Demande de renseignements

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

Les rapporteurs de l’Autorité de la concurrence et les agents de la DGCCRF habilités ont le pouvoir en vertu de l’article L. 450-3 du code de commerce de recueillir « sur place ou sur convocation, tout renseignement, document ou toute justification nécessaire au contrôle ». Ce pouvoir s’exerce pour l’application des dispositions des titres II (pratiques anticoncurrentielles), III (concentrations) et VI (notamment fonctions consultatives) du livre IV du code de commerce.

Il peut prendre différentes formes, entre autres, l’envoi de questionnaires, le recueil de documents dans les locaux de l’entreprise, l’organisation d’auditions sur convocation ou sur place (après prise de rendez-vous ou de manière inopinée). On parle généralement de pouvoirs d’enquête simple par opposition aux enquêtes de l’article L. 450-4 réalisées sur la base d’une autorisation judiciaire (ordonnance d’un juge des libertés de la détention).

Peuvent être sollicitées toutes personnes parties ou non au dossier, quelles que soient leurs fonctions (l’exercice du droit de communication n’est pas subordonné à la présence d’une personne ayant le pouvoir de diriger, gérer ou engager à titre habituel l’entreprise) et sans qu’il soit possible de demander préalablement l’accord d’une tierce personne concernée par les documents demandés.

En revanche, il n’existe pas de droit à être entendu, les rapporteurs et les agents de la DGCCRF ont toute latitude des moyens à mettre en oeuvre pour réaliser leur enquête. Les rapporteurs ne sont pas obligés d’auditionner les personnes mises en cause avant l’envoi de la notification de griefs. Ils ont la possibilité d’auditionner à tous les stades de la procédure toute personne physique ou morale dont les déclarations sont utiles à l’enquête. Aucun texte ne fait obstacle à la réalisation d’actes d’enquête – notamment d’auditions – postérieurement à la notification de griefs.

Le recueil de déclarations et la prise de copie de documents sont réalisés par procès-verbal après que les rapporteurs ou agents de la DGCCRF aient justifié de leur qualité et indiqué l’objet de leur enquête. Cependant, il n’y a pas d’obligation à justifier des motifs pour lesquels une enquête est réalisée. La remise volontaire des documents demandés fondée sur l’article L. 450-3 diffère du pouvoir d’exécution forcée de l’article L. 450-4 du code de commerce. La demande de renseignement doit être précise, non disproportionnée et porter sur des documents dont l’existence est connue des enquêteurs (notion beaucoup plus large que celle de documents professionnels détenus obligatoirement par l’entreprise). La demande peut nécessiter un retraitement de l’information par l’entreprise pour la rendre accessible et lisible par les enquêteurs. Rien n’exclut, par ailleurs, qu’il soit remis spontanément aux enquêteurs des documents qu’ils n’ont pas demandés.

En cas d’absence de réponse à une demande de renseignement, de refus ou de réponse volontairement erronée, les articles L. 464-2 alinéa 1 paragraphe V (injonction assortie d’une astreinte), L. 464-2-V alinéa 2 (obstruction), et L. 450-9 (opposition à fonction) du code de commerce permettent de sanctionner le comportement.

Enfin, les enquêteurs peuvent, sans se voir opposer le secret professionnel, accéder à tout document ou élément d’information détenu par les services et établissements de l’Etat, les autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes et les autres collectivités publiques (article L450-7 du code de commerce).

Article L450-3 alinéa 4 et 5 « Les agents peuvent exiger la communication et obtenir ou prendre copie, par tout moyen et sur tout support, des livres, factures et autres documents professionnels de toute nature, et, le cas échéant, de leurs moyens de déchiffrement, susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles, entre quelques mains qu’ils se trouvent, propres à faciliter l’accomplissement de leur mission. Ils peuvent exiger la mise à leur disposition des moyens indispensables pour effectuer leurs vérifications. Ils peuvent également recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, document ou toute justification nécessaire au contrôle.

