Concurrence

 

Définition auteur

 

Premier aperçu

La concurrence, objet du droit auquel elle a donné son nom, a suscité de nombreuses réflexions économiques à partir du XVIIIᵉ siècle, au moment où se propageaient les idées libérales. Par la suite, les théories économiques de la concurrence se sont étoffées et même démultipliées. Pour autant, la concurrence est une notion qui peut faire l’objet d’une double approche.

Selon une première approche, la concurrence se définit comme une situation dans laquelle un grand nombre d’entreprises s’affrontent sur le marché, en offrant des produits substituables entre eux. Cette conception est celle que l’on trouve dans le célèbre modèle de la « concurrence pure et parfaite », développée par les économistes néoclassiques à la fin du 19 XIX ᵉ siècle. Elle conduit à considérer les situations de marché dans lesquelles existe un petit nombre d’offreurs comme des altérations de la concurrence : on parle d’ailleurs de « concurrence imparfaite ».

Selon une seconde conception, la concurrence se définit comme un processus dynamique de sélection des entreprises les plus efficaces. Elle conduit à ne plus caractériser la concurrence par le nombre d’opérateurs mais par la possibilité d’entrer sur le marché. Concurrence rime alors avec absence de barrières à l’entrée et à la sortie, ce que les économistes dénomment « marché contestable ».

Ces deux conceptions n’en sont pas moins réconciliables. La concurrence constitue un aiguillon permanent, incitant les entreprises à offrir aux consommateurs le meilleur produit possible, que ce soit en termes de prix ou de qualité.

 

Pour aller plus loin

Dans la première vision de la concurrence, qui est celle de la concurrence pure et parfaite, concurrence rime d’abord avec grand nombre d’acteurs : plus les entreprises sont nombreuses, plus la concurrence est intense. De même, les produits sont homogènes, c’est-à-dire interchangeables entre eux. 

En situation de concurrence pure et parfaite, une entreprise est tellement petite par rapport à la taille du marché qu’elle n’est pas en mesure d’exercer une influence sur le prix. L’entreprise ne peut donc se comporter de manière indépendante des autres, au risque sinon d’être exclue du marché : par exemple, si elle décide d’augmenter son prix unilatéralement, tous les consommateurs partiront chez les concurrents. 

Cette rivalité permanente entre un grand nombre d’entreprises est bénéfique pour le consommateur : elle conduit à ce que le prix de marché soit le plus bas possible, c’est-à-dire égal au coût marginal de production. En concurrence pure et parfaite, aucune entreprise ne dispose d’un pouvoir de marché, c’est-à-dire de la capacité à vendre durablement au-dessus de ses coûts. En effet, s’il existe un profit, de nouvelles entreprises vont entrer sur le marché, ce qui va conduire à la baisse du prix. 

Par opposition à la concurrence parfaite, il est possible d’identifier des situations de marché dites de « concurrence imparfaite », dans lesquelles évolue sur le marché un petit nombre d’offreurs, voire un seul offreur.

Un premier exemple de concurrence imparfaite est celui du monopole : comme l’entreprise se retrouve seule sur le marché, elle peut augmenter son prix au-dessus de ses coûts, sans craindre de perdre tous ses clients. Le monopole apparaît alors comme la figure antinomique de la concurrence : il peut exercer son pouvoir de marché au détriment des consommateurs et du bien-être. 

Un second exemple de concurrence imparfaite est celui de l’oligopole, situation dans laquelle un petit nombre d’entreprises opère sur le marché : on peut montrer que l’intensité de la concurrence augmente avec le nombre d’entreprises, comme dans le célèbre modèle d’oligopole de Cournot. 

Dans la seconde conception, la concurrence conduit à ce qu’une entreprise puisse dominer le marché, au motif qu’elle offre aux consommateurs des performances supérieures à ses concurrents, que ce soit en termes de coût de production ou de qualité des produits. La concurrence implique donc la marginalisation, voire la sortie du marché, des entreprises les moins efficaces ou les moins innovantes. 

Cette situation de domination par une ou quelques entreprises risque toutefois d’être temporaire dans la mesure où de nouvelles innovations de produit ou de process vont venir remplacer l’existant. La concurrence se traduit alors par l’alternance de phases de concentration et de déconcentration du marché.

Dans cette seconde conception de la concurrence, ce qui est importe, ce n’est plus le nombre d’entreprises présentes sur le marché, mais la possibilité de contester la position des entreprises installées, en offrant de meilleurs produits et services. À la limite, un marché peut être en situation de concurrence avec une seule entreprise, si cette dernière est menacée en permanence par l’entrée de nouveaux opérateurs. 

Peut-on concilier ces deux visions de la concurrence apparemment antinomiques ?   En réalité, ces deux approches partagent un point commun fondamental : en concurrence, les entreprises qui restent sur le marché sont toujours celles qui offrent le meilleur produit possible aux consommateurs, que ce soit en termes de prix ou de qualité. Elles ne sont pas protégées par des barrières artificielles, mais seulement par leur propre mérite.

Toute la difficulté, et la subtilité, de la politique de la concurrence est précisément de parvenir à conjuguer ces deux approches de la concurrence. Ainsi, en matière de contrôle des concentrations, le nombre d’acteurs constitue certes un paramètre important pour apprécier l’intensité de la concurrence sur un marché. Mais le contrôle des concentrations prend également en compte le fait que de nouveaux concurrents peuvent entrer sur le marché (ce que l’on appelle la « concurrence potentielle ») ou que des gains d’efficacité puissent résulter d’une plus grande taille des entreprises. De même, en matière d’abus de position dominante, la politique de concurrence ne remet pas en cause le fait qu’une entreprise se trouve en position dominante ; elle lutte seulement contre les pratiques qui ne relèvent pas des mérites de l’entreprise et qui visent à maintenir ou à renforcer sa position dominante (dénigrement, refus d’accès, ventes liées, remises fidélisantes, etc). En matière d’ententes, la politique de concurrence réprime sévèrement les accords dont le seul but est de réduire une rivalité existante entre concurrents – ce que l’on appelle un « cartel » sans aucun gain pour les consommateurs ; à l’inverse, elle autorise, sous certaines conditions strictes, les ententes entre entreprises qui réduisent l’intensité de la concurrence sur le marché mais qui permettent en contrepartie d’obtenir des gains d’efficacité, à l’image de certains accords de R&D ou dans la distribution.

 

Bibliographie

COMBE (E.), La concurrence, 2ᵉéd., Paris, PUF, 2022.

HIGH (J.) (dir.), Competition : critical ideas in economics, Cheltenham, Edward Elgar Publishing, 2001

Auteurs

  • University of Paris I Panthéon-Sorbonne
  • Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines University

Citation

Emmanuel Combe, Muriel Chagny, Concurrence, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 110551

Visites 57

Éditeur Concurrences

Date 1er février 2023

Nombre de pages 842

Acheter

a b c d e f g i j k l m n o p r s t v