Contrat d’agence

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

Les contrats dits « d’agence » sont des contrats de représentation (ex., mandat, commission) aux termes desquels une personne, physique ou morale, dénommée agent est « investie du pouvoir de négocier et/ou de conclure des contrats pour le compte d’une autre personne (le commettant) soit en son nom propre soit au nom du commettant en vue de l’achat de biens ou de services par le commettant, ou de la vente de biens ou de services fournis par le commettant » (lignes directrices sur les restrictions verticales (2022/C 248/01), ci-après « LD », pt 29). Même si l’agent constitue une entité juridique distincte de celle du commettant, il ne dispose pas nécessairement d’une réelle autonomie à l’égard de ce dernier. Ainsi que le relève la Commission européenne « dans certaines circonstances, la relation entre un agent et son commettant peut être qualifiée de relation dans laquelle l’agent n’agit plus en tant qu’opérateur économique indépendant » (LD, pt. 30) et l’« unité économique » qu’il forme avec le commettant (CJCE, 16 décembre 1975, aff. jtes 40 à 48, 50, 54 à 56, 111, 113 et 114/73 ; CJCE, 14 décembre 2006, aff. C-217/05) conduit à considérer que de tels accords verticaux ne relèvent pas « en tout ou partie, de l’article 101§1 du traité » (LD, pt. 30) autrement dit de l’interdiction des ententes (art. L. 420-1 C. com et art. 101, para. 1, TFUE).

Le raisonnement et l’analyse à conduire en matière de contrat d’agence n’ont pas été profondément modifiés depuis l’adoption du nouveau règlement UE 2022/720 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (JOUE 11 mai 2022, L134/4) et des nouvelles lignes directrices qui l’accompagnent (2022/C 248/01). On relèvera toutefois spécialement deux évolutions. La première porte sur les contrats conclus avec des entreprises actives dans l’économie des plateformes en ligne, à propos desquels la Commission considère qu’ils ne remplissent généralement pas les conditions pour être qualifiés de contrats d’agence ne relevant pas de l’article 101§1 du TFUE (LD, pt. 46). La seconde porte sur la situation des distributeurs indépendants agissant également en tant qu’agents pour certains biens ou services d’un même fournisseur, à propos desquels la Commission considère que les contrats d’agence « doivent faire l’objet d’une évaluation stricte » afin d’éviter un « abus du modèle d’agence » utilisé pour « contourner l’application de l’article 101§1 du TFUE » (LD, pt. 45).

 

Pour aller plus loin

L’analyse concurrentielle d’un contrat d’agence commande de vérifier dans un premier temps que l’on se trouve en présence d’un accord pouvant être qualifié de contrat d’agence ne relevant pas, en tout ou partie de l’article 101§1 du TFUE pour apprécier, dans un second temps les conditions d’application des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 C. com.

Identification d’un contrat d’agence ne relevant pas de l’article 101§1 du TFUE

La qualification juridique donnée à l’accord qui lie l’agent au commettant est sans incidence sur la définition d’un contrat d’agence au sens du droit de la concurrence et, en tant qu’exception à l’applicabilité générale de l’article 101 §1 du TFUE, les conditions de la qualification d’un accord en tant que contrat d’agence au sens du droit de la concurrence doivent « faire l’objet d’une interprétation stricte » (LD, pt. 30).

Si l’on se réfère aux lignes directrices de la Commission, pour identifier le contrat d’agence ne relevant pas « en tout ou en partie, de l’article 101, paragraphe 1, du traité » il faut vérifier que « l’agent ne supporte aucun risque financier ou commercial important en rapport avec les contrats qu’il conclut ou négocie au nom du commettant » (LD, pt. 30 – adde TPICE, 15 septembre 2005, aff. T-325/01 ; CJCE, aff. C-217/05, préc. ; CJCE, 11 septembre 2008, aff. C-279/06).

Trois types de risques, financiers ou commerciaux, pertinents sont à considérer. Il s’agit des risques « propres à chaque contrat, qui sont directement liés aux contrats conclus et/ou négociés par l’agent pour le compte du commettant, comme le financement des stocks », des risques « liés aux investissements propres au marché » et de ceux « liés à d’autres activités menées sur le même marché de produits, dans la mesure où le commettant demande à l’agent, dans le cadre de la relation d’agence, de se charger de ces activités non pour son compte, mais à ses propres risques » (ibid., pt 31). Après avoir donné des exemples de l’absence de prise en charge de tels risques (ibid., pt 33), la Commission précise que cette liste n’est pas exhaustive.