Pour le contrôle des opérations faisant appel à l’informatique, ils ont accès aux logiciels et aux données stockées ainsi qu’à la restitution en clair des informations propres à faciliter l’accomplissement de leurs missions. Ils peuvent en demander la transcription par tout traitement approprié des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle. »

 

Pour aller plus loin

Dans le cas des enquêtes simples réalisées sur le fondement de l’article L. 450-3 du code de commerce, les entreprises sont dans l’obligation de répondre aux demandes présentées par les services d’instruction (décision n° 17-D-27 du 21 décembre 2017, § 117). La Cour de cassation juge en ce sens que les enquêteurs « tiennent de la loi le pouvoir d’exiger la communication de documents de toute nature propres à l’accomplissement de leur mission » (chambre criminelle, arrêt du 24 février 2009, n° 08-84.410).

En revanche, le principe de non auto-incrimination est applicable c’est-à-dire le droit de toute personne de ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable consacré par l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Cons. conc., Décision n° 05-D-66 du 5 déc. 2005, points 214 et s.) et le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser qui découle de l’article 9 de la Déclaration de 1789 (Cons. const., décision n° 2011-214 QPC du 27 janvier 2012, Soc. COVED, s’agissant du droit de communication de l’administration des douanes).

Si l’entreprise est amenée à admettre l’existence d’infractions en répondant à une demande de renseignement, la conduisant à s’auto-incriminer, elle peut s’abstenir de répondre sans encourir de sanctions pour non coopération à l’enquête (CJCE 18 octobre 1989 aff. 374/87, Orkem c/ Commission), mais encore faut-il qu’il soit vérifié si une réponse du destinataire équivaut effectivement à l’aveu d’une infraction (CJCE, 15 octobre 2002, LVM, DSM, Enichem, ICI et autres). Toutefois, si les services d’instruction ne peuvent imposer l’obligation de fournir des réponses par lesquelles l’entreprise concernée serait amenée à admettre l’infraction, ils peuvent obliger celle-ci à fournir des renseignements sur les faits ou documents dont ils ont connaissance, tant qu’ils ne dépassent pas la limite évoquée précédemment (Cons. Conc., déc. N°09-D-05, 2 février 2009).

En droit des pratiques anticoncurrentielles, le principe du contradictoire, notamment la mise à disposition du dossier, ne commence qu’à la communication des griefs par l’Autorité de la concurrence (article L. 463-1 du code de commerce, voir également Cass com, 23 novembre 2010, n° 09-72031). En conséquence, le principe du contradictoire c’est-à-dire le droit pour chaque partie, le demandeur comme le défendeur, de faire valoir ses arguments et corrélativement de connaître en temps utile ceux de son adversaire afin de pouvoir les discuter est inapplicable au stade de la mise en œuvre de la recherche de la preuve et donc au stade de la demande de renseignement.

C’est le principe de loyauté qui s’applique. Si les enquêteurs doivent faire connaitre clairement aux entreprises l’objet de leurs investigations, ils ne sont pas tenus de justifier des motifs de ces investigations ou des circonstances dans lesquelles l’Autorité a été saisie (décision 17-D-27 du 21 décembre 2017).

Enfin, les demandes de communication d’informations et de documents formulées sur le fondement des dispositions de l’article L. 450-3 du code de commerce ne sont pas en elles-mêmes des actes susceptibles de faire grief (Cons. const., décision 2016-552 QPC du 8 juillet 2016, Société Brenntag ; rappr. : Cons. const., décision n° 2011-214 QPC du 27 janvier 2012, Soc. COVED, s’agissant du droit de communication de l’administration des douanes). En conséquence, elles ne peuvent être regardées comme des actes détachables de la procédure, susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Il n’y a donc pas de voie de recours autonome. Dans sa décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a également rappelé que, les dispositions de l’article L. 450-3 ne portent aucune atteinte au droit à un recours effectif puisque les entreprises visées par ces actes d’enquête peuvent, le cas échéant, en contester la régularité à l’occasion du recours au fond formé contre une décision de sanction dont elles feraient l’objet (voir également Cass com, 26 avril 2017, n° 15-25699 ; Cass crim, 28 juin 2017, n° 16-81414).

