autre disposition (CEPC, avis n° 15-22 relatif à une demande d’avis d’un professionnel sur la validité des conditions de révision du prix d’un abonnement).