A contrario, lorsque l’agent supporte un ou plusieurs des risques identifiés, le contrat ne sera pas qualifié de contrat d’agence ne relevant pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. On rappellera (cf. supra) à cet égard, que la Commission considère que les conditions pour être qualifié de contrat d’agence « ne seront généralement pas remplies » s’agissant des accords verticaux conclus par les entreprises actives dans l’économie des plateformes en ligne (LD. pt. 63).

Application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE aux contrats d’agence

Lorsque « la fonction de vente ou d’achat de l’agent fait partie intégrante des activités du commettant », la qualification de contrat d’agence justifie qu’aucune des obligations « imposées à l’agent en relation avec les contrats qu’il négocie et/ou conclut pour le compte du commettant » ne relève de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (LD, pt 41). Peuvent être considérées comme telles les limitations tenant au territoire ou aux clients sur lesquels ou auxquels l’agent peut vendre ainsi que celles tenant aux prix et conditions auxquels l’agent doit vendre ou acheter les biens ou services contractuels (ibid. – adde CJCE, aff. C-217/05, préc.).

Toutefois, l’agent demeurant une entreprise distincte de celle du commettant, les dispositions du contrat d’agence régissant la relation entre l’agent et le commettant peuvent, quant à elles, relever de l’article 101, paragraphe 1, TFUE « qu’elles fassent partie de l’accord régissant la vente ou l’achat de produits ou d’un accord distinct » (LD, pt. 43). Tel peut être le cas s’agissant de stipulations relatives aux relations entre l’agent et le commettant (ex., clauses d’exclusivité, de monomarquisme) (LD, pt 43). Tel peut être également le cas lorsque le contrat d’agence facilite la collusion par exemple « lorsqu’un certain nombre de commettants font appel aux même agents et empêchent collectivement d’autres commettants de recourir à ces mêmes agents, ou lorsque les commettants se servent d’agents pour s’entendre sur une stratégie commerciale ou pour s’échanger des informations sensibles sur le marché » (LD, pt 44).

On rappellera (cf. supra), que les nouvelles lignes directrices établies par la Commission visent, en outre, désormais expressément les situations dans lesquelles la qualité de distributeur indépendant est cumulée avec celle d’agent pour des biens ou des services du même fournisseur en invitant à une évaluation stricte du contrat d’agence pour « éviter un abus du modèle d’agence dans les cas où le fournisseur ne devient pas réellement actif au stade du commerce de détail par le biais du contrat d’agence, ne prend pas toutes les décisions commerciales et n’en assume pas tous les risques s’y rapportant (…) mais utilise plutôt le modèle d’agence comme moyen de contrôler les prix de détail pour les produits qui lui permettent d’obtenir des marges élevées » (LD, p. 45).

 

Bibliographie

Règlement (UE) 2022/720 de la Commission du 10 mai 2022 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JOUE n° L. 134, 11 mai 2022.

Comm. eur., Lignes directrices sur les restrictions verticales, (2022/C 248/01), JOUE n° C 248, 30 juin 2022.

Auteur

Citation

Anne-Cécile Martin, Contrat d’agence, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 85980

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Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

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Définition institution

Un agent est une personne physique ou morale investie du pouvoir de négocier et/ou de conclure des contrats pour le compte d’une autre personne (le commettant), soit en son nom propre soit au nom du commettant en vue de : (i) l’achat de biens ou de services par le commettant, ou de (ii) la vente de biens ou de services fournis par le commettant.

Le facteur déterminant pour la définition d’un contrat d’agence aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, est le risque commercial ou financier que supporte l’agent en relation avec les activités pour lesquelles le commettant l’a désigné (Voir l’arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, Daimler Chrysler AG/Commission, (T-325/01, Recueil 2005, p. II-3319), et les arrêts de la Cour de justice du 14 décembre 2006, Confederación Espanola de Empresarios de Estaciones de Servicio/CEPSA, (C-217/05, Recueil 2006, p. I-11987) et du 11 septembre 2008, CEPSA Estaciones de Servicio SA/LV Tobar e Hijos SL, (C-279/06, Recueil 2008, p. I-6681). À cet égard, le fait que l’agent agisse pour le compte d’un ou de plusieurs commettants est sans incidence, de même que la qualification donnée à l’accord par les parties ou par la législation nationale.