 

Jurisprudences pertinentes

Cass. Com. 26 avril 2017, n°15.25699 et n°15.25701, société Brenntag

Conseil constitutionnel, décision n°2016-552 QPC du 8 juillet 2016, Société Brenntag

Cass. Crim. 24 février 2009, n°08-84.410

Cass. Com. 9 mai 2001, n°98-22.150

Cass. Com., 4 février 1997, n°95-10.486

Cass. Crim., 9 juillet 1975, n°74-93.318

 

Bibliographie

Lacresse, A., CEDH - Inspections : La Cour européenne des droits de l’homme exige qu’une inspection menée par une autorité de concurrence dans les locaux d’une entreprise puisse faire l’objet d’un contrôle ex post facto efficace à défaut d’avoir fait l’objet d’un contrôle judiciaire préalable (Delta Pekárny/République tchèque), 2 octobre 2014, Concurrences N° 1-2015, Art. N° 71379, pp. 169-171

Lemaire C. Murguet E., Obstruction : L’Autorité de la concurrence prononce une nouvelle sanction pour obstruction à l’instruction d’une enquête (Mayotte Channel Gateway), 9 décembre 2021, Concurrences N° 1-2022, Art. N° 105597, p. 172

Lemaire C., Chikh S., Obstruction à l’instruction : L’Autorité de la concurrence sanctionne pour la première fois une entreprise pour obstruction à l’instruction (Brenntag), 21 décembre 2017, Concurrences N° 2-2018, Art. N° 86969

Lemaire C., Pouvoirs d’enquête : La Cour de cassation considère que les mesures d’enquête prises sur le fondement de l’article L. 450-3 C. com. Ne doivent pas faire l’objet d’un recours juridictionnel autonome et refuse de transmettre des questions préjudicielles à cet égard (Brenntag), 26 avril 2017, Concurrences N° 3-2017, Art. N° 84590, pp. 135-137

Marie A., les enquêtes de la DGCCRF en matière de pratiques anticoncurrentielles, RLC, Janvier/mars 2008, n°14, pp.112-128

Ronzano A., Droits de la défense : La Cour de cassation refuse de reconnaître un recours juridictionnel autonome aux entreprises destinataires d’une « demande d’informations » opérée sur le fondement de l’article L. 450-3 du code de commerce et de transmettre des demandes préjudicielles sur ce point à la Cour de justice de l’Union (Brenntag), 26 avril 2017, Concurrences N° 3-2017, Art. N° 84806

Auteur

  • Autorité de la concurrence (Paris)

Citation

Sophie Bresny, Demande de renseignements, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 86671

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Selon les articles 18 du Règlement (CE) No 1/2003 et 11 du Règlement (CE) 139/2004, pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par ces règlements, la Commission peut, par simple demande ou par voie de décision, demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir tous les renseignements nécessaires. Lorsqu’elle envoie une simple demande de renseignements à une entreprise ou à une association d’entreprises, la Commission indique la base juridique et le but de la demande, précise les renseignements demandés et fixe le délai dans lequel ils doivent être fournis. Elle indique aussi les sanctions prévues au cas où un renseignement inexact ou dénaturé serait fourni. Sont tenus de fournir les renseignements demandés, au nom de l’entreprise ou de l’association d’entreprises concernées, les propriétaires des entreprises ou leurs représentants et, dans le cas de personnes morales, de sociétés ou d’associations n’ayant pas la personnalité juridique, les personnes chargées de les représenter selon la loi ou les statuts. Les avocats dûment mandatés peuvent fournir les renseignements demandés au nom de leurs mandants. Ces derniers restent pleinement responsables du caractère complet, exact et non dénaturé des renseignements fournis. La Commission transmet sans délai une copie de la simple demande ou de la décision à l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel est situé le siège de l’entreprise ou de l’association d’entreprises et à l’autorité de concurrence de l’État membre dont le territoire est concerné. À la demande de la Commission, les gouvernements et les autorités de concurrence des États membres fournissent à la Commission tous les renseignements nécessaires à l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement. © Commission européenne

Voir également Règlement (CE) No 1/2003 et Règlement (CE) 139/2004

 
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