Trois types de risques financiers ou commerciaux sont pertinents pour la définition d’un contrat d’agence aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1. Premièrement les risques propres à chaque contrat, qui sont directement liés aux contrats conclus et/ou négociés par l’agent pour le compte du commettant, comme le financement des stocks. Deuxièmement, les risques liés aux investissements propres au marché. Ces investissements sont ceux qu’exige le type d’activité pour lequel l’agent a été désigné par le commettant, c’est-à-dire ceux qui sont nécessaires pour que l’agent puisse conclure et/ou négocier ce type de contrat. Ces investissements sont généralement irrécouvrables, ce qui signifie que lors de l’abandon du domaine d’activité considéré, ils ne peuvent servir pour d’autres activités ou les actifs concernés ne peuvent être vendus que moyennant de lourdes pertes. Troisièmement, les risques liés à d’autres activités menées sur le même marché de produits, dans la mesure où le commettant demande à l’agent de se charger de ces activités non pas pour son compte, mais à ses propres risques.

Aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, l’accord sera considéré comme un contrat d’agence si l’agent ne supporte aucun risque, ou n’en supporte qu’une partie négligeable, en rapport avec les contrats qu’il conclut et/ou négocie pour le compte du commettant, avec les investissements propres au marché pour ce domaine d’activité ou avec les autres activités que le commettant lui demande d’exercer sur le même marché de produits. Toutefois, les risques qui sont attachés aux prestations de services d’agence en général, comme le risque que les revenus de l’agent soient subordonnés à sa réussite en tant qu’agent ou les investissements généraux dans un local ou du personnel, par exemple, ne sont pas pertinents pour cette appréciation.

Aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, un accord sera donc généralement considéré comme un contrat d’agence lorsque l’agent n’est pas investi de la propriété des biens contractuels achetés ou vendus ou lorsqu’il ne fournit pas lui-même les services contractuels et qu’il : (a) ne contribue pas aux coûts liés à la fourniture ou à l’achat des biens ou des services contractuels, y compris les coûts de transport des biens. Cela n’empêche pas l’agent d’effectuer le service de transport, sous réserve que les coûts soient couverts par le commettant ; (b) ne tient pas, à ses propres frais ou risques, de stocks de biens contractuels, et notamment ne supporte pas le coût de financement des stocks ni le coût lié à la perte des stocks, et peut retourner au commettant, sans frais, les invendus, à moins que sa responsabilité pour faute ne soit engagée (par exemple, pour ne pas avoir pris de mesures de sécurité suffisantes pour empêcher cette perte) ; (c) n’assume pas de responsabilité vis-à-vis des tiers pour les dommages causés par le produit vendu (responsabilité du fait des produits), sauf si sa responsabilité pour faute est engagée à cet égard ; (d) n’assume pas la responsabilité en cas de non-exécution du contrat par le client, à l’exception de la perte de sa commission, sauf si sa responsabilité pour faute est engagée (par exemple, pour ne pas avoir pris de mesures de sécurité ou contre le vol suffisantes ou de mesures raisonnables pour signaler un vol au commettant ou à la police, ou pour ne pas avoir communiqué au commettant toute information en sa possession concernant la fiabilité financière du client) ; (e) n’est pas tenu, directement ni indirectement, d’investir dans des actions de promotion des ventes, telles qu’une contribution au budget publicitaire du commettant ; (f) ne réalise pas d’investissements propres au marché dans des équipements, des locaux ou la formation du personnel (par exemple, dans un réservoir d’essence pour la vente au détail de carburant ou dans un logiciel spécialisé pour la vente de polices d’assurance dans le cas d’agents d’assurance), sauf si ces coûts lui sont intégralement remboursés par le commettant ; (g) ne se charge pas d’autres activités sur le même marché de produits à la demande du commettant, sauf si ces activités lui sont intégralement remboursées par ce dernier.

Cette liste n’est pas exhaustive. Cependant, si l’agent assume un ou plusieurs des risques ou des coûts cités précédemment l’accord entre l’agent et le commettant ne sera pas considéré comme un contrat d’agence. La question du risque doit être analysée cas par cas et en tenant compte de la réalité économique plutôt que de la forme juridique. Pour des raisons pratiques, l’analyse de risque peut débuter par l’appréciation des risques propres au contrat. Le fait que ces risques soient supportés par l’agent suffit à conclure que celui-ci est un distributeur indépendant. Au contraire, si l’agent ne supporte aucun des risques propres au contrat, il y a lieu de poursuivre l’analyse et d’apprécier les risques liés aux investissements propres au marché. Enfin, si l’agent ne supporte aucun des risques propres au contrat ni des risques liés aux investissements propres au marché, il y a lieu d’examiner les risques liés à d’autres activités menées sur le même marché de produits. © Commission Européenne

 
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